Maintenant que nous avons établi ce qu’étaient les deux mécanismes de consensus de la blockchain, nous allons nous intéresser à la manière dont cette technologie va impacter le marché de l’emploi de façon générale. Pour ce faire, nous allons étudier une application de la blockchain moins connue que les cryptomonnaies, bien qu’incontournable, les contrats intelligents ou smart contacts.
Les contrats intelligents
« Les contrats intelligents sont des contrats numériques stockés dans une blockchain qui sont automatiquement exécutés lorsque des conditions générales prédéterminées sont remplies. Ils sont généralement utilisés pour automatiser l'exécution d'un accord de sorte que tous les participants puissent être immédiatement certains du résultat, sans intervention d'un intermédiaire ni perte de temps. Ils peuvent également automatiser un flux de travail, déclenchant l'action suivante lorsque les conditions sont remplies. »
Ces contrats sont irréversibles et non modifiables une fois stockés sur une blockchain. Ils opèrent similairement à une machine à café : le fait de remplir une condition, insérer un certain montant dans notre exemple, entraîne immédiatement l’exécution d’une tâche, à savoir délivrer un café.
Pour les férus de mathématiques, ces contrats sont une application concrète d’un algorithme, que l’on peut définir comme étant un ensemble de règles définissant une suite d’instructions. Le but de cette suite est de résoudre un problème ou d’accomplir une tâche.
Des contrats d’une grande complexité peuvent être codés, afin de permettre des interactions variées à clauses contractuelles multiples. Ceci peut être appliqué dans différents secteurs d’emploi, parmi lesquels : la comptabilité, la logistique et les ressources humaines.
La comptabilité
Le concept de blockchain même renvoie clairement à l’activité comptable, à savoir comptabiliser, enregistrer des transactions et garder des comptes. La saisie d’écriture est donc la partie de l’emploi qui sera la plus directement impactée. Les comptables seront, dans un futur proche, amenés à devoir comprendre cette nouvelle technologie, pour pouvoir se « concentrer sur le planning et l’évaluation », selon l’Institute of Chartered Accountants of England and Wales.
Il en découle que les professionnels de la comptabilité devront être formés en informatique. A minima, ils devront avoir la capacité de lire et de comprendre le langage de programmation et, dans certains cas les plus poussés, ils devront être capables de coder eux-mêmes des contrats intelligents.
Il en va de même pour les auditeurs. En effet, selon le livre Comprendre la blockchain : quels impacts pour la comptabilité et ses métiers ? de Olivier Desplebin, Gulliver Lux et Nicolas Petit, l’objet d’audit pourrait bien finir par être, non plus les documents financiers de l’entreprise, mais bien la blockchain développée en son sein.
Les tâches les plus fondamentales du métier sont vraisemblablement vouées à disparaître dans le cas où la blockchain et ses contrats intelligents viendraient à être démocratisés.
La logistique
L’envoi et la réception de biens peut s’avérer une tâche difficile. En effet, les imprévus en termes de traçabilité, de financement, de retards et de responsabilités en cas d’endommagement des produits sont chose courante. La création d’un registre numérique public auquel banques, fournisseurs, transporteurs et clients auraient accès pourrait très bien réduire les problèmes mentionnés. La blockchain pourrait permettre à tous d’avoir accès en temps réel à celui qui détient toutes les informations relatives aux marchandises (transit, état, détenteur provisoire).
Selon un article de l’Harvard Business Review, les institutions financières seraient plus enclines à fournir des fonds aux privés, si elles voyaient en temps réel les commandes de leurs clients.
En plus de cette option de financement plutôt traditionnelle, plusieurs écosystèmes de blockchain possèdent des communautés permettant la levée de fonds en cryptomonnaies par les membres, mais nous verrons cela lorsque nous aborderons le sujet des organisations autonomes décentralisées.
Enfin, la traçabilité sans faille de tous les articles rendrait la vente de contrefaçons pratiquement impossible.
Les Ressources Humaines
Pour ce qui est du processus de recrutement, la blockchain a également son mot à dire. Il serait possible pour les employeurs de vérifier les qualifications des demandeurs d’emploi, en ayant accès aux registres des entreprises et des écoles, certifiant de façon sécurisée la véracité de leurs qualifications.
Il resterait à légiférer au sujet du partage de données. Par ailleurs, l’intelligence artificielle reste probablement la technologie la plus appropriée pour une digitalisation de la fonction de RH.
Le versement de salaire, en revanche, pourrait très bien être révolutionné par les contrats intelligents. En effet, l’accomplissement de certains travaux pourrait être une condition entraînant l’exécution du versement d’une rémunération. La masse salariale pourrait très bien être remplacée par des travailleurs en freelance qui seraient rémunérés à la tâche, plutôt qu’à travers des salaires mensualisés. Sous réserve de légifération en termes d’assurance et de droit du travail, cela pourrait s’avérer extrêmement économique pour les employeurs.
Un nouveau concept : les Organisations Autonomes Décentralisées (OAD)
Il s’agit d’une nouvelle forme d’entreprise. Plutôt que d’avoir des dirigeants, un ensemble de contrats intelligents savamment codés et programmés assure les rôles de managers. Les membres de l’organisation y achètent des tokens (jetons) et leur poids dans l’organisation augmentent en fonction du nombre de tokens en leur possession, sur le modèle de l’actionnariat.
La principale application des OAD réside dans la finance décentralisée. Elles permettent, comme Uniwasp, d’investir, de trader ou d’emprunter directement des fonds auprès des membres de la communauté, en se passant de banques et autres institutions de financement.
D’autres, comme Bitdao, financent des projets de création d'OAD, sous réserve de l’approbation des membres.
Ces organisations rendent donc possibles un grand nombre d’opportunités pour le monde des affaires.
Le risque
Le risque majeur, propre à ces protocoles, est le domaine de la cybersécurité. Les contrats intelligents sont la porte d’entrée des entités malveillantes vers les poches des investisseurs. Le fameux hack d’Ethereum de 2016 a justement été possible à cause d’un contrat imparfaitement codé, ce qui a permis aux hackers de dérober des ethers (monnaie propre à la blockchain Ethereum) pour une valeur de 150 millions de dollars.
Ce vol a entraîné un fork fort, à savoir une séparation de la blockchain en deux entités distinctes : Ethereum et Ethereum Classic. Concrètement, il s’agit de la création d’une deuxième chaîne de blocs correspondant à une sauvegarde antérieure à la date de la cyber-attaque. Cet événement a certes permis aux victimes de récupérer leurs cryptomonnaies, mais il a également causé des questionnements quant à la prétendue immutabilité de la technologie blockchain.
En conclusion
Si l’intérêt pour la blockchain porté par les mondes de la finance et du business continue à grandir, encore plus de secteurs d’activités que nous avons mentionnés pourraient se voir transformés. Ils nécessiteront donc une adaptation, tant de la part des employeurs que des employés. Le système d’éducation global devrait être revu et inclure d’autant plus de formations sur les chaînes de blocs et le développement.
Les métiers cités plus haut ne constituent qu’un aperçu de la réalité apportée par l’univers blockchain. Le gouvernement devrait également adapter et sans doute créer des lois, afin d’assurer le bon fonctionnement légal des opérations commerciales et financières.
Pour ce qui est de la comptabilité particulièrement, le challenge de la légalité demeure. En effet, les échanges sur les plateformes de blockchain permettent aux participants d’outrepasser les systèmes standards de transactions, et la conception de contrats intelligents devrait toujours se faire sous la supervision d’avocats, ceci afin d’assurer qu’ils soient bien en accord avec les lois en vigueur.
Enfin, la cybersécurité reste l’aspect le plus important et le moins négligeable de cette transition numérique.
Du même auteur :
Introduction à la blockchain I : Tout ce qui brille n’est pas or… ou cryptos ?
Introduction à la Blockchain II : Mécanismes de consensus
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