
Le 3 août, CinéTransat, en collaboration avec Filmar en América latina, vous présentera le film La odisea de los giles
Los giles, Argentins comme le tango
La odisea de los giles est un film si intrinsèquement argentin que son titre même, difficilement traduisible (mais tout de même traduit par « La revanche des losers »), évoque des airs de tango. En lunfardo, le mot gil (et ses dérivés gilún, gilastrún) renvoie à l’idée d’une personne idiote, dupe, crédule. Le mot nous rappelle aussi la célèbre phrase du tango Cambalache : « El que no llora no mama y el que no afana es un gil » (Qui ne gueule pas ne bouffe pas et qui ne vole pas est un idiot – un gil).
À l’instar du film, Cambalache reflète l’opinion, répandue dans la société Argentine (et probablement au-delà), que les riches et les puissants sont tous des voleurs et des corrompus, tandis que les honnêtes gens, les travailleurs qui peinent à joindre les deux bouts, sont considérés comme des idiots, des giles.
Corralito
La odisea de los giles, se déroule sur un fond bien réel de crise économique, politique et sociale. En 2001, pour mettre fin à la course à la liquidité et à la fuite de capitaux, le gouvernement argentin décide d’instaurer des mesures économiques, appelées corralito, qui restreignent l’accès des citoyens à leurs avoirs bancaires. Ces mesures provoquent la panique générale, chacun tentant de récupérer ses économies. Beaucoup d’Argentins sont ruinés mais, comme souvent dans ces cas, une petite élite tire profit de la crise.
Des personnages très locaux
Le film, adapté du roman de Eduardo Sacheri, La noche de la usina, raconte les efforts des habitants du village d’Alsina pour récupérer l’argent que le système financier leur a confisqué. Sebastián Borensztein, en charge de la mise en scène, dépeint avec précision les paysages et les décors où évoluent les personnages.
Habilement interprétés, le banquier Alvarado (Luciano Cazaux) et l’avocat Fortunato Manzi (Andrés Parra) incarnent à merveille les élites corrompues, tandis que les habitants d’Alsina représentent la population spoliée. Les personnages des villageois – un ancien joueur de foot (Ricardo Darín), son épouse (Verónica Llinás) et leur fils (Chino Darín), une cheffe d’entreprise (Rita Cortese), un artisan local (Luis Brandoni), un cheminot péroniste (Daniel Araos) et un ex-combattant des Malouines (Carlos Belloso) – forment une mosaïque représentative de la société argentine et constituent sans doute le point fort du film.
La odisea de los giles, telle une revanche symbolique des Argentins dépossédés sur ceux qui ont provoqué la crise et n’en ont pas subi les conséquences, génère un effet cathartique. Ceci explique peut-être le grand succès que le film a connu localement, au point d’être sélectionné pour représenter le pays dans la catégorie du meilleur film international à la 92ème cérémonie des Oscars.
Cependant, en tant que plaidoyer aux personnes qui souffrent partout dans le monde, le film parle un langage qui transcende les frontières car la question du peuple face à la cupidité et à la voracité de ceux qui détiennent le pouvoir est universelle. Malgré le contexte dramatique, La odisea de los giles regorge de touches d’humour, garde un bon rythme et ne baisse jamais en intensité.
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Photo credit : Emmanuel Doffou