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Financement des matières premières à Genève : le Credit Suisse, un acteur incontournable

Écrit par Marc Berclaz
Paru le 16 mai 2013
MM. A. Hamdi Arman et Guy Barras

MM. A. Hamdi Arman et Guy Barras

Genève, place forte du commerce international, l’est non seulement par la concentration des sociétés de négoce actives dans la cité du bout du lac, mais aussi par la présence de nombreux cabinets d’avocats d’affaires et surtout grâce à ses banques qui jouent un rôle moteur dans le financement des opérations de négoce.

Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Messieurs Barras et Arman sur l’importance qu’occupe le financement des matières premières au Credit Suisse.

Bonjour Messieurs, pouvez-vous vous présenter et situer votre parcours en quelques mots ?

Bonjour. Je m'appelle Guy Barras. J’ai travaillé 15 ans chez BNP Paribas et je suis au Credit Suisse depuis 18 ans. Je suis responsable du Trade Finance Service Center qui s’occupe pour tous nos clients du traitement des produits associés au commerce international, tels que les lettres de crédit, les garanties ou les encaissements documentaires. A ce titre, je collabore étroitement avec l’équipe de M. Arman.

Bonjour. Mon nom est Hamdi Arman. Je suis au Credit Suisse depuis bientôt deux ans et demi. Avant cela, j’ai travaillé dans d’autres banques, notamment Credit Europe Bank, Finansbank, HSBC et dans plusieurs pays, comme la Turquie, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse, mais toujours en relation avec le commodity trade finance. Aujourd'hui, je dirige l’équipe responsable de couvrir les sociétés de négoce international.

Quel  est l’importance du Trade Finance chez Credit Suisse ? Où vous positionnez-vous dans le marché par rapport à un poids lourd comme la BNP ?

Guy Barras : Pour le Credit Suisse à Genève, en Romandie, c’est une activité très importante. Nos équipes occupent plusieurs dizaines de personnes, tant pour l'exécution des lettres de crédit que pour le négoce. Nous avons aussi des équipes à Zurich qui s’occupent des clients qui se trouvent dans la partie orientale de la Suisse et de l’Europe.

Au sein de la banque, nous faisons partie du département Corporate & Institutional Clients qui lui-même fait partie de la division Private Banking.

Par rapport à BNP, qui reste historiquement le leader sur ce marché, je dirais que nous nous situons dans le groupe de tête. Cela est dû principalement au fait que les sociétés de négoce avec lesquelles nous traitons - qui sont des firmes importantes - ont besoin d’une institution qui aie d’une part les capitaux suffisants et d’autre part la signature reconnue pour être acceptée par de grosses contreparties.

Quels  sont les différents produits bancaires et types de financement de matières premières offerts par le Credit Suisse à ses clients ?

Guy Barras : Pour une banque comme le Credit Suisse, il faut bien distinguer deux choses au niveau Trade Finance général : premièrement, nous sommes une banque historiquement suisse qui a aussi pour vocation d’offrir des sécurités de paiement aux exportateurs suisses traditionnels. A côté de cela, nous nous occupons du financement des sociétés de négoce qui ont besoin de sécuriser leurs paiements à l’import et à l’export.

Il y a donc le service au niveau des produits que nous offrons pour garantir  les paiements internationaux pour tous genres de clients et puis les limites de crédit que nous mettons en place pour le financement du négoce. Evidemment, ce dernier est lié aux produits "lettres de crédit", "garanties", puisque les financements sont assurés  par ces méthodes de paiement.

Quelle est la différence entre le Commodity Trade Finance et le Structured Commodity Finance ?

Hamdi Arman : Chaque banque a une définition différente, mais l’explication la plus répandue est la suivante : par commodity trade finance on entend le financement des sociétés de négoce pour l’achat de marchandises. L’argent qui provient de la vente de ce même produit dans un autre pays sert à rembourser la banque ou à couvrir le débit en compte. C’est donc une opération de courte durée qui consiste à gager la marchandise pour le risque que l’on prend.

Pour vous donner un exemple concret, imaginez-vous une aciérie qui aurait des besoins de financement pour l’achat d’équipements plus modernes pour augmenter la performance de l’usine, le crédit étant remboursé par l’exportation et l’encaissement de l’acier produit et vendu.

Dans le cas d’une opération de commodity trade finance, nous financerions l’achat de l’acier alors que dans le cas du structured commodity finance ou financement structuré, nous financerions l’aciérie, soit l’achat des machines et du matériel nécessaires à l’exploitation de cette dernière. Le financement sera certes repayé par l’exportation du produit de l’aciérie mais sur une durée beaucoup plus longue.

Guy Barras : Ce qu’il faut noter est que le crédit structuré ne repose pas sur la marchandise du début à la fin, puisqu’il y a des fonds à mettre à disposition pour l’investissement afin de pouvoir extraire et exporter. On appelle ce type de financement « structuré » parce qu’il existe justement plusieurs étapes de financement et qu’il se fait sur un plus long terme.

Quelles sont les garanties (financières et opérationnelles) prises par le Credit Suisse pour octroyer un prêt ?

Hamdi Arman : La garantie est la matière elle-même. Nous finançons le plus souvent la marchandise alors qu’elle se trouve déjà à bord du bateau. Puis, nous recevons les connaissements maritimes (document attestant du chargement de la marchandise) à notre nom, c’est par ce biais que nous contrôlons la marchandise. Lorsqu’elle est déchargée au port de destination, et pour autant qu’elle soit vendue, nous encaissons les receivables, soit le produit de la vente.

Nous finançons peu les marchandises en dépôt et une grande majorité de nos financements se font sur les produits energy. En ce qui concerne les possibles fluctuations au niveau des prix, nous nous protégeons en hedgeant la marchandise (celle-ci sert de couverture) ou, si ce n’est pas possible, nous demandons à nos clients une marge adéquate pour couvrir ce risque.

Guy Barras : Le but de cette couverture, ce hedge, est de prendre une position papier inverse à celle de la position physique pour couvrir le risque de prix, puisque ce dernier peut fluctuer entre le moment où la marchandise est achetée et celui où elle est vendue. Cela signifie que ce que le négociant pourrait perdre (ou gagner) sur le prix physique sera compensé par le gain (ou la perte) lors du dénouement de la position papier.

En ce qui concerne le physique, il y a tout un suivi du gage, de la marchandise, qui se fait par le biais des connaissements maritimes, warrants ou autres. La banque va autoriser la libération du gage par rapport au fait qu’elle a des marges suffisantes en compte pour son client ou qu’elle a reçu pour le compte de son client une sécurité de paiement qui représente le règlement de la vente. L’avantage d’une banque comme le Credit Suisse dans un tel cas de figure est que nous sommes en mesure de confirmer beaucoup de lettres de crédit dans de nombreux de pays et que nous pouvons également donner cette confirmation de paiement pour couvrir le risque pays de nos clients ainsi que le risque de paiement. Nous marions donc très souvent ces deux instruments : lettre de crédit achat et lettre de crédit export. Lorsque la marchandise est en dépôt, elle est alors suivie de très près afin qu’elle ne soit pas libérée sans être sûr que les sécurités de paiement soient fournies à l’avance.

Quels types de clients et de matières premières financez-vous ?

Hamdi Arman : A Genève, notre clientèle se trouve surtout dans l’arc lémanique, un peu au Tessin, un peu en Europe, en Amérique du nord et du Sud, et en Asie. Nous travaillons avec des sociétés qui sont très bien capitalisées, qui ont de l’expérience sur les marchés depuis des années, qui sont des gens biens connus ou qui bénéficient d’une bonne renommée. Avant de commencer une relation au crédit, nous procédons bien sûr à un certain nombre d’investigations telles que le type de marché, la concurrence, les fournisseurs, les relations bancaires …

Guy Barras : En principe, nous finançons tout ce qui est matières premières. Nous sommes cependant très actifs sur les produits energy, viennent ensuite les métaux, les produits chimiques et agricoles. Selon nos règles de Corporate Governance,  nous nous refusons toutefois à financer certains types de marchandises telles que l’huile de palme ou les pierres précieuses par exemple.

Quel est la valeur ajoutée de réformes comme BASEL II et BASEL III  par rapport à la due diligence qu’une banque comme la vôtre fait de manière traditionnelle pour chaque nouveau client ?

Guy Barras : BASEL III n’est pas forcément l’obligation de faire de la due diligence, ce qu’une banque comme le Credit Suisse a toujours fait,  mais cela correspond à la mise en place de nouvelles normes qui peuvent avoir des incidences de coût sur les financements, du fait qu’il va falloir capitaliser ou bloquer des fonds propres de manières plus importantes par rapport à BASEL II. Cela consiste donc en des contingences réglementaires concernant la capitalisation de l’entreprise, l'utilisation des ses capitaux en fonction des risques.

Hamdi Arman : Une due diligence est quelque chose de complètement différent pour nous. Cela concerne l’éligibilité d’un client à ouvrir un compte.

Chute du secret bancaire et taux sur la fiscalité des entreprises, autant d’épées de Damoclès qui pèsent sur la tête du trading genevois. Pensez-vous qu’il y aie un risque de voir les acteurs du négoce quitter Genève sous peu ?

Guy Barras : Il existe toujours des risques, mais nous restons confiants. Historiquement, les conditions cadres sont bonnes. La place a quand même su démontrer son professionnalisme depuis des années. Maintenant, il est clair que l’aspect fiscal est important et il faut que les autorités restent attentives à cela.

Hamdi Arman : Outre la fiscalité, d’autres aspects de la place financière genevoise sont également à prendre en considération : du personnel qualifié, une bonne qualité de vie, la suffisance des logements, la place dans les écoles, la criminalité …  Beaucoup de sociétés emploient des étrangers et elles sont donc aussi attentives à ces aspects-là.

Merci Messieurs.

Je souhaite aussi remercier Monsieur Jean-Paul Darbellay, Responsable de la Communication au Crédit Suisse, sans lequel cette entrevue n’aurait pas eu lieu.

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