L’imprimerie fait partie de l’histoire suisse. Elle s’est développée très tôt, grâce à un taux d’alphabétisation élevé pour l’époque, en grand partie influencé par la tradition protestante de lecture de la Bible. Le taux d’alphabétisation est par exemple de 75% au début du XIXème siècle dans la campagne genevoise contre une moyenne d’environ 25% dans les pays d’Europe centrale. Si les maisons d’éditions françaises et allemandes ont toujours occupé une place importante sur le marché helvétique, les imprimeurs suisses ont su s’adapter. L’imprimerie suisse a ainsi profité de la seconde guerre mondiale pour passer outre la censure nazie et doubler le nombre d’exemplaires imprimés entre 1933 et 1945.
Après un mouvement de concentration des éditeurs qui fusionnent ou sont rachetés par des entreprises étrangères entre 1980 et 1990, le secteur connaît une période de croissance au début du XXIème siècle (23,8% entre 2002 et 2008). La crise commence véritablement à partir de 2009 et une chute de plus de 13% est enregistrée entre 2010 et 2011.
Mais en 10 ans, la branche de l’imprimerie a perdu un tiers de ses effectifs. Le groupe Gassman à Bienne, les Imprimeries Réunies Lausanne (IRL), le loclois Gasser, le groupe Saint-Paul à Fribourg ou Pressor à Delémont sont concernés par ces licenciements.
En début d’année, l’imprimerie Gasser au Locle a changé de stratégie afin de se libérer de l’offset (technique d'impression traditionelle) en se tournant vers des solutions digitales. Pour cela, Gasser a été contraint de licencier, majoritairement sous forme de retraites anticipées.
Cette crise de l’imprimerie est notamment dûe au fait que la branche est suréquipée. Chaque imprimeur continue souvent à vouloir tout faire et investit dans des équipements lourds, au lieu de se spécialiser. De plus, les volumes de tirages des journaux baissent et la productivité des machines s’est fortement accrue. Par conséquent, la surcapacité entraîne une pression sur les prix.
En 2008, à l’aube de la crise, Pressor a investit 10 millions de francs dans une nouvelle rotative qui a lui ouvert les portes de nouveaux marchés et a permis d’élargir la palette de produits. L’entreprise qui est la seule à posséder une telle machine en Suisse est donc compétitive. C’est également le cas pour IRL, qui a planifié la baisse de son chiffre d’affaires en investissant dans une nouvelle machine premettant d’imprimer des catalogues pour la haute horlogerie.
Face à ce constat, Gasser se tourne d’avantage vers le multimédia en regroupant l’imprimerie, le multimédia et la maison d’édition en une entité unique, nommée Gasser Media. Celle-ci mise sur la publication automatisée et personnalisée qui permet de faire du sur-mesure.
Les chiffres confirment l’adaptation des imprimeurs à un nouveau marché. Après des mois de marasme, l’industrie du papier et des arts graphiques a développé ses ventes à l’étranger et augmenté ses exportations (+5,8%).
Source : Le Temps
Les médias en Suisse, Gianni Haver, Mix & Remix, Editions LEP Loisirs et pédagogie SA, Lausanne, 2012, p. 20-21.