Nous avons rencontré Sophie de Chambrier, présidente du KARCH-GE, antenne genevoise du KARCH (Koordinationsstelle für Amphibien und Reptilienschutz in der Schweiz), afin de faire plus ample connaissance avec son association ainsi qu’avec ses différents projets.
Fondé en 2012, le KARCH-GE a pour but l’amélioration des conditions de vie et le maintien des populations d’amphibiens et de reptiles par divers projets mis en place avec l’aide des membres et des bénévoles.
L’association est composée d’une cinquantaine de membres (non-cotisants) ainsi que de stagiaires.
Le KARCH-GE apporte certaines solutions afin d’enrayer l’évolution négative des amphibiens et reptiles face aux sérieuses menaces dont ces animaux font l’objet. Les amphibiens, vulnérables de par la perméabilité de leur peau, sont très sensibles à la pollution.
Les destructions d’habitat, maladies ainsi que certaines espèces introduites sont autant de facteurs responsables du déclin de nos amis.
Les causes du déclin des amphibiens et reptiles
Depuis 1850, 90% des plans d’eau ont disparu en Suisse; le drainage des sols ainsi que l’assèchement des zones humides pour l’agriculture ou l’urbanisation ont mené à la disparition des milieux naturels de ces espèces et de ce fait, 70% des espèces indigènes d’amphibiens sont actuellement sur liste rouge.
Depuis sa découverte en 1998, la chytridiomycose est responsable du déclin ou de l’extinction d’au moins 200 espèces de grenouilles dans le monde. La chytridiomycose est une maladie infectieuse fatale, spécifique aux amphibiens et provoquée par le champignon aquatique Batrachochytrium dendrobatidis. En suisse, une première hécatombe chez le crapaud accoucheur a pu être observée en 2010 dans le canton de Lucerne
Une autre menace, non moins présente et causée une fois encore par l’Homme, pèse sur les reptiles et amphibiens : les espèces invasives. Souvent amenées par l’homme, ces espèces non indigènes nuisent à un équilibre écologique déjà bien fragile.
Prenons comme exemple le triton carnifex (triton crêté italien), espèce vivant dans le sud des alpes. Amenée à Genève par l’homme, elle a totalement supplanté le triton indigène cristatus.
D’autres espèces invasives, telles que la tortue de Floride, se sont retrouvées dans la nature après avoir été relâchées par leurs propriétaires, ceux-ci pensant que leur animal serait plus heureux dans son environnement. Une idée à bannir totalement. Dans ce cas précis, cela crée une compétition entre cette espèce et la cistude d’Europe pour l’alimentation et les bains de soleil. A terme, les conséquences peuvent être dramatiques sur les populations de cistude qui avaient déjà quasiment disparu de Suisse. La cistude se trouve aujourd’hui en danger critique d’extinction.
Projets pour augmenter les populations
Le KARCH-GE a mis en place plusieurs projets afin d’augmenter les populations d’amphibiens et de reptiles.
La méthode de barrières et seaux, mise en place il y a déjà plusieurs années sur certaines routes de campagne, est utilisée pendant la période de migration printanière des amphibiens et consiste à placer des barrières le long des routes et à enterrer des seaux dans lesquels atterriront les tritons, grenouilles et autres crapauds.
Le lendemain, ceux-ci sont amenés de l’autre côté de la route par les bénévoles.
Ce procédé a permis de réduire la mortalité des amphibiens sur la route, mais ne peut être que temporaire. Des solutions de franchissement plus durables, telles que des crapauducs sont nécessaires.
Petit frère du « 1001 étangs » du KARCH Suisse, un très beau projet, « 101 étangs », vise à installer gratuitement des plans d’eau de différentes tailles, sur une durée de 3 ans, chez les particuliers, les communes, et les entreprises dans le but de créer des environnements favorables aux amphibiens.
Le KARCH-GE offre le matériel, la mise en place, quelques plantes indigènes oxygénantes et demande en contrepartie de ne pas introduire de poissons, les amphibiens faisant partie du régime alimentaire de nombreuses espèces de poissons. Les bénévoles sont les bienvenus et aucune formation spécifique n’est nécessaire pour ce projet.
Si vous possédez un jardin et souhaitez contribuer au bien-être de nos amphibiens, vous pouvez contacter le KARCH-GE qui viendra avec plaisir vous installer un de ces étangs.
Le KARCH-GE s’occupe également de sensibiliser les professionnels de terrain, comme la voirie ou les graviéristes. Ces derniers témoignent souvent de la présence d’amphibiens sur leurs sites, comme le crapaud calamite, ou de reptiles, qui y ont trouvé un habitat secondaire très confortable.
L’association collabore également avec l’agriculture, où une mise en œuvre de protection des amphibiens est prévue à l’échelle cantonale, avec la création de plans d’eau.
Comment leur venir en aide
Outre les possibilités de participer aux activités de sauvetage sur les sites de migration au printemps afin de permettre aux amphibiens de se rendre dans leurs quartiers d’été ou leurs sites de reproduction, diverses actions sont possibles par chacun de nous afin de permettre aux amphibiens et reptiles d’augmenter leur espérance de vie :
- Ne jamais déplacer ou prélever ces animaux dans la nature. Au-delà du fait que c’est interdit par la loi, ces animaux sont adaptés à l’environnement qu’ils ont choisi. Les déplacer leur causerait un stress important et peut engendrer la transmission de maladies.
- Si vous trouvez un animal blessé, veuillez en informer le KARCH-GE
- Ne jamais relâcher un animal de compagnie (quelle que soit son espèce) dans la nature. Il n’a aucune connaissance de la vie sauvage et ne survivra pas la plupart du temps. Dans le cas contraire, les effets sur les populations indigènes peuvent être dramatiques, comme nous avons pu le voir.
- L’éducation des enfants, mais également des adultes, au respect de la nature et à la protection des espèces en voie de disparition est primordiale. Des activités nature sont proposées par des associations telles que Pro Natura et les naturalistes romands et le KARCH met en ligne des documents et du matériel pédagogique pour tout âge
- Être attentif lors de passages en voiture sur les routes de campagne. Nos petits amis n’ont souvent pas d’autre possibilité que d’emprunter la même route que nous pour rejoindre un point d’eau.
- Pour celles et ceux qui sont intéressés, le KARCH-GE propose des cours d’herpétologie à des tarifs très raisonnables.
- Enfin, si vous manquez de temps pour du bénévolat, n’hésitez pas, dans la mesure du possible, à soutenir financièrement les projets du KARCH-GE.
Si chacun y met un peu du sien, en adoptant un comportement responsable, tous les acteurs de cette planète pourront cohabiter dans des conditions plus équitables.
Portrait de Sophie de Chambrier
Après une formation en biologie à Genève, Sophie de Chambrier a effectué un travail de master sur les mécanismes de spéciation des poissons de la région des Guyanes. Elle a ensuite travaillé dans la gestion d’entreprise avant de commencer en tant que bénévole avec les personnes avec qui elle a monté en 2012 l’antenne KARCH Genève. Parallèlement, elle a travaillé au sein de Pro Natura Genève en tant que coordinatrice de l’éducation à l’environnement et s’occupe actuellement des questions environnementales liées à l’implantation d’éoliennes pour la production d’une énergie renouvelable.
Source : L’équipe KARCH-GE; Lézard vert.
Photo crédit : Etienne Jacquemet; Sophie de Chambrier