Dans un entretien à Geneva Business News, Jean-Luc Freymond, CEO et Chairman de SAGE1 - entreprise suisse leader dans l’informatique de gestion financière - parle des récentes distinctions reçues par ses produits, de sa vision et des moyens qu’il déploie pour exécuter celle-ci.
Après les débâcles successives du secteur bancaire et financier, aussi bien les investisseurs que les gestionnaires de fortune sont à la recherche d’outils simples et fiables pour gérer leur portefeuille. Au-delà de cette gestion, ce qui est recherché est l’amélioration des relations investisseurs-gestionnaires grâce à une meilleure compréhension et une meilleure explication des produits financiers.
Révolutionner le Front Office – interface entre l’investisseur et l’établissement financier – est au cœur de la mission que s’est donnée la société SAGE. Celle-ci a deux lignes de produits dont l’aînée (Prospero) offre des logiciels permettant notamment la gestion de fortune, la gestion institutionnelle, et la gestion de fonds (y compris les « hedge funds »). Prospero fournit des solutions pour chacun des segments de son marché de niche, depuis les gestionnaires de fortune indépendants jusqu’aux banques les plus établies en passant par les Family Offices. Prospero a reçu plusieurs distinctions ces derniers mois provenant notamment d’acteurs indépendants renommés comme le journal IBS2 et le groupe AITE3.
La cadette des lignes de produits (BlackSwan4) est une plate-forme qui permet à l’investisseur ou au gestionnaire de fortune d’optimiser le rendement de son portefeuille notamment en réduisant les pertes durant les conditions de marché extrêmes comme les crises. Bien que doté d’un modèle mathématique interne très élaboré, BlackSwan offre une plate-forme simple et compréhensible permettant à l’utilisateur de déterminer la répartition optimale de son investissement entre les différentes classes d’actifs disponibles. Il aura fallu 20 années-homme de travail pour arriver à un tel résultat : une avance considérable sur la concurrence. BlackSwan vient d’être reconnue par DATAMONITOR5 comme la tendance novatrice de l’année 2013 dans le domaine de la relation entre l’investisseur et le gestionnaire de fortune. Le produit permet notamment d’augmenter la qualité des discussions lors des réunions d’affaires entre ces deux partenaires et ainsi d’améliorer la compréhension et la gestion des risques. Dans un secteur où les jeunes investisseurs cherchent à mieux comprendre le contenu de leur portefeuille, contrairement à la majorité de leurs aînés, SAGE fait figure d’entreprise pionnière très prometteuse.
Produits et avantages comparatifs : des solutions pragmatiques pour la gestion des risques
Jean-Luc Freymond, CEO de SAGE SA
Geneva Business News: Comment vivez-vous les distinctions dont font l’objet vos lignes de produits Prospero et BlackSwan? Les considérez-vous comme un aboutissement ou comme une stimulation supplémentaire?
Jean-Luc Freymond: Pour une société comme SAGE qui cherche constamment à innover, être reconnu par des acteurs indépendants comme IBS, AITE et Datamonitor est très important. D’autant plus que ces acteurs sont tournés vers l’avenir et sont de bons observateurs des tendances de fond ! Nous vivons ces distinctions comme une reconnaissance de la justesse de notre vision et de la manière dont nous mettons celle-ci en œuvre. C’est une confirmation que nous apportons une réelle valeur ajoutée à l’industrie aussi bien en termes d’innovation qu’en termes de contrats avec nos clients. C’est aussi une reconnaissance du travail effectué par nos collaborateurs. Les distinctions sont une stimulation supplémentaire à innover et à maintenir notre leadership.
On mentionne souvent « l’agilité » de votre produit ainsi que le rapide retour sur investissement. Pouvez-vous nous en donner des exemples concrets ?
Les établissements bancaires cherchent à éviter les projets trop longs et coûteux dont le retour sur investissement n’est pas garanti. Plus que par le passé, la rapidité du retour sur investissement est devenue un indice de performance permettant de sélectionner un projet ou d’en juger les résultats. Ce retour sur investissement s’évalue en termes de croissance du volume des affaires ou de rationalisation des coûts. Nous avons donc modifié nos produits pour répondre à ces besoins. Nous apportons une solution préconfigurée incorporant les « best practices » et dont le déploiement très rapide permet à nos clients d’atteindre leurs objectifs dans un temps tout aussi court. A titre d’exemple, nous avons installé nos solutions dans deux banques en l’espace de six mois : la première installation a pris trois mois, la seconde quatre. SAGE fait un lien gagnant entre trois éléments qui peuvent aider les établissements bancaires à se différencier, à savoir : le Front Office, les produits et l’exécution des ordres (Back Office). Une entreprise peut difficilement augmenter son chiffre d’affaires si le Front Office ne maîtrise pas les produits, si la compréhension de ces produits est inaccessible, ou si le traitement des ordres émis n’est pas aussi rapide que le client le souhaiterait. Nos produits apportent ce supplément d’agilité dans la chaîne de création de valeur - agilité qui peut devenir un avantage comparatif pour un établissement financier.
SAGE SA est une entreprise pionnière dans les solutions Cloud pour les établissements financiers. Pour des raisons de sécurité et d’aisance financière, on n’aurait pas imaginé de tels services pour ce segment de marché. Était-ce de l’audace ou un « gadget » pour se différencier de la concurrence ?
Notre objectif était de fournir un outil de premier ordre aux établissements financiers de petite taille, aux Family Offices et aux gestionnaires de fortune indépendants. Ces acteurs n’ont pas forcément intérêt à avoir un service informatique important lors du lancement de leurs activités. Ils peuvent accéder à nos services Cloud presque aussitôt qu’ils sont devenus clients chez nous. En outre, nos infrastructures redondantes et dotées d’une sécurité de très haut niveau leur offrent un centre de calcul de premier ordre qu’ils n’auraient certainement pas pu installer en si peu de temps et de manière aussi peu coûteuse. Il est vrai, par contre, que nos gros clients – qui ne sont d’ailleurs pas notre cible pour ce service - ont initialement manifesté une certaine réticence. Mais nous n’avons pas peur d’innover.
On connaît un peu moins bien votre autre produit, le BlackSwan, qui faisait d’ailleurs partie de la ligne Prospero.
BlackSwan est un produit très prometteur. Ceci a d’ailleurs été confirmé par Datamonitor. La raison d’être de BlackSwan est d’aider l’investisseur ou le gestionnaire de fortune à gérer ses risques dans des marchés volatils, ce qui est le cas depuis quelques années. A partir de données macroéconomiques que le client peut comprendre - comme le taux de chômage, le prix du pétrole et la croissance -, BlackSwan permet à l’investisseur d’appréhender l’évolution de son portefeuille en fonction de ces paramètres et ainsi de participer à la gestion des risques liés à son portefeuille. C’est dans ce sens que BlackSwan améliore la qualité des discussions entre l’investisseur et le gestionnaire de fortune. Ces discussions deviennent alors franchement interactives, car les deux partenaires peuvent enfin utiliser des paramètres communs. C’est une petite révolution dans le secteur bancaire qui était jusqu’à maintenant habitué à manipuler des modèles mathématiques de gestion de risque compréhensibles uniquement d’une poignée de collaborateurs. BlackSwan est un gage concret en matière d’amélioration de la gestion du risque.
On parle souvent des risques du trading en temps réel. La plate-forme BlackSwan doit évidemment être pensée en amont du trading, mais ne contribue-t-elle pas tout de même un peu à cette finance déshumanisée ?
Pas du tout ! BlackSwan est un outil de gestion à long terme qui permet d’optimiser le rendement de son portefeuille en se fondant sur des données macroéconomiques qui, par essence, sont de l’ordre du long terme comparé au trading en temps réel.
Quels sont aujourd’hui vos principaux avantages comparatifs ?
La pré-configuration de notre offre nous permet de déployer celle-ci dans des délais record. Aussi, grâce à nos partenariats avec les fournisseurs de technologies et les médias d’informations, nous sommes en mesure de cacher à nos clients la complexité de nos solutions qui sont alors perçues comme étant simples et faciles à déployer. Notre offre intègre ainsi toutes les licences nécessaires, évitant ainsi que le client soit obligé d’aller négocier avec chacun des fournisseurs. Ensuite, notre stratégie d’améliorer le Front Office nous a permis d’anticiper la nécessité pour l’investisseur et le gestionnaire de communiquer en utilisant des paramètres compréhensibles par les deux. Ce leadership en innovation a été reconnu comme nous l’avons mentionné plus tôt. Enfin, peu d’acteurs peuvent se prévaloir de notre connaissance de ce marché dans trois régions importantes pour la croissance future du secteur financier, à savoir l’Asie, le Moyen-Orient et l’Europe. Tous ces éléments contribuent au caractère unique de notre offre.
Stratégie de croissance : innovation et marchés porteurs
SAGE est aujourd’hui présente en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Vous avez deux lignes de produits. Est-ce suffisant pour vous assurer une croissance durable ? Quels sont vos futurs leviers de croissance?
Les trois régions représentent un potentiel de croissance déjà absolument phénoménal. Notre industrie est en profonde mutation, avec des pressions pour une hypertrophie règlementaire, des pressions sur les produits offshore, un déplacement de la richesse vers l’Est et une population d’investisseurs plus jeune ayant des relations complètement différentes de celles qu’avaient leurs aînés avec leurs banquiers. Cette dynamique ouvre de nouvelles opportunités et nous incite à nous concentrer encore plus sur notre niche, nous évertuer à en comprendre les mutations afin de proposer des solutions toujours innovantes pouvant assurer la prospérité de nos clients et par conséquent la nôtre. Telle est notre stratégie.
Vous semblez éviter le marché américain. Est-ce par souci de concentration sur les marchés que vous maîtrisez le mieux ou par souci d’éviter des ennuis, même si vous n’êtes pas une banque ?
Nous ne sommes pas exposés aux mêmes risques que les banques. Comme je l’ai indiqué, le potentiel sur les marchés géographiques que nous couvrons aujourd’hui est énorme et nous ne voulons pas nous disperser au risque de perdre la proximité avec nos clients.
Quelles sont les prochaines évolutions de vos produits?
Aussi bien pour Prospero que pour BlackSwan, nous travaillons sur une évolution qui optimise la couche de présentation pour les écrans tactiles. Nos logiciels tournent déjà sur ces écrans mais nous voulons en améliorer l’ergonomie. Plus spécifiquement pour BlackSwan, nous allons aussi rajouter des fonctionnalités permettant une meilleure mesure des risques sur des classes d’actifs non bancaires telles que l’immobilier et le private equity. Un exemple de risque est le risque lié à l’insuffisance de liquités. Toujours dans la perspective d’améliorer la relation banque-investisseur, nous allons intégrer dans BlackSwan les résultats des recherches sur l’investissement durable et responsable une fois que celles-ci seront arrivées à maturité.
Comment voyez-vous SAGE dans cinq ans?
Dans cinq ans, je vois une entreprise avec une croissance importante qui aura amélioré sa part de marché et l’ergonomie de ses produits. Je vois aussi une partie importante de notre chiffre d’affaires provenir du self-service sur Internet qui permettra à l’investisseur de s’enregistrer en ligne et d’utiliser nos services sans avoir été au préalable en contact avec nos collaborateurs. Ce sera un nouveau canal de distribution.
Comment une entreprise comme SAGE gère-t-elle son capital humain, c’est-à-dire ses collaborateurs ? Comment les recrutez-vous et comment essayez-vous de les garder ?
Nos collaborateurs sont notre actif le plus précieux. Notre très faible taux de rotation d’effectifs fait notre fierté. Ceci est dû à la conjonction de deux facteurs : l’accent important mis sur le partage de nos valeurs lors de l’embauche, et la création de défis motivants et variés tout au long de la carrière de nos collaborateurs.
Un Entrepreneur à l'affut des tendances de fond et des sources de valeur ajoutée
Vous avez eu un parcours sinon atypique mais en tout cas original : gestion d’affaires, droit et systèmes d’information. Quelles ont été les clés de votre adaptation successive à ces différents domaines ?
Lorsque je regarde mon parcours, une constante qui m’a toujours animé est l’ambition d’apporter une contribution visant à améliorer l’environnement où j’étais actif. Pour enrichir ma faculté d’adaptation et cette quête de valeur ajoutée, j’ai besoin d’analyser et de comprendre les tendances de fond, d’où le temps important que je consacre à la lecture et au perfectionnement de mes acquis professionnels. Un autre outil que j’ai trouvé très important est la « Entrepreneurs’ Organization6» dont je suis membre et qui offre un cadre unique de partage d’expériences entre entrepreneurs. Cette organisation offre aussi un fort contenu de formation continue. C’est d’ailleurs à travers elle que j’ai effectué un Masters au Massachussetts Institute of Technology (MIT).
Beaucoup de dirigeants ont des habitudes bien ancrées comme de se lever tous les jours à cinq heures pour faire des exercices physiques. Qu’en est-il de vous ? Comment faites-vous pour « décompresser » ?
Je fais deux choses pour décompresser. Premièrement, je fais du sport le matin de six heures à sept heures. Cela m’aide à entamer la journée avec dynamisme et entrain. Deuxièmement, je m’impose une certaine hygiène de vie qui consiste à bien gérer, lors de mon parcours entre le travail et la maison, la transition entre ma vie professionnelle et ma vie privée. Lorsque je suis au travail, j’y suis complètement immergé ; lorsque je suis avec ma famille, je suis tout aussi complètement dévoué à mes proches.
Parcours de Jean-Luc Freymond
Avant de devenir CEO et Chairman de SAGE, Jean-Luc Freymond fut l’un des architectes principaux de Prospero, la suite de logiciels de gestion bancaire et financière développée par l’entreprise. Avant de rejoindre SAGE, Jean-Luc travailla pour UBS et avait déjà engrangé plus de 14 années d’expérience dans le développement de systèmes et dans la gestion de projets dans le secteur bancaire. Il mena à bien plusieurs projets de grande envergure en gérant avec succès des équipes composées de développeurs et d’analystes.
Il partage son expérience en donnant des cours sur les technologies bancaires à l’Université de Lausanne et en participant à des tables rondes d’experts et à des webinars dans le domaine. Il est un membre actif de la Entrepreneurs’ Organization.
Bilingue français-anglais, Jean-Luc possède un BA en Management et un diplôme postgrade en droit européen, tous deux obtenus à l’Université de Lausanne. Il est aussi détenteur d’un Entrepreneurial Masters du Massachussets Institute of Technology (MIT).