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Quand on aborde la question de l’intelligence artificielle et de son impact sur le marché du travail, une inquiétude s’éveille : à quel point l’IA est-elle en passe de « voler » sa place à l’homme ? Ou au contraire, l’IA pourrait-elle être bénéfique pour le monde du travail ?
Dans cet article, nous nous fondons sur le rapport annuel du World Economic Forum pour présenter une vue d’ensemble de la situation et des défis qui nous attendent.
L’impact de l’IA sur le marché du travail
C’est un fait, l’IA est en train de remplacer en partie l’homme dans plusieurs types d’activité – assistants administratifs, secrétaires légaux, graphistes, copywriters, agents du service client… À tout le moins, elle prend en charge une part du travail propre à différents métiers.
Elle est notamment sollicitée pour les tâches répétitives qui se prêtent à l’automatisation. Non seulement la machine est capable d’assumer ces tâches, mais elle les remplit plus efficacement que nous.
L’IA, outil ou concurrent ?
L’IA présente des bienfaits notables. Pour de nombreuses tâches, son bon usage est synonyme de gain de temps et de productivité.
Du journalisme à la santé en passant par le droit ou l’ingénierie, il est en réalité peu de métiers qui ne puissent profiter d’une manière ou d’une autre de l’intelligence artificielle.
Toutefois, l’écart peut être mince de l’appui au remplacement, et la préservation de certains métiers dépendra étroitement des dispositions prises à cet effet :
« Sans des cadres de prise de décision appropriés, des structures d'incitation économique et, éventuellement, des réglementations gouvernementales, il existe un risque que le développement technologique se concentre sur le remplacement du travail humain, ce qui pourrait accroître les inégalités et le chômage. »
“ without appropriate decision-making frameworks, economic incentive structures and, possibly, government regulations, there remains a risk that technological development will be focused on replacing human work, which could increase inequality and unemployment.” (Future of Jobs Report 2025, p. 11)
Emplois et compétences propres aux nouvelles technologies
La contrepartie positive de l’IA sur le marché du travail consiste dans le fait que cette technologie va également créer de nouveaux emplois.
Selon le Future of Jobs Report 2025, les tendances en matière d'IA et de technologies de traitement de l'information devraient créer 11 millions d'emplois d’ici 2030, tout en en remplaçant simultanément 9 millions d'autres.
Bien entendu, selon ce rapport, la plupart des emplois ainsi créés sont directement liés à l’IA elle-même (p. 38).
Pour faire simple, l’avancée de l’intelligence artificielle demande en parallèle le développement de métiers dévoués à sa gestion.
Comme le signale le rapport annuel du WEF, les progrès technologiques nourrissent un besoin toujours plus grand de compétences dans les domaines de l’IA, de la big data, ou encore de la cybersécurité :
« Les comparaisons avec les éditions précédentes de l'enquête sur l'avenir des emplois révèlent un changement notable dans la demande de compétences, les compétences technologiques telles que l'intelligence artificielle et le big data, les réseaux et la cybersécurité, ainsi que la gestion environnementale affichant la plus forte augmentation nette de la part des répondants, les identifiant comme essentielles pour les cinq prochaines années. »
“Comparisons with previous editions of the Future of Jobs Survey reveal a notable shift in skill demands, with technology skills such as AI and big data, networks and cybersecurity, and environmental stewardship showing the largest net increase in the share of respondents identifying them as critical for the next five years.” (The Future of Jobs Report 2025, p. 38)
En conséquence, les métiers liés à la culture technologique présentent le taux de croissance le plus élevé à l’échelle mondiale et les employeurs vont attendre de leurs employés une maîtrise toujours plus grande de ces outils.
Enjeux immédiats
L’émergence et le développement rapide de ces nouvelles technologies demande des employeurs et des employés une grande force d’adaptation.
Il va falloir œuvrer de sorte à intégrer ces nouvelles technologies de façon pérenne. Pour cela, il faut que cette intégration soit bénéfique au plus grand nombre et que ses effets négatifs soient aussi limités que possible.
Comme dit plus haut, les politiques publiques devront veiller à ce que le développement de l’IA ne crée pas davantage d’inégalités sur le marché de l’emploi.
Le défi majeur qui nous attend est celui de la collaboration avec la machine. Les chiffres sont très clairs à ce sujet et nous devons nous habituer à ce travail en commun.
L’enjeu réside dans le maintien d’un équilibre sain entre automatisation et « augmentation » (collaboration entre homme et machine) :
« La technologie pourrait être conçue et développée de manière à compléter et améliorer, plutôt qu’à remplacer, le travail humain ; et […] les stratégies de développement des talents, de requalification et de perfectionnement pourraient être élaborées et mises en œuvre de manière à favoriser et optimiser la collaboration entre l’humain et la machine.
“technology could be designed and developed in a way that complements and enhances, rather than displaces, human work; and […] talent development, reskilling and upskilling strategies may be designed and delivered in a way to enable and optimize human-machine collaboration.” (Idem, p. 27)
Idéalement, il faudrait ainsi favoriser l’ « augmentation » et prendre garde à ne pas laisser l’automatisation gagner du terrain sans que cela soit compensé d’une manière ou d’une autre au bénéfice des travailleurs.
L’humain avant tout
Enfin, il faudra sans doute aussi veiller à ce que la pression exercée par les besoins toujours croissants en termes de compétences technologiques ne soit pas trop grande. N’oublions pas que la productivité et l’efficacité dépendent non seulement du savoir brut des travailleurs, mais également des compétences humaines et de la qualité de l’environnement de travail. D’ailleurs, le rapport du WEF signale que les compétences de base les plus demandées par les recruteurs restent la pensée analytique, la résilience et la flexibilité.
À ce propos, on parle aujourd’hui déjà de « AI anxietey ». Un nombre considérable de travailleurs vivent dans la crainte de voir leur emploi supprimé à cause de l’intelligence artificielle.
Assurément, ce type de stress n’est pas souhaitable et nuit à la productivité des personnes qui le subissent.
Il est donc crucial que l’intégration des technologies d’intelligence artificielle s’opère avec patience et circonspection, en tenant compte du bien-être des travailleurs et des enjeux à long terme sur le marché du travail que cette révolution appelle.
Crédit photo : ©yurakrasil