Il y a peu de temps, nous nous posions la question du niveau de l'employabilité au sein des banques privées suisses. Pouvons-nous vraiment parler de paradoxe au sein de ce secteur? Et bien la réponse est clairement négative...
La banque ne subit pas une transformation, mais une "normalisation". La différence? Depuis la tombée du secret bancaire, la Suisse doit offrir d'autres services afin d'être attractive. Le mot d'ordre: la compétitivité. La qualité principale exigée: l'agilité.
Partant de cette base très générale, il serait intéressant de se pencher sur trois aspects:
Les futurs banquiers, les banquiers et les ex banquiers!
Pour mieux comprendre la situation, il faut d'abord se dire que, comme dans tout système, la banque comprend une échelle hiérarchique. Dans le passé, nous pouvions trouver des généralistes et ce, à presque tous les niveaux. Aujourd'hui, les choses ont changé! Nous pourrions comparer cela au taylorisme. Dans les grandes lignes, nous l’expliquons comme suit: la banque a besoin de deux généralistes pourvus d’une vue globale, un à chaque extrémité de l'échelle hiérarchique. Tous les employés entre le premier généraliste et le second doivent être des spécialistes. Ils seront chargés d’exécuter des tâches précises (pensées en général par le spécialiste du haut de l’échelle hiérarchique) et c'est exactement en cela que la banque rejoint un des plus grand courant économique du XXème siècle.
Revenons à présent à notre “faux paradoxe”. Si la banque licencie, pourquoi engage-t-elle aussi?
Comme nous l’avons vu, la banque se transforme, et donc inéluctablement sa manière de faire aussi. Il y a peu, un bon gestionnaire devait avoir en plus de ses connaissances accrues dans le domaine, un sens du relationnel très prononcé. La banque privée helvétique n’avait nul besoin d’être compétitive, étant donné les prestations « extraordinaires » (notamment au niveau fiscal) qu’elle proposait. Aujourd’hui, les compétences requises sont tout autres.
La banque privée licencie? Pas vraiment!
Elle ne remplace certes pas tous ceux qui partent et elle engage si possible des employés moins chers et immédiatement opérationnels, mais elle s’efforce encore de ne pas procéder à des licenciements collectifs.
Nous retrouvons donc quatre profils-types du banquier/gestionnaire/private banker/conseiller à la clientèle ou Relationship manager, selon l'année dans laquelle nous sommes, tant l’appellation des postes a changé depuis 2007. Pour ceux-là, tous se trouvent en milieu de carrière et ont donc entre 40 et 50 ans.
Le premier profil est celui qui quitte le secteur de la banque volontairement (car il en a fait le tour). En général, il n’accepte que très difficilement ce “retour à la normale” du domaine qu’il avait choisi 20 ans plut tôt et qui brillait par son prestige depuis les années 70. Il quitte la banque, mais il a deux deuils à faire, celui des ses aspirations personnelles et celui de son niveau de vie matériel.
Le second profil choisit (il en a la possibilité) de rester dans le milieu bancaire à un niveau de fonction identique, sachant qu’il doit sacrifier plus ou moins le tiers de son salaire, pour une masse de travail tout à fait identique. Son deuil à lui sera purement et simplement matériel.
Le troisième profil, lui aussi reste, mais va devoir impérativement passer par une remise à niveau… Il faut pour ce faire, dans la majorité des cas, passer des tests, afin de voir quelles compétences il pourra réutiliser de façon transversale. Son deuil sera celui du salaire, mais aussi des compétences.
Enfin, la quatrième catégorie englobe ceux qui veulent vraiment rester dans la banque, mais qui n’en ont de loin pas les compétences. Ces derniers seront touchés par un deuil complet et devront se diriger vers une réorientation professionnelle.
Nous sommes aujourd’hui face à une césure parmi les états d’esprit des employés, selon leurs tranches d’âge : ceux qui ont commencé lorsque le secteur des banques était prospère, et ceux qui commencent alors que celui-ci reprend un cours normal. Les premiers ont du mal à accepter ceux qui arrivent, les seconds savent tout-à-fait ce qui les attend et n'en sont pas autant gênés.
Qu’on se le dise, et qu’on se rassure. La banque n’est pas en crise, la banque est un secteur comme un autre qui doit s’adapter. Un banquier qui désire rester dans le secteur prendra environ 12 mois pour se remettre à jour, et il redeviendra tout aussi rentable que son collègue de droite ou de gauche... Cette formation est nécessaire, et ce, à cause de l'hyperspécialisation exigée. Pour ceux qui veulent sortir du milieu, après s’être fait à l’idée, il n’y a rien de plus simple. Les compétences acquises jusque là sont telles qu’il faut apprendre à les remanier pour un autre emploi.
Prenons l'exemple concret d'une assistante de gestion. Ses compétences sont en général connues et appréciées par tous. Bonne gestion du stress, organisation irréprochable, éducation adéquate, connaissances linguistiques développées… Le milieu bancaire n’est pas le seul à chercher ce genre de profil, tous les domaines liés au luxe aussi, parmi beaucoup d'autres.
Le vrai challenge aujourd’hui pour la banque privée suisse est d’être compétitive au niveau européen. Pour cela, il faut pouvoir gérer la pression actionariale en plus de la pression des banques concurrentes. Comme dans les autres secteurs en somme. La banque présente donc encore beaucoup d’opportunités à saisir. Il faut peut-être mettre de côté l’image que tout le monde avaient des banque privées suisses et les voir comme un secteur comme les autres qui doit faire preuve d'agilité, et qui doit savoir agir et réagir en fonction de ses voisins, afin de toujours rester dans la compétition européenne.
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