En 1968 Jacques Dutronc chantait : il est cinq heures Paris s’éveille. Par le biais de cette chanson, le chanteur décrivait le début d’une journée de travail dans différents domaines d’activité. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts. Même en Suisse, le pays des montres, les villes ne s’éveillent pas à la même heure : tout simplement parce que ces dernières ne se couchent plus. C’est valable pour presque toutes les professions. Que ce soit les journalistes, les infirmiers, les nettoyeurs, les gardiens de prison ou les policiers, aujourd’hui il existe plusieurs tranches horaires.
En 24h, sur les 5 X 8, ceux qui travaillent la nuit commencent entre 22h00 et 24h00, terminent entre 05h00 et 07h00. Mais concrètement, comment vivent ceux qui font vivre nos villes la nuit ?
L’effet du travail de nuit sur l’organisme
Une enquête faite il y a 5 ans démontre que le travail de nuit n’a pas le même effet sur l’organisme que le travail de jour. Le fonctionnement de l’organisme suit un rythme de 24h (rythme circadien). Ce rythme est dicté par une horloge située au cœur du cerveau. Durant la nuit, cette horloge ordonne la production de différentes hormones dont la mélatonine. Sa présence renforce le sommeil et provoque un ensemble de réactions physiologiques dans tous les organes du corps. Ceci représente pour le corps un véritable travail de nuit, différent de celui du jour. Ainsi, par exemple, la pression arterielle diminue, la musculature se relâche entre 4h00 et 6h00 du matin, la température du corps atteint son point le plus bas et en principe, à ce moment-là, le sommeil est le plus profond.
L’horloge interne
L’horloge interne est extrêmement sensible à la lumière. Comme en général, nous ne travaillons pas dans le noir, le simple fait d’être actif la nuit déclenche une désynchronisation des rythmes biologique. Sur le moment, l’organisme est capable de s’adapter. Par contre, à long terme, ces perturbations de l’horloge ne sont pas sans conséquence pour notre santé.
La manifestation des signaux d’alerte
Les signaux d’alerte peuvent mettre des années à se manifester. Les êtres humains sont des animaux diurnes. C’est pour cela que le travail de nuit a un effet néfaste sur notre santé.
Travailler à un moment où notre corps est censé se reposer provoque une forme de stress. Le fait de se forcer à dormir la journée alors que le corps ne s’y attend pas fait que la qualité du sommeil n’est pas la même que celle de la nuit. Quand une personne est stressée, l’adrénaline monte, ce qui provoque de l’hypertension. Les personnes qui travaillent la nuit mangent et fument souvent plus, ce qui peuvent entrainer encore d’autres maladies. De plus, les travailleurs de nuit perdent en performance et en qualité de santé.
Nous ne sommes pas égaux face au sommeil
Des études montrent que 20% des personnes qui décident de travailler la nuit abandonnent leur travail durant les 3 premiers mois, du fait qu’ils ne supportent pas le travail de nuit. Même pour ceux qui parviennent à supporter ce rythme, la fatigue reste un vrai problème et surtout un vrai danger : troubles de mémoire, troubles de comportement, accident au travail et accident de la route. Malgré tous ces risques, les entreprises ne communiquent pas sur ce sujet et ne prennent pas vraiment en compte tous ces points.
Les maladies entrainées par le travail de nuit
L’étude sur le sommeil des travailleurs de nuit a démontré que 9% des gens qui souffrent d’une maladie cardiovasculaire sont des travailleurs de nuit, ce qui représente une personne sur dix.
Pour le moment, on ne parvient pas à faire de la prévention, car ni les entreprises, ni les assurances maladie ne se sentent concernées par la question. Il est presque impossible de prouver que la maladie a un lien avec le travail de nuit. De plus, pour être indemnisé pour une telle maladie liée à un travail de nuit, il faut que 75% des causes de la maladie aient un rapport direct avec l’emploi exercé.
Le travail de nuit et ses conditions nous rappellent le magnifique film muet de Charlie Chaplin « Les temps modernes » dans lequel Charlot ouvrier lutte pour survivre dans le monde industrialisé. Les hommes du 21ème siècle sont aussi dans un combat semblable.
Cet article est le premier d’une série dédiée au travail de nuit. Le sujet sera traité sous ses différents angles.
Sources :
http://www.chuv.ch/sommeil
http://www.je-dors-trop.com/centre1.asp
http://www.rts.ch/decouverte/sante-et-medecine/corps-humain/sommeil/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Temps_modernes_(film)
Photo credit: Marcell Katona
Merci pour cet article très intéressant. Notre société en veut toujours plus au détriment de l'humain et de la planète. Il serait peut-être temps de se passer du superflux. Mais forcée de constater que nous créons le besoin. Besoin de tout, d'argent, d'emploi,de sécurité......Ou va-t-on?
Pendant deux ans, j'ai travaillé pendant les nuits en tant que serveuse. Je n'étais pas en mesure de bien dormir pendant la journée, et je n'ai pas pu faire tout ce que j'aurais aimé faire pendant mes jours de congé. Honnêtement, je ne comprends pas comment les gens peuvent faire cela pendant des années.
Article intéressant et bien documenté, il est intéressant de se pencher sur cette thématique et les questions que celle-ci soulève (même si il est évident que pour certains métiers d'utilité publique le rôle des travailleurs de nuit est indispensable).
Merci pour tous ces renseignements précieux sur l'impact du travail de nuit sur la santé. Une pensée particulière pour tous ces travailleurs qui exercent leur métier en horaires décalés, souvent au détriment de leur santé et de leur vie de famille.