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La gestion de projet dans le secteur public : Le cas du DETEC à l’Office fédéral des Transports (OFT)

Paru le 4 octobre 2024

Eric Fragnière

Nous vous proposons aujourd’hui de poursuivre notre recherche sur l’utilisation de la gestion de projet, dans le secteur public, en Suisse.

Après avoir pris l’exemple du Département culture et transition numérique (DCTN) de la Ville de Genève, si nous allions voir du côté fédéral, à Berne ?

Nous vous proposons aujourd’hui de rencontrer Eric Fragnière, Responsable de la méthodologie de projet & Portfolio Manager à l’Office fédéral des Transports (OFT).

Pourquoi nous l’avons rencontré ? Parce que l’expression « à l’heure comme un train » prend tout son sens ici ; encore un service public qui marche plutôt bien !

Suite à notre email, notre interlocuteur n’a pas tardé à nous contacter pour d’abord nous apporter la distinction suivante :

  • les projets d’infrastructure, de génie civil, autrement-dit les plus visibles, ne sont pas considérés comme des « Projets OFT » puisqu’ils sont menés par des entités externes sur lesquelles l’OFT, par l’intermédiaire de sa Division Infrastructure, a essentiellement un rôle de financement et de surveillance ;
  • les projets internes à l’OFT, à l’inverse, sont les projets qui répondent à un mandat politique ou qui visent une plus-value organisationnelle (changement, création de valeur, amélioration d’un processus…).

Ce sont ces derniers que supervise Eric Fragnière et qui nous intéressent dans le cadre de notre recherche sur le lien entre gestion de projets et efficience du service public.

Pour rappel : l’organisme américain PMI (Project Management Institute) définit un projet comme « une entreprise temporaire initiée dans le but de fournir un produit, un service ou un résultat unique ». Cette définition implique qu’un certain nombre de paramètres (coût, ressources, planning, qualité, risques…) soit encadré et suivi minutieusement pour empêcher tout dérapage, en vue d’une finalité précise : le produit, service ou résultat engendré par le projet.

Le profil & les compétences d’Eric Fragnière

Eric Fragnière se considère lui-même comme ayant un « profil atypique » puisqu’il s’est d’abord tourné vers les humanités (anthropologie et géographie) avant de rejoindre l’OFT. Depuis une vingtaine d’années, il y occupe la fonction « d’état-major et de soutien au management », dont l’accompagnement méthodologique des projets et la gestion du portefeuille de projets ne sont qu’une des activités parmi d’autres

Il y a dix ans, il a été chargé d’implémenter la gestion d’un portefeuille de projets à l’OFT.

Etat des lieux de la gestion de projets au sein de l’OFT  

La gestion de projets est rattachée à la Fonction Gestion des risques et soutien de la Direction, au sein de la Division Politique.

Malgré ce rattachement fonctionnel, les projets peuvent s’appliquer de manière transversale et concerner toutes les unités de l’Office, notamment :

  • la Direction,
  • les cinq Divisions,
  • les différentes Sections.
  • Les types d’opération gérés « en mode projet » et leur administration

Comme nous l’avons rappelé en introduction, nous nous intéressons dans cet article aux projets « internes » à l’OFT.

On distingue quatre grandes catégories de projet :

  • Législatif : préparation ou modification de bases légales concernant par exemple le système tarifaire, la loi sur le transport marchandises, la révision de l’ordonnance sur la navigation, etc.
  • Produit : mise en place de prestations, élaboration d’un concept, mise en œuvre d’un plan d’action ou de mesures,
  • Technologique/Informatique : réalisation d’une application pour la gestion des risques d’incidents, développement d’un software pour la gestion de la commande du trafic régional voyageur et la surveillance des subventions, etc.
  • Organisationnel : réorganisations partielles, travaux d’optimisation des processus, implémentation de Microsoft 365, etc.

L’équipe d’Eric Fragnière ne pilote pas directement les projets mais en assure la coordination : elle veille à l’application des standards méthodologiques (coûts, risques, durée), gère le portefeuille de projets et en assure le suivi avec un reporting deux fois par an auprès de la Direction.

Les projets sont eux pilotés par des responsables, puisés en interne pour leurs connaissances, leur compétence et leur disponibilité. Ni le Project Management Office (PMO, soit l’équipe d’Eric Fragnière), ni la Direction n’intervient dans l’opérationnel des projets. La Direction est évidemment informée sur le statut des différents projets et d’éventuels problèmes, mais c’est aux donneurs d’ordre et aux chefs de projet de trouver eux-mêmes des solutions.

Dans le cas d’une indisponibilité en ressources internes, un chef de projet externe peut exceptionnellement être engagé pour une mission de durée limitée, mais cela reste très rare.

  • Ressources humaines et travail en mode projet au sein de l’OFT

Aujourd’hui, Eric Fragnière estime à près d’un quart des activités de l’OFT administrées en mode projet, même si aucune ventilation budgétaire ne permet de le confirmer formellement.

Comme pour la Ville de Genève, l’intérêt pour le travail en « mode projet » plutôt qu’en « mode processus » (gestion des activités courantes) ne s’est pas fait du jour au lendemain. C’est plutôt par pragmatisme que les responsables ont vu un intérêt à passer au projet, en considérant que cela pouvait faciliter le travail.

Par exemple, dans le cadre du travail préliminaire à l’introduction d’une nouvelle loi, l’organisation en projet permet de délimiter un périmètre, un début, une fin, de préciser des jalons, de dédier des ressources avec des rôles et des responsabilités spécifiques, etc.

En termes de certification, aucune n’est requise pour intégrer un projet à l’OFT, car là encore, c’est l’expérience qui prime.

Projets et efficacité du service public fédéral

  • L’intérêt du « mode projet » pour l’Office fédéral des transports

Le gros avantage de fonctionner en mode projet est la standardisation des méthodes, des outils, du vocabulaire, qui permet d’apporter plus d’efficacité et de transparence. Et finalement, c’est de la bonne utilisation des deniers publics dont il s’agit : le travail est considéré comme plus efficace, plus efficient puisqu’il engendre moins de pertes (de temps, d’énergie).

Il faut noter néanmoins qu’il existe une grande disparité au niveau des différents Offices fédéraux. Nous vous disions dans notre précédent article que nous vérifierions l’assomption selon laquelle HERMES était uniformément adopté par les organismes publics de la Confédération. Néanmoins, nous apprenons grâce à Eric Fragnière que cela reste un peu théorique : en pratique, si certains offices sont très orientés projet, ce n’est pas le cas de tous. De même, tous les projets ne sont pas forcément pilotés selon la méthode HERMES.

Selon notre interlocuteur, la clé réside dans l’adaptation des outils HERMES à la culture, aux méthodologies et aux habitudes de travail de chaque organisation. Une application à la lettre pourrait parfois s’avérer contreproductive, car la méthodologie suisse est très portée sur les projets technologiques/informatiques. A l’inverse, le champ d’activité de l’OFT est axé sur la réglementation, la planification, la surveillance et le financement ; le profil professionnel des employés est ainsi composé principalement d’ingénieurs et de juristes.

Un gros travail a été effectué par Eric Fragnière pour adapter HERMES à ce contexte : rédaction de modes d’emploi, de modèles de documents, définition des rôles répondant au mieux à la terminologie de l’organisation, mise sur pied d’ateliers, de formations, formation d’une communauté de gestionnaires de projets…

On nous parle beaucoup de la méthodologie de gestion de projet « swiss made » HERMES : et si l’on s’y intéressait un peu plus ? Lors de notre prochain entretien, nous tâcherons de mieux en comprendre les contours.
  • Les challenges actuels du PMO de l’OFT 

Le rôle du PMO est de consolider l’utilisation de la gestion de projet. Cela passe par la poursuite des efforts pour :

  • standardiser la méthode, les outils et les terminologies au contexte particulier de l’OFT ;
  • décentraliser le lancement de nouveaux projets, afin de soutenir les initiatives aussi bien des opérationnels (d’en bas) que des mandats politiques (d’en haut) ;
  • améliorer le processus de gestion de la qualité (quality management) dans un mouvement d’amélioration continu.

La place de la gestion de projet dans l’économie de demain ?

Antonio Nieto-Rodriguez parle du passage « d’une économie de production à une économie de projet » ; cette analyse est-elle valable pour le secteur public fédéral ?

Selon ce spécialiste de la gestion de projet, les organisations sont amenées à privilégier le mode projet, y compris pour la gestion des affaires courantes, car cela permet une meilleure adaptabilité et flexibilité.

Pour l’Office fédéral des transports et pour les offices fédéraux au sens large, cette analyse semble être peu probable. En effet, ils évoluent dans un contexte législatif et politique contraignant, avec des standards imposés et des processus établis qui laissent peu de place à l’agilité et à l’autonomie pleine et entière.

A titre d’exemple, on constate que le nombre de projets à l’OFT évolue assez peu ; sur ces 10 dernières années, les projets internes reste autour d’une trentaine par an.

Cet article vous a plu ?

Retrouvez-nous la semaine prochaine pour parler plus particulièrement de la méthode de gestion de projet « made in Switzerland » : HERMES !

 

Article du même auteur sur la "Gestion de projet dans le secteur public" :

La gestion de projet dans le secteur public : Introduction

Le cas de l’Unité projets transversaux à la Direction du DCTN de la Ville de Genève

Crédit photo : Eric Fragnière

Alice Meley-Pajol

Based in Geneva, Switzerland, I'm a passionate professional with over seven years' experience in project management in the public and private sectors. PMP certified, I also have a unique background combining diplomacy and management consulting. What motivates me is helping people, companies and organisations to solve their problems and perform better. I'm a good listener and adaptable, and my interest in international relations and cultural exchanges means I'm constantly broadening my horizons.

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