Dans le cadre du salon Bitoubi qui s’est déroulé les 16 et 17 octobre 2013 à Palexpo, le Service de la promotion économique de Genève a organisé un petit-déjeuner sur le thème : « Devenir indépendant : quelles démarches ? » devant un nombreux public. Les principales formes juridiques des sociétés, les assurances sociales et la fiscalité des entreprises ont été abordés durant cette conférence.
Devenir indépendant doit être un acte réfléchi et préparé. Un seul chiffre permet d’en comprendre toute la difficulté : environ 3'000 nouvelles entreprises sont inscrites au Registre du commerce à Genève chaque année, mais 48% des entreprises crées sont liquidées durant les 5 premières années, selon l'Office cantonal de la statistique. Il est donc nécessaire de ne négliger aucun aspect tant au niveau du business plan que de l'aspect juridique.
Cette préparation initiale peut paraître fastidieuse, mais elle est primordiale pour la réussite du projet. Comme l’explique Patrick Schefer, conseiller aux entreprises au Service de la promotion économique de Genève : « Une fois qu’on a la tête dans le guidon, on fonce, et on peut commettre des négligences fatales et ne plus avoir le recul suffisant ». Ce temps de réflexion doit être mis à contribution pour connaître le marché, les concurrents et les clients. L’analyse de la faisabilité, du potentiel et de la viabilité de son projet, de même que l’établissement d’un dossier financier et d’une planification des étapes principales sont indispensables et pourront ainsi étayer le business plan.
Certains secteurs d’activités sont réglementés et reposent sur la réputation ou sur un numerus clausus (par exemple casier judiciaire vierge, aucun acte de défaut de bien…). De même, l’exercice de certaines professions nécessitent d’être au bénéfice d’une formation spécifique (médecin, avocat, patente commerciale…). Il est donc important de se renseigner avant de débuter son activité et ainsi d’éviter des déconvenues qui pourraient être fatales.
Les principales formes juridiques
Richard Rodriguez, notaire auprès de l'Etude Brechbühl & Rodriguez et président de la Chambre des notaires de Genève a présenté les principales formes juridiques que peuvent prendre les sociétés.
Il est important de distinguer les sociétés de personnes comme l’entreprise individuelle ou la société en nom collectif, qui nécessitent un engagement personnel (mais aucun capital minimum) et les sociétés de capitaux telles que la société à responsabilité limitée ou la société anonyme, qui demandent un engagement de capitaux (capital minimum pour la Sàrl, CHF 20'000.- entièrement libéré ; pour la SA, Frs 100'000.- dont 20% doivent être libérés, mais au minimum CHF 50'000.-).
Selon l’Office fédéral du Registre du commerce, la forme juridique la plus courante en Suisse est la société anonyme (SA) avec 198'432 inscriptions, suivi par l’entreprise individuelle (156'644) et la société à responsabilité limitée (140'895).
Le choix de la forme juridique de son entreprise est une étape importante, car les incidences et les conséquences pour le futur entrepreneur sont différents si le choix se porte sur une société de personne ou sur une société à capitaux, tant aux niveaux de la responsabilité pour les dettes, des charges sociales que de la fiscalité. Les bases légales de ces différentes formes juridiques sont régies par le Code des obligations suisse, qui définit notamment la personnalité juridique de la future société. L’entreprise individuelle n’a aucune personnalité juridique, car elle se confond avec le titulaire, alors la SA ou Sàrl est définie comme une personne morale au sens de la loi.
Quelle que soit la forme choisie, il existe des avantages et des inconvénients qui pourraient être déterminants lors du choix final. Pensez-y avant de vous lancer !
Les assurances sociales
La législation suisse précise clairement la différence entre une activité salariée, caractérisée par le fait de fournir un travail dépendant, pour lequel un salaire est versé (art. 10 LPGA et 5 LAVS) et une activité indépendante, qui comprend tous les revenus du travail, sauf celui découlant d’une activité dépendante (art. 9 LAVS).
Contrairement à la personne salariée, celui qui s’établit à son compte n’est plus soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire et peut prétendre au versement en espèce de sa prestation de sortie. Mais cette solution ne doit pas être privilégiée lors d’un projet de création d’entreprise sous peine de se trouver démuni à l’âge de la retraite.
Olivier Grometto, directeur du département de promotion de la FER Genève a insisté sur l’importance de la reconnaissance de l’activité indépendante et sur les difficultés à obtenir ce statut. Cette reconnaissance incombe aux caisses de compensation AVS, qui doivent vérifier l’existence des critères établis par la Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS), la conformité avec les directives de l’Office fédérale des assurances sociales (OFAS) ainsi qu’avec la jurisprudence du Tribunal Fédéral. Ces critères sont liés au risque économique, à l’organisation du travail (non-existence d’un lien de subordination) et à l’accomplissement du travail. A titre d’exemple, le fait de pouvoir engager du personnel et de lui déléguer l’exécution de tâches est un critère d’indépendance.
De manière générale, la personne indépendante a la faculté de déterminer selon ses souhaits sa protection sociale et dans une grande mesure, elle est exemptée d’une couverture sociale obligatoire attachée au statut de salarié. Pour obtenir le statut d’indépendant, il faut prouver avoir déjà débuté son activité en fournissant aux caisses de compensation AVS de nombreux justificatifs, notamment un bail commercial, des contrats ou mandats, des factures d’investissement/d’achats. Ainsi, il est possible de commencer son activité sans couverture sociale. Toutefois, il est conseillé de faire reconnaître son statut d’indépendant dès les premiers mois d’activité, mais au plus tard cinq ans après le début de l’activité.
La comptabilité et la fiscalité
Patrick Schefer a présenté tous les aspects afférent à la comptabilité et à la fiscalité des entreprises.
L’aspect déterminant dans la comptabilité des sociétés de personnes est le chiffre d’affaires (CA). En effet, en dessous de CHF 500'000.- de CA, une comptabilité sommaire peut suffire (état des actifs & passifs, relevé des recettes et des dépenses, décompte des prélèvements et apports privés). En revanche, si le CA réalisé est supérieur à CHF 500'000.-, une comptabilité complète est nécessaire (bilan, compte de résultat et annexes).
Pour la comptabilité des personnes morales, avec le nouveau droit comptable depuis le 1er janvier 2013 qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015, une comptabilité complète est indispensable. De plus, les grandes entreprises, qui atteignent deux des trois seuils suivants : 20 millions total bilan, 40 millions CA ou 250 emplois, ont l’obligation de fournir des informations complémentaires comme un tableau de flux de trésorerie et un rapport annuel. Parfois, en fonction de l’importance économique de l’entreprise, il y a obligation de faire appel à un organe de révision qui effectuera un contrôle ou un audit.
La fiscalité d’un indépendant ou d’une société est très différente. Si pour un indépendant, le revenu imposable, qui détermine le taux d’imposition est égal au revenu brut moins les déductions, une société sera imposée sur les fonds propres à un taux de 0.40% ou 0.45% et sur le bénéfice à 24,3% au total.
De manière générale, toute personne individuelle ou morale exploitant une entreprise en Suisse est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à un taux différent selon le domaine d’activité. Le taux normal est de 8%, de 3,8% pour l'hébergement et enfin de 2,5% pour les denrées alimentaires, les livres, les journaux, les médicaments, le sport et la culture.
La reprise d’entreprise
La reprise d’entreprise peut être un autre moyen de devenir son propre patron. Cette reprise partielle ou totale peut s’effectuer à titre « onéreux par vente » ou « gratuit par donation ». Quelle que soit la forme choisie pour une reprise, une préparation minutieuse permet de fixer le choix de la forme juridique et de prendre des décisions concernant le rachat ou non de parts de société, l’acceptation de la reprise des actifs & passifs ou encore le rachat de tout ou d'une partie de l’activité. Ce procédé de reprise n’est en fait qu’une négociation entre un vendeur et un acheteur et devrait être dans l’absolu un modèle « gagnant-gagnant ». L’étape la plus importante de ce processus est le « Due diligence » ou audit complet de la cible, pour identifier et limiter les risques liés à l’acquisition, mais elle permet au final de confirmer ou non son intérêt pour l’entreprise à reprendre.
La reprise d’entreprise présente des avantages et des inconvénients tant sur le risque économique, la clientèle, les collaborateurs, les fournisseurs que sur l’organisation de la société, sur le degré de notoriété et sur les éventuels besoins en capitaux. Bien étudier l’opportunité d’une reprise avant de se lancer pourrait être la clé de la réussite.
Source : www.ge.ch/entreprise
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