Selon une étude intitulée « le stress chez les personnes actives occupées en Suisse » publiée en 2011 sous l’égide du Secrétariat d’Etat à l’économie SECO, un tiers environ de la population suisse active s’est dite fréquemment ou très fréquemment stressée au travail (chiffres 2010) 1.
Ce phénomène semble toutefois se généraliser, car aucune profession, ni aucun secteur d’activité ne parait épargné. Toutefois, cette étude démontre que les jeunes et les Romands affirment plus souvent que la moyenne être fréquemment touchés par le stress. De plus, les résultats tendent à démontrer aucune différence significative entre les sexes n’a été observé.
Alors comment gérons-nous notre stress ? Quels en sont les facteurs déclencheurs ? Sommes-nous tous égaux face celui-ci ? Où prend-il naissance ? Dans notre conscient ou notre inconscient ? Autant de questions intéressantes sur un sujet varié, mais ô combien complexe, auxquelles nous allons tenter d’apporter quelques réponses.
Le stress : une expérience personnelle
Dans le monde actuel se côtoient en permanence « réel » et « virtuel ». Les événements autour de nous évoluent et changent constamment, ceux de notre quotidien aussi et plus vite que nous l’imaginons. Nous pensons avoir la maîtrise sur ces événements, mais le contraire se produit. Cette situation est vecteur d'un stress que nous avons de plus en plus de peine à contrôler.
En effet, l’être humain est par essence peu « ami » avec le changement, car celui-ci rompt notre équilibre interne dans lequel chacun de nous tente de rester. Deux alternatives s’offrent alors à nous 2 :
- Eliminer le stress de nos vies : impossible
- Apprendre à vivre avec le stress : possible
En résumé, plutôt que perdre son énergie à vouloir l’éliminer, utilisons nos ressources à l’apprivoiser pour pouvoir vivre avec lui.
Pour gérer le stress, une seule règle est à retenir : il n'existe pas de solution facile et universelle. Car une situation stressante pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre. Une situation n’est stressante que si nous l’interprétons comme étant stressante. C’est pour cette raison que le stress est une expérience profondément individuelle et personnelle. 2
Stressé et en perte de maîtrise
Que ce soit au travail ou dans votre vie privée, notre perception du stress est quotidienne et primordiale pour déterminer si nous souffrons un peu, moyennement, beaucoup ou chroniquement du stress. Les résultats de l’étude « stress 2010 » démontrent deux aspects diamétralement opposés :
- 34,4 % des personnes actives occupées en Suisse interrogées en 2010 ont affirmé s’être senties souvent, voire très souvent stressées (chiffres 2000 = 26,6%)
- A l’inverse, 13,2 % des personnes actives occupées en Suisse (chiffres 2010) ne se sont jamais senties stressées ou de manière occasionnelle (chiffres 2000 = 17,4 %)
En outre, la fréquence à laquelle les personnes sont confrontées au stress varie selon l’âge. Les personnes plus âgées semblent moins affectées que les jeunes et très jeunes actifs. Comme si l’expérience, les connaissances et les compétences des anciens étaient autant de facteurs leur permettant de maîtriser le stress.
La corrélation entre « stress » et « gestion du stress » est démontrée. En effet, plus l’individu est stressé, plus il estime que ses compétences de gestion du stress sont mauvaises. Et plus sa perception de cette gestion est mauvaise, plus il se sent épuisé d'un point de vue émotionnel. Il est scientifiquement prouvé que ce sentiment d’épuisement émotionnel est la caractéristique principale du burn out. Les personnes confrontées à cet état ont l’impression que leurs « batteries » sont vidées.
A noter que le burn out est un état d’épuisement émotionnel et mental, accompagné de fatigue physique, qui se traduit aussi par une prise de distance vis-à-vis de son travail, et qui peut être généré par l’activité professionnelle.
Facteurs de stress
Dans le monde professionnel, le mot « stress » est souvent assimilé à la performance et à l’engagement. En revanche, pour le monde médical et psychologique, la notion de stress est utilisée lorsqu’un individu a atteint les limites de ses capacités.1 Tout élément ou évènement de vie vécu comme une agression, un traumatisme ou qui remet potentiellement en question les compétences de l’individu ou son équilibre personnel peut être vecteur de stress.
Nous l’avons vu précédemment, l’individu n’aime pas le changement. Il préfère rester dans une situation qu’il connaît, même si elle est source de souffrance, plutôt que de s’aventurer dans l’inconnu du changement. Pour changer, il faudra accepter le risque des conséquences, voire de l’échec, et ceci est générateur de stress.
Les facteurs de stress (« stresseurs ») sont donc multiples :
- Une fragilité ou une difficulté personnelle
- Une demande excessive lié à son travail
- Ne pas savoir dire non
- Une pression intérieure liée à sa propre histoire de vie
- Un désir de perfection
- Un certain orgueil
- Mal se connaître, par conséquent ne pas respecter ses limites
- …
De manière générale, les causes de stress sont à terme néfastes pour la santé, si elles s’inscrivent dans la durée (stress chronique), si elles sont subies, si elles sont nombreuses et enfin si elles sont incompatibles. Pour ce dernier point, la coexistence de certains facteurs antagonistes est très mauvaise pour la santé. C’est le cas quand coexistent une forte exigence de la tâche et une faible marge de manœuvre (appelé le « Job strain » de Karasek) ou un déséquilibre entre les efforts consentis par les employés et les bénéfices procurés par le travail (modèle de Siegrist).
Quels outils de gestion ?
Le monde de la psychanalyse est unanime. La première décision à prendre quand nous nous sentons en situation de stress tant dans la vie privée que dans le monde du travail : oser en parler et agir sur l’environnement qui nous entoure.
Chacun de nous fait face au stress avec ses propres ressources internes, nourries par le vécu antérieur et les expériences passées. Globalement, la plupart d’entre nous affrontent le stress seul en allant puiser dans ses ressources ou en demandant de l’aide à des tierces personnes. Ceci permet de le canaliser et d’en faire quelque chose de positif plutôt que d’être paralysé. Mais d’autres fuient physiquement, en s’éloignant de la source de stress ou psychiquement par le refoulement ou le déni de la source du stress. En fait, ce sont deux mécanismes de défense « archaïques » selon le monde psychiatrique.
Egaux face au stress ? femme vs homme ?
L’étude publiée par le SECO en 2011 l’a démontrée et observée, en matière de perception du stress, il n’y a aucune différence significative entre les femmes et les hommes.
En revanche, nous ne sommes pas tous égaux face à des situations de stress. Selon les spécialistes, ce n’est pas le sexe qui fait la différence, mais plutôt la manière d’y faire face. Les hommes ont plus de peine à se l’avouer. Cela doit sûrement être dû aux modèles millénaires de la représentation masculine présents dans nos sociétés. Au contraire, les femmes sont plus promptes à en parler et à se livrer sur le sujet. En revanche, les deux sexes ont de la peine à agir.
Par ailleurs, d’un point de vue médical, chaque individu pourrait subir des conséquences différentes d’une même situation de stress, avec soit peu ou pas de répercussions physiques ou psychiques, soit avec d’importantes répercussions. Par exemple : troubles du sommeil, de l’appétit, dépression, burn out, délires, hallucinations ou encore hypertension, infarctus, ulcère, asthme, eczéma et enfin problèmes auto-immuns. Tous ces symptômes ne peuvent être que passagers, en lien direct avec la situation de stress ou persister même après la disparition de la source initiale de stress.
Genèse du stress
Nous l’avons vu, le stress est vécu comme une expérience individuelle, personnelle et sa gestion ne dépend pas de lois universelles. Pourquoi ? Parce que ces sources de stress se situent tant dans la réalité de notre quotidien (= conscient) que dans l’inconscient (= subconscient).
Les sources sont réelles et vécues comme telles, mais l’origine du problème est à chercher dans l’inconscient. Voilà pourquoi une situation stressante pour un individu A ne le sera pas forcément pour un individu B, et inversement. Ces sources sont à chercher dans notre vie quotidienne, dans notre histoire personnelle et familiale ou dans notre vécu passé/présent. Que nous dit le monde de la psychanalyse à ce propos ? Alors que l’histoire personnelle de chacun de nous est transgénérationnelle, la transmission du stress, voire du traumatisme l'est aussi. Pour l’individu ou son système familial, ces sources sont conscientes ou inconscientes.
Quelles postures comportementales adoptons-nous ?
Les outils de gestion du stress sont multiples, mais seules deux attitudes sont généralement admises : l’affrontement ou la fuite. La plupart d’entre nous choisit le déni, l’évitement ou l’endurance, en tant qu’aptitude à résister à la souffrance. Certains gèrent le stress avec un calme apparent ou réel, d’autres se replient sur eux-même, parce que la situation est trop douloureuse à affronter. En effet, faire autrement serait trop dangereux avec le risque d’être submerger par les conséquences de ce stress.
L'esprit humain a un système de défense primitif pour oblitérer des faits trop stressants que le cerveau ne saurait gérer. Cela s'appelle le déni. (extrait d’Inferno de Dan Brown mai 2013)
D’autres enfin vont développer des comportements d’auto-destruction (drogue, suicide, « sabordage » personnel ou professionnel) ou d’hétéro-destruction (violences physiques ou psychiques envers autrui). La psychiatrie rappelle que l’ensemble de toutes ces attitudes ont en commun de tenter de maintenir sa propre « homéostasie », l'équilibre que l’individu ressent comme mis en danger par le stress.
D’après une enquête de 2012 d’OpinionWay pour les Editions Tissotfaite en Belgique 3, basée sur le stress au travail, il ressort, qu’en dehors des sources de stress au travail, la vie privée des travailleurs a elle aussi un impact sur le stress au travail : 11% des sondés pensent "tout à fait" que les évènements de leur vie privée les stressent aussi au travail, et 39% le pensent "plutôt". Pour 65% des interrogés, le stress est un facteur négatif qui leur fait perdre leurs moyens. Seuls 28% ont répondu qu’être stressés leur permettait de se dépasser au travail (ou comment rendre son stress positif ?)
Pour évacuer le stress professionnel, les personnes interrogées ont plusieurs méthodes. Si 44% des sondés mangent plus, 30% font plus de sport qu’à l’accoutumée, 29% vont sortir faire la fête et 22% faire du shopping. En revanche, 22% vont fumer plus que d’habitude, 19% boire de l’alcool et 3% vont prendre des stupéfiants. Enfin, ils ne sont que 16% à aller consulter un médecin et quand même 13% à travailler plus.
Pour conclure…
Le stress n’a pas que des aspects négatifs. A dose homéopathique et bien géré, il peut, au contraire, être générateur de dépassement de soi et aider à accomplir des actions dont l’individu lui-même ne pensait pas forcément être capable.
Un environnement professionnel favorable de même que de la facilité à concilier vie privée et vie professionnelle apparaissent comme des facteurs protecteurs face au stress (moins de stress ressenti, moins d’épuisement émotionnel, et moins de problèmes de santé).
Il existe toutefois des corrélations entre le stress ressenti et le nombre de problèmes de santé, mais en revanche pas avec les absences professionnelles. Là, nous touchons un autre problème qui pourrait faire l’objet d’un sujet d’article à lui tout seul : le présentéisme.
Nous souhaitons terminer cet article par un note positive en citant le neurologue Henri Rubinstein :
Le rire, un sérieux outil de gestion du stress.
Texte : Rémy Thomazic et Gertrude Masengu
Sources :
1 http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/24612.pdf
2 http://www.stresshumain.ca/le-stress/dejouer-le-stress/principes-de-la-gestion-du-stress.html
3 http://www.references.be/carriere/travailler-vivre
Photo credit: kugel via photopin cc; Alan Cleaver via photopin cc; kroszk@ via photopin cc
Merci pour cet article fort instructif. Cela fait toujours du bien de lire un avis neutre et objectif sur un mal qui finalement nous touche quasi toutes et tous à un moment donné.
Ce qui est sûr, c'est qu'il y a clairement une sous-évaluation des impacts du stress par les employeurs. Présentéisme - absentéisme voire pire, suicide, les employeurs devraient sérieusement prendre part à la résolution de ce mal du siècle. Au-delà des bénéfices financiers qu'ils en retireraient, ils prouveraient prendre enfin à bras le corps la responsabilité sociale qui est la leur et qui est bien trop souvent passée sous silence.