La comptabilité, souvent perçue comme une discipline rigide et austère, réserve parfois des surprises inattendues. À travers le regard et les témoignages de femmes exerçant dans ce domaine, nous découvrons la richesse insoupçonnée de cette profession. Dans cette première partie, nous nous penchons sur les multiples facettes du métier de comptable et sur l'importance des relations humaines dans cette activité plurielle.
Un métier aux multiples facettes
Christelle Deshusses directrice adjointe chez la fiduciaire Efid depuis 3 ans témoigne de la variété du métier :
« J'ai trouvé mon coup de cœur professionnel dans ce métier très varié où chaque jour est imprévisible. J'arrive le matin avec un plan en tête, mais il arrive fréquemment que ma journée prenne une direction totalement différente », entre le téléphone, le rendez-vous et les clients imprévus. « Je pense que c'est le bon côté du métier. » « C’est une petite entreprise où la vie de famille est préservée, nous sommes six et formons des apprentis. Pour autant, Notre clientèle est très variée et apprécie notre proximité grâce à notre petite structure. »
« Nous avons une variété de clients, allant du notaire au plombier, à une personne qui tient une blanchisserie, en passant par les physiothérapeutes. Nous sommes des partenaires pour ces personnes-là, on facilite leur business. », explique Christelle Deshusses, pour qui la comptabilité est bien plus qu'une simple saisie de chiffres. Elle la compare à la médecine généraliste, car elle couvre un éventail de domaines allant des contrats de travail aux questions juridiques, de la comptabilité à la fiscalité. Cette diversité exige des compétences variées et la capacité d'orienter les clients vers des spécialistes lorsque cela est nécessaire.
« Pour moi, la comptabilité est un outil de pilotage », nous confie Audrey Zawieja, fondatrice de la fiduciaire Ypsom.
Le rôle de la comptabilité ne se limite pas à la saisie de chiffres. Elle s'étend à l'accompagnement et au conseil des clients, devenant ainsi un outil de pilotage pour les dirigeants d'entreprises qui cherchent à prendre des décisions éclairées. Pour cela, il faut acquérir une certaine expérience, et une fois la technique maîtrisée, saisir les opportunités qui permettront d’expérimenter les facettes importantes du métier.
Le relationnel, un atout essentiel
Contrairement à l’idée préconçue du comptable solitaire derrière son ordinateur, la dimension relationnelle est un aspect passionnant du métier.
Pour Audrey Zawieja, rencontrer des gens et des entreprises tellement différentes est une source d'enrichissement. Shukrane, comptable junior, nous explique : « On est toujours en contact avec les clients, parce qu'on a besoin d'eux pour pouvoir avancer. J’essaie de leur apporter un peu de « fun » dans tout ce langage comptable, d'avoir un lien à part, comme par exemple glisser un petit « smiley » à la fin de mes e-mails. Christelle Deshusses souligne également l’importance du contact client dans leur entreprise : « Nous encourageons nos apprentis à développer leurs compétences en communication avec les clients dès le début de leur carrière. Je pense que c'est important, non seulement pour leur faire apprécier le métier, mais aussi parce qu’il faut pouvoir s'appuyer sur les autres. Toutefois le comptable en entreprise a du contact en interne. »
« En tant que nouveau diplômé en comptabilité, on n’a pas conscience de la dualité entre le monde comptable en entreprise et en fiduciaire. Toutefois, il est essentiel de comprendre les deux univers et de découvrir dans lequel on aspire à travailler », conseille Corinne Dumonthay, directrice du Groupe Bonnefous, où elle a créé, puis dirigé pendant près de 20 ans le département audit. Corinne est aujourd’hui directrice du département de comptabilité.
Christelle Deshusses conseille également aux débutants en comptabilité de ne pas se fixer sur un métier en particulier au départ, mais d’explorer les différentes options, telles que la comptabilité en entreprise, en fiduciaire, en tant qu’indépendant, ou même au sein de grandes multinationales, ou encore comme eux, dans une petite fiduciaire PME : « Trouvez ce qui vous plaît, car les métiers de comptables sont variés et ne restez pas coincé dans un poste qui ne vous convient pas. »
Des rencontres déterminantes pour la carrière
Dans la comptabilité, les rencontres sont déterminantes pour évoluer et avancer dans sa carrière nous explique Christelle Deshusses.
« Je pense qu'il n'y a pas « une » meilleure voie, mais celle qui vous convient. Dans mon expérience en comptabilité, ce sont les rencontres plus que les entreprises qui ont façonné mon parcours. Mon précédent employeur, Pierre-André Chapatte, m'a fait confiance malgré mon manque d'expérience, six ans de pause professionnelle et deux jeunes enfants. C'est quelqu'un qui a envie d'aider les jeunes et aujourd'hui notre relation dépasse le cadre professionnel. ».
Vanessa, aide-comptable au sein d'une fiduciaire, évoque avec émotion sa première patronne, Françoise Sapin. « Au début de ma carrière, lorsque je n'avais pas d'expérience, elle m'a accordé sa confiance. Elle m'a soutenue et guidée, prenant de son temps pour m'expliquer les subtilités du métier. Elle m'a confié des tâches complexes. Grâce à cette initiation, j’ai pu gagner rapidement en autonomie. »
Corinne Dumonthay se souvient également des rencontres déterminantes qu’elle a faites :
« En début de carrière, j'ai eu la chance d'intégrer une entreprise dans laquelle deux de mes chefs m'ont encouragée et orientée dans la bonne direction. Même après avoir changé de poste, ces six premières années de travail ont été déterminantes pour l'obtention de mon diplôme d'expert-comptable. C'est formidable lorsqu’on croise des personnes qui renforcent votre confiance dans la voie que vous avez décidé de suivre. On essaie ensuite de reproduire cette attitude ».
Collaboration et complémentarité entre les acteurs du monde comptable
La collaboration est une valeur fondamentale dans le domaine comptable. Les fiduciaires collaborent souvent, chacune apportant son expertise unique pour offrir un service complet aux clients. Les comptables d'entreprise travaillent également en étroite collaboration avec des fiduciaires, lorsque des situations complexes dépassent leurs compétences.
Dominique Moser exerce son métier en tant qu’indépendante, car elle a envie de donner un service unique et sur mesure. Elle nous explique : « J'ai une activité indépendante. Cependant, on échange et partage beaucoup avec les autres acteurs du domaine, notamment avec l’une des plus grands fiduciaires, avec laquelle je partage des bureaux. Je gère la comptabilité complète de la plupart des PME. Toutefois, pour celles nécessitant des révisions, je fais appel à des fiduciaires. »
Tamara, aide-comptable au sein d’une entreprise nous confirme que la collaboration est fondamentale : « Je gère la comptabilité interne de l'entreprise, mais nous faisons appel à un expert-comptable externe d’une fiduciaire pour une partie de celle-ci. Il examine nos comptes à la fin de l'année et gère la déclaration d'impôts de l'entreprise. C'est important, car je ne suis ni expert-comptable, ni comptable, et je ne peux donc pas assumer cette responsabilité dans sa totalité. »
Audrey Zawieja, quant à elle, explique le rôle fondamental de la coopération au sein de la comptabilité : « Lorsque j'ai fondé Ypsom, je me suis associée avec deux personnes. Pour moi, l'association est indispensable pour rassurer les clients et élargir notre clientèle. L'un de mes associés fait de l'audit, tandis que moi, je suis spécialiste dans d'autres domaines. C'est donc un pôle de compétences qui constitue aujourd’hui cette association.
Christelle Deshusses corrobore le fait que la collaboration enrichit le travail des comptables : « Chez Efid, nous collaborons parfois avec M. Pierre-André Chapatte, mon ancien employeur. C’est enrichissant, car nous tirons profit de ses quarante années d'expérience, tandis que nous apportons la digitalisation d’une jeune entreprise très dynamique. »
L'ère de la digitalisation
Les avancées technologiques transforment le domaine comptable. La numérisation des processus est en cours, et les entreprises du secteur s'efforcent de rester à la pointe de la technologie. Cette transition vers le numérique vise à optimiser les opérations comptables, mais elle ne remplace pas la nécessité d'experts en comptabilité. Au contraire, elle renforce leur rôle en les libérant de tâches répétitives pour se concentrer sur l'analyse et la prise de décision. Les deux directrices, ainsi que la fondatrice d'Ypsom, ont indiqué qu'elles poursuivent ce processus de digitalisation au sein de leur entreprise.
Christelle Deshusses confirme que la digitalisation est un défi crucial dans leur métier :
« Notre entreprise vise à renforcer le développement numérique. Nous travaillons en partenariat avec la plateforme GeniusCount pour aider les fiduciaires et les entreprises à se digitaliser en comptabilité. Nous, nous sommes déjà digitalisés. »
Formation en continu
L'intelligence artificielle et l'automatisation gagnent du terrain, modifiant le paysage comptable. Il est crucial de se former continuellement pour rester pertinent sur le marché du travail. Les compétences analytiques et la capacité à comprendre et à interpréter les données deviennent essentielles.
En effet, Audrey Zawieja conseille : « d’aller plus loin dans ses études en comptabilité, car le métier d’assistant ou simple comptable est voué à disparaître avec l'intelligence artificielle. ça en strate, la saisie comptable c'est une strate, notre profession est riche en divers aspects ».
Christelle Deshusses encourage également à aller plus loin dans ses études en comptabilité : « En dix ans, j’ai vu le numérique transformer nos outils et méthodes de travail. Bien que la base du métier, la comptabilité, reste la même, la manière de le pratiquer change. La formation continue est primordiale pour rester compétitif, en particulier avec l'avènement de l'intelligence artificielle qui menace le métier d’aide-comptable. Il est essentiel de rester intéressé par l'évolution technologique, y compris le codage, qui va rendre le métier encore plus varié.
Nous formons d’ailleurs nos apprentis à l'aspect analytique du métier pour aider les clients et proposer des solutions, au lieu de se limiter à la saisie, qui peut être automatisée.
La formation est essentielle dans ce métier. Je me prépare pour le Diplôme fédéral d’expert-fiduciaire. Même après l'obtention du diplôme, je continuerai à me former, en participant à des congrès et à des activités formatrices ».
Corinne Dumonthay conseille également d’étendre son savoir, parce qu’on peut débuter dans la comptabilité avec une formation de base, mais l'obtention d'un diplôme de comptable ou d'autres diplômes plus avancés est recommandée, afin d’ouvrir l'esprit sur toutes les facettes qui constituent ce métier.
La comptabilité, racontée par ces femmes inspirantes, se révèle être un métier bien plus varié et riche en relations humaines que ne le laissent penser les idées préconçues. Il évolue avec l'essor du numérique et demande aux professionnels de se former en continu pour rester pertinents. Les femmes de ce secteur nous rappellent que la comptabilité, au-delà des chiffres, est un monde où la diversité des compétences et des relations humaines façonne une profession en constante mutation.
Lectures complémentaires :
Le comptable : un équilibre universel grâce aux chiffres
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