Cette année, les Conférences Lift se sont déroulées au Centre international de conférences de Genève (CICG) de Genève du 6 au 8 février 2013. Depuis 2006, elles ont lieu chaque année dans toute l'Europe et elles ont pour but d'explorer les implications économiques et sociales des innovations technologiques.
Geoffrey Dorne, graphiste, bloggeur et membre du jury Webdesign Festival 2012 a donné une conférence intitulée : La créativité mobile et les évolutions sociales qu'elle engendre.
Les mobiles (téléphones, iPods, tablettes) sont maintenant des objets qui font partie du quotidien. Physiquement, ils sont froids, faits de métal et de verre, mais une intimité se noue entre les applications et notre corps d'humains. Il existe une dichotomie entre l'individualisation qu'impose la lecture de l'écran et la communication qu'il permet. Les utilisateurs sont isolés physiquement, dans leur "bulle", mais reliées avec d'autres par les applications.
Ces dernières modèlent nos comportements et notre économie. Les réseaux sociaux comme Instagram, Azzam ou Foursquare ont engendré de nouvelles conduites. Par exemple, Foursquare permet d'abord à l'utilisateur d'indiquer où il se trouve grâce à un système de géolocalisation et de recommander des lieux de sorties (restaurants, cafés, magasins). Le comportement des utilisateurs a évolué et ils se connectent maintenant dès leur arrivée dans un de ces lieux pour voir ce que leurs amis en ont dit, ou même s'ils s'y trouvent.
Pour un besoin donné, il existe toujours une application : "One need, one app". Pour les créatifs, être à l'écoute des signaux faibles de leur entourage, détecter ce qui pourrait être un besoin et y répondre par une application, un objet ou un service, devient un moteur d'innovation.
Des applications toujours plus vivantes
Pour contrer la froideur de ces objets technologiques, les applications deviennent de plus en plus chaudes, vibrantes, et il faut noter un retour au côté sensible, animiste, émotionnel et vivant.
Le magazine digital Katachi en est un exemple phare. Il est tactile, musical, il dégage une matérialité très forte. Il se manipule par les doigts, le lecteur navigue dans les photos et les publicités. REWORK, l'application du célèbre musicien Philipp Glass permet par exemple de toucher, de manipuler, de modifier et de recomposer la musique en live, en intervenant directement sur le graphisme qui est une oeuvre d'art en lui-même.
Enfin, OKO, un puzzle interactif créé avec des photos de la NASA, par la Haute Ecole d'Art et de Design (HEAD) à Genève porte le puzzle à une dimension tactile supérieure, difficile à décrire sans l'expérimenter. Celui-ci faisait partie de l'exposition de travaux de master 2012 et de recherches en atelier de la HEAD.
Du virtuel au réel
Nous assistons donc à un retour en force de la tangibilité de la technologie. Nous n'essayons plus d'imiter virtuellement des objets réels, mais nous créons de nouveaux objets concrets. Par exemple, l'application Cardgram permet de créer et d'envoyer des cartes postales avec des photos d'Instagram ou de Facebook qui arrivent bel et bien par la poste. Liquidata, une application "multi touche" explore votre profil de mouvement personnel et vous permet de montrer aux autres les endroits que vous jugez intéressants en ajoutant des photos ou des commentaires à l'aide de votre téléphone.
Citons encore Popslate, le premier acteur à présenter un concept de coque à encre électronique pour iPhone, qui permet aux utilisateurs de prendre une photo et l'afficher à l'arrière de leur téléphone ou de l'envoyer sur la coque sur un autre téléphone. Enfin, l'iPad devient un plateau de jeu avec des pièces réelles.
Une tendance future à la dématérialisation
Geoffrey Dorne prédit que l'objet se dématérialisera encore plus, alors que l'application sera de plus en plus présente. En plus de l'iPad s'intégrant et animant des plateaux de jeux, le téléphone peut devenir projecteur ou encore animer un petit théâtre interactif en 3D. Il cite également l'imprimante des Studios Berg qui imprime le contenu de votre smartphone sur une bande de papier, ou encore des jeux de rôle où le téléphone guide l'utilisateur dans le dessin de la carte où il joue.
La tendance qui se dessine, selon Geoffrey Dorne, est cette fusion entre l'objet et le corps, faite de proximité et d'intimité. Les applications et leur usage sont des signes certains des évolutions sociales. Avant, l'utilisateur regardait les écrans; maintenant, il place des objets dessus; demain, par le biais de son mobile, il interagira avec l'environnement, libérant son regard de la servitude de l'écran !
Sources : webdesign-festival.com, head.hesge.ch