En cette période de SIHH (Salon International de la Haute Horlogerie) et de croissance dans le domaine de la haute horlogerie, nous nous sommes intéressé au profil d’un des designers horlogers les plus réputés du milieu. Depuis plus de trente ans, Emmanuel Gueit façonne, crée, « design », cherche l’inspiration au nom des marques les plus prestigieuses, que ce soit dans le milieu du luxe ou non. Parmi les pièces iconiques, Il cite notamment la Royal Oak Offshore d’Audemars Piguet et la Cellini de Rolex.
Issu d’une famille d’artiste et d’un père créateur de montres, Emmanuel Gueit a commencé sa carrière à l’âge de 19 ans en tant que jeune designer chez Audemars Piguet. Il y a fait ses armes durant 13 années et « redesigné » des modèles de la marque avant de décider de quitter Audemars à la veille de ses trente ans. Il part travailler aux États-Unis chez Fossil en tant que Directeur de la création pour des licences tels que Armani, Diesel ou encore Burberry pendant 4 ans. Il revient ensuite en Europe ou il crée sa propre entreprise en 2003 : EG Studio.
C’est désormais en indépendant accompli et dans la discrétion que travaille Emmanuel Gueit, que ce soit pour des marques connues ou pour un portefeuille de clients prestigieux.
Cellini de Rolex
Être créateur ne demande pas uniquement des compétences dans le design, mais principalement dans le marketing : Comprendre l’image de la marque, l’histoire de l’entreprise, son patrimoine et les attentes du client ; connaitre parfaitement les marchés, l’ADN de la marque et adapter sa vision en fonction de ceux-ci.
Le fait d’avoir travaillé avec différentes marques de luxe et plus bas de gamme, lui a permis d’étoffer son panel créatif et de se permettre des excentricités, ce qu’il n’aurait jamais pu faire dans des maisons de prestige.
« Le design de la montre doit avant tout être portable et vendable. Une montre avec un design abouti doit être commercialisable. Pour qu’une montre se vende, il doit pouvoir être possible de lire l’heure facilement et rapidement ».
« Il y a plus de possibilités dans les marques plus accessibles. Le design y est plus commercial, les matériaux sont différents. Il ne faut pas oublier que les montres seront produites en plus grandes quantités ».
Avant de travailler avec une marque, plusieurs possibilités s’offrent au designer :
Comme dans la Haute Couture, Emmanuel Gueit a travaillé avec de nombreuses personnes et des équipes avant de commercialiser une montre. Selon lui, il faut croire au projet et aller au-delà des limites, car il y aura toujours des critiques ou des doutes. Il faut avoir du « nez » et savoir être avant-gardiste.
« C’est une discussion collégiale. Chez Rolex, pour la collection Cellini, j’ai proposé une ligne avec une poignée de professionnels passionnés. Nous avons mis six mois pour tout créer. La collection est sortie deux ans après ».
Royal Oak Offshore - Audemars Piguet
Royal Oak Offshore - Audemars Piguet
Emmanuel Gueit définit le luxe comme un produit exclusif qui doit être élégant et discret avant tout. Pour lui, le luxe doit être secret et confidentiel. Il explique également que la Haute Horlogerie a trop voulu miser sur les réseaux sociaux et qu’il est mieux de se retirer un peu des médias pour être plus « exclusif ».
A l’égard de la tendance des montres personnalisables, Emmanuel Gueit pense que cela va augmenter dans les années à venir et particulièrement dans la Haute Horlogerie. Il s’agit d’un retour à la perfection et à la création justement, un retour vers les tendances des années 90.
« Ceux qui investissent dans une montre de luxe veulent du sur-mesure, de l’exclusif. Ils souhaitent un produit qu’on ne trouve nulle part. Il recherche une pièce qu’ils auront personnalisée eux-mêmes ».
Le futur doit être dans la nouveauté et hors de la zone de confort.
« Nous nous posons les mêmes questions qu’il y a 30 ans. Nous avons les mêmes craintes et doutes à propos des tendances des prochaines générations. Les montres connectées ne sont pas l’avenir de la Haute Horlogerie. C’est simplement un phénomène de mode. Il y aura des gens qui achèteront des montres connectées et auront également une monte issue de la Haute Horlogerie».
De plus, les manufactures Suisses doivent revoir leurs stratégies et se réinventer dans le haut de gamme, tout miser sur l’artisanat, le fait main, la qualité et… l’écologie !
« Il faut faire comprendre aux gens que le quartz n’est pas écolo. Nous pouvons développer de nouveaux mouvements plus écologiques. Nous devons évoluer et conserver le SWISS MADE en développant de nouvelles machines capables de développer de nouveaux mouvements ».
Emmanuel Gueit ajoute également :
« Les marques suisses doivent être capables de développer des mouvements et un assemblage moins coûteux et de créer des montres moins chères. La montre se démocratise et n’est aujourd’hui plus forcément un objet que l’on offre pour les baptêmes ou les anniversaires… ».
La Haute Horlogerie a encore de belles opportunités. Nous assistons à un retour vers le personnalisable et donc vers la consultation de designers réputés pour contribuer à la réalisation de pièces inédites pour des clients prestigieux. La haute horlogerie reviens au simple, au travail bien fait, tout en renouvelant sa gamme, sans surexposition sur les réseaux sociaux. Elle travaille sur de nouveaux mouvements plus écologiques avec des matériaux de qualité, tout en contrôlant les coûts, pour délivrer des montres plus accessibles aux plus jeunes. Avec l’apparition de blogs et de forums sur la Haute Horlogerie (Hodinkee), les clients deviennent de plus en plus exigeants et les horlogers doivent s’intéresser aux préoccupations et aux besoins plus actuels.
Crédit Photo: Audemars Piguet ; Rolex ; Emmanuel Gueit
