Nous avons rencontré Mme Alexia Karen, créatrice de bijoux à Genève. Elle a partagé avec nous son expérience en tant que bijoutière indépendante ainsi que les spécificités de la joaillerie sur mesure.
Parlez-moi un peu de vous, quel est votre parcours ?
J'ai suivi une école d’art pendant 4 ans à La Chaux-de-Fonds, dans la section bijouterie, où j’ai obtenu un CFC de bijoutière-joaillière. Après mes études, j’ai travaillé dans des entreprises de sous-traitance pour de nombreuses marques de haute joaillerie. J’y faisais du travail en série, des pièces uniques, du prototypage, des parures, de la montre joaillerie. Suite à cette expérience, j’ai consacré une année à une formation de modélisation 3D. Puis, en 2011, j’ai créé ma propre marque de bijoux Alexia Karen, à Genève.
Quel est le type de bijoux que vous créez et fabriquez ?
Je crée essentiellement des bijoux sur mesure pour des particuliers et j’ai aussi quelques mandats d’entreprises pour développer divers projets et collections. J’utilise surtout des matériaux nobles comme de l’or, de l’argent, du platine, des pierres précieuses.
Pour quel type de clientèle travaillez-vous ?
Je dirais qu’il n’y a pas de profil type de client. Souvent, les bijoux que je crée sont pour des occasions spéciales. Le bijou est personnalisé et donc unique.
Pourquoi avoir choisi ce segment au lieu d’un autre, comme la fantaisie par exemple ?
J’ai choisi la création sur mesure par conviction, car cela met en valeur le savoir-faire traditionnel. On est aussi plus proche des clients, car la personnalisation d’un bijou crée un lien et une relation forte avec celui-ci. Très souvent, le bijou a une histoire, dans le cas d’une transformation d’un bijou déjà existant par exemple, ce qui implique un sentiment ou une nostalgie très forte de la part du client. Cet aspect représente tout le contraire d’une production en série.
Quelles sont les compétences requises et la formation pour exercer ce métier ?
D’une manière générale, il existe deux voies : l’école d’art ou l’apprentissage chez un bijoutier qui permet d’avoir un bagage éducatif de base. La voie de l’école d’art offre un éventail plus large de compétences artistiques alors que celle de l’apprentissage permet une aisance plus rapide à l’établi. Cependant, il faut de nombreuses années avant de devenir un bijoutier-joaillier indépendant.
Quelle est la partie la plus agréable de votre métier et pourquoi ?
La partie la plus agréable de mon métier est de créer des bijoux sur mesure. Cela permet une liberté créatrice incroyable. Les possibilités sont infinies, à partir d’une pierre, d’une perle, d’un symbole ou même d’un proverbe.
En tant que bijoutière indépendante, quels sont les difficultés rencontrées ?
La plus grande difficulté pour moi est de tout gérer en même temps et d’être compétente dans chaque domaine. De nombreux aspects différents font partie de mon métier : la création et le design, la comptabilité, la gestion administrative, la communication et la publicité, etc.
Quels conseils pourriez-vous donner à un créateur de bijoux qui se lance ?
Le conseil principal serait de ne pas être pressé, dans le sens où il faut prendre le temps de choisir les gens avec qui on va travailler et collaborer. Il est très important d’avoir une bonne entente, une compréhension voire une alchimie avec les personnes, afin de pouvoir faire du bon travail avec elles. A part le fait de bien s’entourer, il faut aussi avoir une connaissance du marché de la bijouterie comme les fournitures, les produits vendus, par exemple.
Quelles sont les tendances actuelles dans la bijouterie ?
Dans le domaine de la joaillerie, l’or blanc est à la mode, le diamant reste toujours un classique, ainsi que l’or rose qui a eu du succès l’année passée.
Comment expliquez-vous la différence de prix entre certains pays pour un même type de bijou ?
Tout dépend du marché. En effet, un bijou vendu en Suisse n’aura peut-être pas le même prix en France. Les raisons en sont diverses : prix de la main d’œuvre, de la production, loyer de la boutique, salaire des employés, marge sur le bijou, etc. Cependant, la plupart des marques de haute joaillerie imposent un prix fixe dans tous les pays de vente.
La qualité suisse est-elle toujours un gage de qualité au niveau international ?
Oui, le Swiss made est toujours un argument de vente incontestable. La qualité des bijoux et montres suisses est reconnue mondialement.
Avec la crise économique, y a-t-il toujours un marché pour les bijoux ?
Depuis la crise économique, le marché connaît beaucoup d’incertitudes. Tout dépend du domaine. Pour la petite bijouterie, les fêtes de Noël sont une période propice. En ce qui concerne la haute horlogerie, des salons comme le SIHH (Salon International de la Haute Horlogerie) et la Foire de Bâle sont des moments clés. D’un point de vue mondial, il existe beaucoup de marques qui ont ouvert des boutiques en Chine. On voit de plus en plus des marchés émergeants en Asie.
Avec la croissance des ventes de bijoux sur Internet, pensez-vous que la distribution classique dans les boutiques/magasins est en danger ?
D’une certaine manière oui, comme toutes les nouvelles technologies, la vente de bijoux par le biais d’internet offre une possibilité d’achat rapide et efficace. Cependant, à mon sens, les boutiques et magasins ont encore un grand rôle à jouer. Un bijou de haute joaillerie se désire et l’on prend le temps de l’essayer et de le choisir.
Selon vous, quel est l’avenir de l’artisanat des bijoux ?
J’espère que l’avenir de l’artisanat est prometteur et que les gens vont se lasser du phénomène de masse où tout devient uniforme et impersonnel. La création d’un bijou sur mesure reste aujourd’hui encore un luxe. C’est comme aller au supermarché ou au marché local, les attentes sont différentes, mais il y en a pour tous les goûts et chacun amène sa plus-value.
Article intéressant pour découvrir le travail de joaillier. Il aurait été intéressant d'avoir quelques informations sur le marché de la joaillerie à Genève pour comparer avec d'autres villes, nombre de bijouteries...