La question était : « Les festivals de films ont-ils un futur ? ». Dans ce premier article dédié à ce sujet, Florence Lacroix, responsable de la communication auprès du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) s'est très gentiment attelée à la tâche pour répondre à mes questions. Elle revient sur cette période d'incertitudes après l'annonce choc de l’annulation du FIFDH, seulement une semaine avant le début du Festival, fin février.
La volonté de trouver des solutions, ainsi que l’ingéniosité et l’envie d'aller de l'avant, non seulement de la part des organisateurs, mais aussi de celles des partenaires, a permis au Festival de rebondir en quelques jours.
L’événement le plus important dédié au cinéma et aux droits humains à travers le monde
« Si vous êtes genevois vous avez certainement entendu parler du FIFDH. Capitale du droit international, cela tombe sous le sens qu'un tel festival se tienne dans notre ville et ce, depuis 19 ans. En parallèle avec la session principale du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, le FIFDH permet d'ouvrir le débat et les discussions pour dénoncer les violations commises contre les droits humains, partout dans le monde avec des invités aussi différents qu'importants, passant du nobélisé à l'activiste de renom.
Le Festival se tenant chaque année au mois de mars, l'année 2020 a été très spéciale pour les organisateurs qui ont dû redoubler d'initiatives pour sortir une édition en ligne et ce, en quelques jours. »
Covid-19 : Un Festival réinventé online en 48 heures
« Comme tout le monde, nous avons été surpris par la soudaineté et l’ampleur de la crise liée au Covid-19. Le Conseil fédéral a annoncé le 28 février – de manière inattendue à l’époque – l’interdiction des rassemblements de plus de 1000 personnes. Cette annonce est intervenue une semaine seulement avant l’ouverture du FIFDH, prévue le 6 mars.
Nous n’avons disposé que de trois jours pour prendre une décision et, le lundi 2 mars, nous annoncions l’annulation des événements publics du FIFDH 2020. Nous avons toutefois immédiatement fait le choix de maintenir un maximum d’éléments de notre programme via nos plateformes numériques. En effet, la majorité de nos invités restaient déterminés à venir au Festival malgré la situation et l’équipe du FIFDH était décidée à porter leurs voix et causes auprès d’un large public.
Le 4 mars, soit seulement 48 heures plus tard, nous avons pu mettre en ligne un programme alternatif et 100 % numérique. Durant dix jours, le programme 2.0 du FIFDH a ainsi réuni activistes, artistes, journalistes ou encore cinéastes pour des débats et entretiens diffusés en direct sur internet. Un Festival réinventé qui aura permis de donner la parole à la société civile et aux défenseurs des droits humains.
En parallèle, les jurys du Festival ont visionné à distance les films en compétition et livré leur palmarès. »
Edition du Festival en ligne : Une expérience enrichissante grâce à l’ensemble des partenaires
« L’annulation d’un festival à moins d’une semaine de son ouverture représente une vraie situation de crise. Mais avec le recul, il s’est agi d’une expérience enrichissante pour toute l’équipe, qui s’est entièrement mobilisée pour rendre cette édition alternative possible.
Contact a immédiatement été pris avec les invités du FIFDH, afin de s’assurer de leur volonté de participer au Festival, même dans une forme repensée. Les partenaires du Festival se sont également mobilisés, à l’image de la RTS qui a pu proposer des films de la sélection, en streaming sur son site et qui a mis son studio à disposition pour l’enregistrement de deux débats.
Au final, ce sont l’ensemble des parties prenantes du Festival qui se sont investies, afin de permettre au FIFDH de rebondir et de proposer une offre alternative en l’espace de quelques jours. »
Nouveaux formats numériques pour les festivals ? Une concurrence féroce !
« La pandémie a forcé les festivals à imaginer et tester de nouveaux formats, essentiellement numériques. Elle a contraint l’ensemble du secteur à s’adapter. D’ici quelques mois, un premier bilan pourra être tiré. Ces adaptations amènent-elles des résultats positifs ? Permettent-elles d’atteindre de nouveaux publics ? Peuvent-elles être maintenues en parallèle à une manifestation classique ?
Dans le domaine du numérique et des médias, l’offre est extrêmement large et la concurrence féroce. Capter et retenir l’attention du public en ligne constituent des défis majeurs, que la majorité des festivals ne maîtrisent pas et qui requièrent des investissements importants. Si l’on y ajoute la saturation croissante du public face aux offres numériques, nous ne sommes pas encore convaincus qu’il s’agisse là de la voie royale pour l’avenir des festivals. »
Différents scénarios d’avenir pour un même objectif : les droits humains
« Nous devons désormais imaginer différents scénarios pour le futur immédiat du Festival, ce qui oblige à trouver d’autres moyens et méthodes de communication pour toucher tous nos publics.
Malgré tout, la communication du FIFDH conserve son objectif principal, à savoir la mise en lumière des causes portées par le programme, les invités et les films du Festival, et ceci qu’elles soient présentées dans une salle avec public ou en ligne. »
De l’émotion ressentie en salle aux opportunités d’échanges accrues online
« Un festival est, par essence, un lieu de rencontres et d’échanges. L’émotion ressentie et partagée en salle est centrale et constitue le cœur de l’expérience qu’un festival propose à son public. Pour le public professionnel en revanche, l’opportunité de nouer des contacts et de faire des rencontres reste l’attrait majeur d’un festival.
Un programme numérique, en « distanciel », offre en ce sens l’opportunité d’entrer en contact avec un nombre accru d’intervenants internationaux, qui seraient souvent dans l’impossibilité de se déplacer pour des raisons d’agenda ou de distance. Un programme professionnel doté d’un fort volet numérique, à l’image du Impact Day du FIFDH, peut ainsi être particulièrement attractif et augmenter le nombre d’opportunités offertes à ses participants. »
Le FIFDH : Un lieu de parole et d’expression
« Un festival est un lieu de rencontres, de partage, d’échange d’idées, de culture et de festivités. Un moment particulier dans l’année où des énergies se rencontrent. Un événement qui offre une place exceptionnelle à la diversité de la création cinématographique, notamment à la création indépendante, et en particulier celle qui n’accède que rarement aux circuits de diffusion commerciale.
Un festival comme le FIFDH est un lieu de parole et d’expression pour les cinéastes, activistes, diplomates, personnalités politiques, victimes, artistes, journalistes ainsi que pour le public. »
Et le prochain Festival ?
« Nous nous réjouissons de vous retrouver du 5 au 14 mars 2021, pour la 19ème édition du FIFDH. Cette édition se déroulera sous une forme qui reste encore à déterminer, mais que nous espérons aussi normale que possible, afin de renouer avec ce qui fait la force d’un festival.
Un grand merci à Madame Lacroix pour avoir pris le temps de répondre à ces questions. Comme mentionné, le Festival aura lieu l'année prochaine du 5 au 14 mars, mais vous pouvez rester en contact avec les dernières nouvelles concernant le Festival sur les réseaux sociaux.»