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Impuissance acquise : « J’ai plû envie… » vs « Au taquet ! »

Écrit par Roselyne Mialet
Paru le 26 juillet 2018

Qui est ne s’est pas dit un jour : « je suis nul », « je ne vais pas y arriver » ou encore les fameux « Et si… » ? Qui ne s’est jamais senti découragé par des objectifs trop élevés ? Ou pas d’objectifs du tout ? Nous y sommes tous confrontés à un moment donné dans notre travail. Parfois, ces pensées nous traversent juste l’esprit, mais d’autres fois, elles deviennent récurrentes, un leitmotiv, jusqu’à une parfaite intégration dans notre mécanisme sous forme de pensées automatiques.

Nous avons également tous rencontrés quelqu’un qui, malgré les écueils professionnels, garde le sourire et ne se sent pas découragé par l’adversité. C’est rageant, nous le concédons. Quoi qu’il en soit, nous pouvons dans une certaine mesure modifier nos schémas cognitifs et émotionnels afin de saisir les perches et les opportunités qui s’offrent à nous.

L’induction de l’impuissance acquise : épisode 1

impuissance

Voici une petite expérience vous expliquant rapidement de quelles façons les contingences peuvent vous amener à baisser vos performances.

Ce test parle de lui-même et montre à quel point être confronté à un objectif difficile impacte tous les suivants. En bref, tout devient compliqué ! Même ce qui est simple et faisable. Il est bien de penser les objectifs de façon SMART « spécifique, mesurable, acceptable, réaliste, temporisé », car au final, c’est un objectif qui à la fois vous respecte et vous met au défi.

Le point central de ce déficit de performance est la perte de contrôle. Martin Seligman, psychologue, ancien président de l’APA en 1998 (American Psychology Association) a mis en évidence un dysfonctionnement comportemental. Ses recherches débutées fin des années 60 remarque que des animaux exposés à des chocs électriques inévitables dans une première phase d’entraînement, se comportaient de manière plus passive et beaucoup moins performante dans une seconde phase (issue contrôlable) par rapport au groupe contrôle qui lui n’avait subi aucune décharge. Pour résumer, même s’il était offert à l’animal d’échapper au piège, celui-ci ne saisissait pas l’opportunité de s’y soustraire. En 1975, Seligman et al. proposent la théorie de l’impuissance acquise. Mais loin d’être expliquée, plusieurs hypothèses concourent aujourd’hui.

L’impuissance acquise (Learned Helplessness) se fonde sur trois facteurs (Ric, 1996) :

  • Un déficit cognitif : difficulté à apprendre que les évènements dépendent de ses actions.
  • Un déficit motivationnel : difficulté à émettre des réponses volontaires.
  • Un déficit émotionnel : augmentation des réponses dépressives.

 

1. Hypothèses cognitives (Ric, 1996)

Les hypothèses cognitives sont très pertinentes. Elles peuvent être à la source des autres déficits.

1. Interférences cognitives

  • Le « retrait cognitif » : Comme le sujet est dans une situation d’incontrôlabilité, il alloue ses ressources à « faire diversion » face à une nouvelle tâche. Les off-task (cognition) se rapporte au traitement de l’anxiété que provoque la tâche inexplorée.
  • L’orientation vers l’action : Le sujet se concentre cognitivement sur les stratégies qui pourraient résoudre la dissonance entre son état actuel et l’état souhaité. Par exemple, le sujet consacre toute son énergie à comprendre, soit pourquoi il n’a pas réussi la tâche initiale, soit à résoudre sa situation émotionnelle, ce qui entraîne une baisse de performance.

 

2. La « théorie informationnelle » de l’IA

De manière générale, dans une situation problématique, nous engageons nos ressources cognitives pour mettre en évidence et ordonner les informations, pour faire des inférences afin d’émettre des hypothèses pour un plan d’action. Or, quand les informations reçues sont incohérentes et n’offrent pas la possibilité de créer des hypothèses valides ou applicables, l’immense investissement mental est vain. Le sujet est donc face à un épuisement mental et n’arrive plus à engager son activité mentale dans une tâche inconnue pour la résoudre et de fait, est sous performant.

Cette théorie, selon Ric (1996) est la plus intéressante car elle peut être généralisée à un grand nombre de situations : « la théorie informationnelle prévoit qu’un élève qui ne parvient pas à résoudre un problème de mathématiques malgré des efforts cognitifs importants, ou qui ne parvient pas à suivre les explications de son professeur, pourra ressentir des difficultés à comprendre de nouveaux concepts mathématiques alors même qu’ils ne sont pas d’une difficulté insurmontable. »

 

2. L’effet d’amorçage (Légal, Meyer, 2007)

Dans leurs études, Légal et Meyer ont voulu comprendre si une situation d’incontrôlabilité vécue par autrui pouvait agir sur les mécanismes automatiques d’une autre personne. Comme les auteurs le soulignent, c’est une situation différente de l’impuissance acquise, car dans cette configuration, le sujet est lui-même en train de traiter sa propre incohérence informationnelle. Or, dans la situation étudiée, l’incontrôlabilité est subjective.

Pour tester cela, les chercheurs ont exposé dans une première phase de test un groupe A à un récit d’un personnage qui subit un état d’incontrôlabilité (indépendance entre le comportement produit et le résultat de ce comportement) (Légal, Meyer, 2007). Le groupe B est exposé quant à lui à un récit standard. Dans la phase d’apprentissage, les 2 groupes ont été examinés dans une série de résolutions d’anagrammes.

Les résultats sont que : « les participants, chez qui on a amorcé une situation non contrôlable, en comparaison avec les participants amorcés avec une situation contrôlable, obtiennent de moins bonnes performances à l’épreuve d’anagrammes, se disent être plus stressés, et déclarent ressentir des émotions de nature plus négative. » (Légal, Meyer, 2007).

En résumé, il est très probable qu’il existe un effet de contamination. Pouvons-nous imaginer les mêmes répercussions dans un cadre de travail où le comportement de personnes dans une situation dite incontrôlable finit par « contaminer » son équipe ? Quelle est l’étendue ?

 

3. Efficacité personnelle (Bandura) : prévenir les non-vouloir et non-pouvoir.

Travailler sur l’efficacité personnelle (Bandura, 1994) est une solution pour prévenir ces situations périlleuses où notre tête et notre corps ne répondent plus à la demande. Dans la synthèse sur le travail de Bandura (Lecomte, 2004), nous pouvons constater que ce concept, au cœur de l’action humaine, est applicable positivement dans tous les domaines sociaux, que ce soit l’école, le travail (employé comme manager) et aussi la perte d’emploi.

« Perceived self-efficacy is defined as people's beliefs about their capabilities to produce designated levels of performance that exercise influence over events that affect their lives. Self- efficacy beliefs determine how people feel, think, motivate themselves and behave. Such beliefs produce these diverse effects through four major processes. They include cognitive, motivational, affective and selection processes ». (Bandura, 1994). (Trad. Le sentiment d’auto-efficacité est définie comme les croyances des personnes en leurs capacités de produire des performances à des niveaux définis, lesquelles exercent une influence sur les évènements qui affectent leur vie. Les croyances d’auto-efficacité déterminent comment les gens ressentent, se motivent eux-mêmes et se comportent. De telles croyances produisent des divers effets aux travers de 4 principaux mécanismes : cognitifs, émotionnels, affectifs et de sélection.).

L’auto-efficacité est enracinée grâce à la maîtrise personnelle, l’apprentissage social, la persuasion par autrui (être rassuré sur ses compétences), l’état physiologique et émotionnel, l’interaction entre les croyances d’efficacité et la réceptivité de l’environnement. (Lecomte, 2004). Il faut être attentif au fait que l’auto-efficacité n’est pas l’estime de soi. Ex : Niveau élevé d’EP (efficacité personnelle) et faible estime de soi : pilote qui largue des bombes sur des civils ; Niveau bas d’EP et haute estime de soi : penser qu’on est un mauvais cuisinier sans nul impact sur notre vie.

impuissance

Quels sont donc les moyens pour renforcer ce sentiment ?

  • Créer et avoir des objectifs SMART comme expliqué plus haut
  • Recevoir des feedbacks de son entourage personnel et professionnel, en sachant que pour compenser un feedback négatif, il est nécessaire d’obtenir 10 feedbacks positifs.
  • Les feedbacks doivent être constructifs. Ce n’est pas une restitution simple des résultats. Il est nécessaire d’appuyer tout ce qui est dit par des faits et avec bienveillance.
  • En entreprise : les processus de promotions et d’augmentation salariale doivent être transparents pour que chacun puisse comprendre comment se comporter. Travailler sur son estime en réalisant des objectifs faciles et moyens et renforcer son sentiment de réussite.

En conclusion, il existe plusieurs façons de lutter contre les baisses de motivation et de performances dans le cadre de professionnel comme personnel. Il est nécessaire dans le cadre professionnel de mettre en place des stratégies établies par les ressources humaines, par le management et pourquoi pas employer un coach spécialisé dans l’organisation du travail ?

Dans la prochaine partie, nous aborderons les optimistes et comment ces personnes régulent leur vision de la vie, leurs actions et comportements.

 

Sources :

Bandura, A. (1994). Self-efficacy. In V. S. Ramachaudran (Ed.), Encyclopedia of human behavior (Vol. 4, pp. 71-81). New York: Academic Press. (Reprinted in H. Friedman , Encyclopedia of mental health. San Diego: Academic Press, 1998).

Lecomte, J., « Les applications du sentiment d'efficacité personnelle », Savoirs, vol. hors-série, no. 5, 2004, pp. 59-90.

Légal, J.-B., et Meyer T., « Lorsque la perte de contrôle d'autrui est... contagieuse : effets de l'amorçage d'un contexte de manque de contrôle sur les performances et les émotions », Bulletin de psychologie, vol. numéro 489, no. 3, 2007, pp. 195-210.

Ric F. L'impuissance acquise (learned helplessness) chez l'être humain : une présentation théorique. In: L'année psychologique. 1996 vol. 96, n°4. pp. 677-702.

Trottier, C., Trudel P., Halliwell, W. R., « Présentation des deux principales théories nord-américaines sur l'optimisme », Staps, vol. 77, no. 3, 2007, pp. 9-28.

 

Photo credit :bspence81 via pixabay.com

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