La table ronde intitulée, Cleantech, moteur de l’emploi : mythe ou réalité ?, qui a eu lieu, le 11 décembre 2012, au siège de l’Office de la Promotion des Industries et des Technologies (OPI), a permis d’établir une base de réflexion sur la transition des entreprises vers l’économie verte.
Introduite par Nicolas Weber, Directeur de la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud, cette table ronde dans le cadre du projet INTERREG sur les Cleantech – Emplois Verts , n’a pas tranché la question posée du mythe ou de la réalité par rapport à l’emploi, mais a offert un débat entre experts, démontrant par leurs échanges, la complexité du sujet et l’urgence d’un travail coordonné, afin de bénéficier de la création potentielle d’emplois lors de la transition. (voir : www.ecotransferts.ch )
Le premier débat, la création d'emploi dans le processus de transition vers l'économie verte, a donné le ton avec l’intervention de 5 conférenciers :
Monsieur Rolf Gobet, Directeur de l’OPI, a mis en avant la nécessité de concilier création de valeur économique avec la protection de l’environnement. Ainsi 3 organismes ont déménagé à la Bluebox afin de mettre leurs efforts en commun :
- La FAE (Financer Autrement les Entreprises)
- La Fongit (Fondation genevoise pour l’innovation technologique)
- L’OPI (l’Office de la Promotion des Industries et des Technologies)
Financement, incubateur et relation d’affaires travaillant sur quatre principales thématiques: l’efficience énergétique, la mobilité douce, le traitement des déchets et le photovoltaïque.
Il insiste sur le fait qu'il faut se concentrer sur le maintien des emplois plutôt que sur leur création, à cet effet il donne l'exemple d'ABB, qui a pu garder des emplois industriels en se concentrant sur leur savoir-faire, dont celui de l'énergie.
Madame Christine Walter-Luz, Sous-directrice à la
Chambre vaudoise du Commerce et de l’industrie, se base sur la vision des associations économiques pour lesquelles le cleantech est défini comme tout effort des entreprises vers une économie verte, sur la base du volontariat. Elle note que la Suisse a développé peu de brevets sur les cleantech et importe plutôt les technologies existantes, dès lors afin de maintenir l’emploi et la compétitivité, la promotion du savoir-faire cleantech suisse doit toucher l’étranger. Elle donne l’exemple de projets avec le Brésil sur le traitement des déchets ou dans la filière de l’eau. Il est important que la Suisse s’engage dans des accords internationaux pointus.
Monsieur Denis Torche, Syndicaliste à Travail.Suisse, met l’accent sur le secteur énergétique même si la notion de cleantech est plus large. Dans sa vision, la mise en place de bonnes conditions cadre est préalable au maintien et à la création d’emploi dans les cleantech. Il estime que la Suisse a pris du retard, d’une part, à cause de l’introduction tardive en 2009 de la Rétribution au Prix Coûtant injecté (RPC). Le retard est aussi normatif concernant la création de nouveaux brevets depuis le milieu des années 90’ et le changement des prescriptions de la loi sur l’énergie, qui n’ont eu lieu qu’en 2011.
L’Initiative Cleantech de septembre 2011 préconisant une augmentation de 50% de la part des énergies renouvelables d’ici à 2030 a été refusée par le Conseil Fédéral. Celui-ci y répond par sa stratégie énergétique 2050, prévoyant des mesures (augmentation taxe CO2, supplément pour la RPC, etc) avant 2020. ( voir : la stratégie énergétique 2050)
Monsieur Christophe Dunant, Directeur de Réalise, propose la perspective des entreprises sociales et solidaires. L’organisation entre les différents partenaires, gouvernement, économie privée et économie solidaire, donne la possibilité de former des personnes peu ou pas qualifiées dans le domaine des cleantech. Cela a l’avantage d’insérer ces personnes dans l’économie, de diriger les personnes en recherche d’emploi vers un domaine économique en croissance et d’augmenter les capacités de production en Suisse, pour le privé. Il donne l’exemple de la société ABB qui soustraite du travail d’assemblage à la Fondation PRO. Il voit ce type de mesures en partenariat sous-estimées alors qu’elles établissent des situations de gagnant-gagnant.
Monsieur Pascal Decaux, Directeur de Generation Cleantech, représentant les entrepreneurs cleantech, avec une plateforme de recrutement « vert », partage son expérience par rapport aux métiers et à la création d’entreprises cleantech. La demande dans les métiers « verts » concerne non seulement les entreprises délivrant des produits et services cleantech, mais aussi toute entreprise qui en est utilisatrice. Ainsi les energy manager sont recherchés, à savoir que 40% de l’énergie finale consommée est produite par les bâtiments. Il annonce aussi la création en France d’un centre de compétences sur le biomimétisme (imitation de la nature ou de tout système biologique pour divers problèmes quotidiens ou techniques) et le développement de l’informatique verte.
Par rapport à la création d’entreprise, il met en garde contre la dépendance vis-à-vis des suventions publiques ou toutes sortes d’activités « sponsorisées » qui ne pourront faire face aux aléas du marché. Il y voit le besoin de développer de nouveaux business models.
Monsieur Peter Hislaire, le modérateur, est consultant en développement et management de ressources naturelles, il a fait place aux questions répondues par les intervenants. Celles-ci ont suscité le débat par rapport au positionnement Franco-Suisse dans la chaîne de valeur, En amont, il y a intérêt à développer l’exportation, mais dans un contexte international concurrentiel et, en aval, les besoins de savoir faire doivent être développés pour l’implémentation.
La problématique de la formation et de l’allocation des compétences ont été abordées sous l’angle de la difficulté à anticiper la mise en place des projets et ainsi d’y faire correspondre la formation de manière articulée dans tous les secteurs (université, formation continue, mesures pour l’emploi…). La question étant comment orienter de manière pertinente la transition. Les besoins en compétences se font sentir, alors que les emplois cleantech ne sont, pour l’instant, pas nombreux en France et en Suisse et ils sont plutôt en stagnation.
Par rapport à l’insertion, les métiers vus comme nécessitant des formations courtes correspondent à des métiers techniques traditionnels dans la rénovation de bâtiments, le recyclage des déchets ou la production décentralisée d’énergie.
Finalement, la question des chiffres émis dans différentes études pour la création d’emplois cleantech ont été discutés, ils ne sont pas les même au niveau national et européen et doivent être pris avec précaution, car il ne faut pas oublier la perte d’emplois dans les énergies fossiles.
Le deuxième débat, les compétences à diffuser pour effectuer la transition, a complété le cadre logique de la table ronde par l’intervention de 3 conférenciers:
Monsieur François Vuille, Managing Consultant à E4tech, présente les résultats de l’étude menée par son organisation, Securing the supply chains of wind power and solar PV. Cliquez ici pour consulter l’étude en ligne.
Par une approche classique de gestion du risque, la demande en énergie éolienne et photovoltaïque, prévue comme exponentielle d’ici à 2030, pose la question des goulots d’étranglement sur la chaîne d’approvisionnement et à quel point ils sont critiques. L’étude établit ainsi une cartographie de la chaîne d’approvisionnement et démontre les contraintes liées aux ressources humaines.
Les marchés non matures de l’éolien et du photovoltaïque voient leur déploiement à large échelle et les objectifs gouvernementaux y relatifs, mis en danger par un manque de capacité humaine formée à temps.
Dans le but d’émettre des recommandations aux industriels et aux politiques, l’étude préconise d’engager le dialogue, d’un côté comme de l’autre. Sans actions immédiate pour enrayer le problème, la contrainte d’approvisionnement, qui existe déjà, risque de s’aggraver, car il faut tenir compte du « temps de réalisation » (lead time) des actions recommandées.
Monsieur Yves Loerincik, Directeur de Quantis, envisage son intervention, comme un témoignage de son expérience dans le cadre romand, par rapport à son travail en tant que prestataire de services de calcul de l’empreinte environnementale et de créateur de réseau dans la problématique environnementale. Il soutient la transition vers une économie verte et pense que les défis de cette transition ne sont pas adressés correctement par manque de vision politique et industrielle. Il pose comme préalables à la compétitivité dans le contexte des cleantech, le besoin d’encourager l’entreprenariat et une vision de la chaîne d’approvisionnement au niveau international. D’une part, les infrastructures et la densité en Hautes Ecoles existent, alors l’environnement est favorable à de nombreuses collaborations avec les industries, afin de faire éclore cette technologie. D’autre part, dans toutes les filières, l’enjeu de la compétitivité des activités des entreprises déjà existantes, doit être posé afin d’engager un processus interne vers la transition.
Il observe que les services constituent une des forces de l’économie romande et qu’il est possible de les exporter, dès lors que les métiers sont réinventés en intégrant la composante cleantech, que cela soit du marketing ou du design.
Monsieur Pascal Decaux, Directeur de Generation Cleantech,reprend son exposé et met en exergue qu’il est rare de créer un nouveau métier, car de fait, c’est une évolution des métiers existants qui est en place. Les compétences clé sont les mêmes mais développées de manière plus transversales.Cela demande donc de l’expertise comme celle d’un ingénieur thermicien, du management de projet avec des techniques multiples, des compétences au niveau des autorisations nationales et internationales, mais aussi de l’entrepreneuriat. Il estime par contre que les compétences suivantes sont en surnombre : marketing, stratégie et développement durable.
Monsieur Hislaire a repris la modération afin de structurer le débat et faire le suivi avec les questions.
Des compétences transversales alliant « business management » et sciences sont recherchées, alors l’auditoire pose la question des structures de travail collaboratives, le travail en réseau. Il est mis en avant le manque d’habitude du travail en réseau et la manière cloisonnée de procéder. Toutefois il ne faut pas sous-estimer l’expérience, ni les limites du réseau, car il faut un langage commun et il s’agit de projets avec des montages complexes.
Dès lors, la discussion sur les collaborations se tourne vers les industries globales et la mise en commun de leur savoir-faire. Les projets collaboratifs dans les cleantech existent peu, par exemple Autolib en Ile de France a eu besoin de l’intervention du gouvernement pour se développer.
Les intervenants observent aussi deux models de plateformes ou collaborations, l’une entre entreprises et l’autre entre les individus ou experts. A noter que le réseautage entre individus amène à celle des entreprises.
La problématique des formations cleantech, de leur pertinence et intégration dans le marché global de l’offre a mis en exergue la nécessité de clarifier les besoins des entreprises en compétences et a clos le débat.
Monsieur Marc Genix, chef de projet au
Centre de Ressources Technologiques et Humaines, a fait la synthèse des discussions et interventions de la journée. L’étude
CleanEV, projet Interreg entre les équipes suisses et françaises visitera 250 entreprises de l’agglomération franco-valdo-genevoise, afin de répondre aux besoins en qualifications et formations des entreprises concernant les cleantech. Ainsi, le projet évite les redondances et utilise au mieux les financements publics. Cette analyse transversale des besoins par secteurs dans la chaîne de valeurs pourra s’appuyer sur les diverses problématiques adressées par la table ronde.
Ressources :
Chemin du Pré-Fleuri 3. 1228 Plan-les-Ouates, Genève