Après nous être penché sur les multiples facettes du métier de comptable et sur l'importance des relations humaines dans cette activité plurielle, lors de notre premier article, nous consacrons cette deuxième partie aux rôles des femmes manager, ainsi qu’à celles qui travaillent dans le secteur de l’audit.
Les femmes dans le domaine de l’audit et du management
La Suisse connaît une augmentation du nombre de femmes dans le domaine de l'audit. Selon les données d'Expertsuisse, elles représentent environ 40% des professionnels de l'audit et des experts fiscaux. Cette évolution est le fruit de la vision de pionnières, telles que Corinne Dumonthay, qui a débuté sa carrière en 1989 dans une société fiduciaire suisse, devenue PricewaterhouseCoopers (PwC), un cabinet d'audit mondial. Ce cabinet a été précurseur en embauche de femmes auditeurs et a imposé cela aux clients de la société, à une époque où les postes de direction étaient exclusivement occupés par des hommes.
Corinne, directrice du département comptable au sein de la fiduciaire Bonnefous, nous explique que les responsabilités de l’auditeur lui donne non seulement une vision globale, mais revêtent également un aspect juridique : « Lorsque vous êtes auditeur, vous êtes l’organe d'une société. Vos responsabilités sont donc plus grandes que si vous êtes mandataire. Le domaine d’audit allie des aspects juridiques, fiscaux et comptables. »
Par ailleurs, dans le domaine de l’audit, le comptable se montre également pourvoyeur de solutions et de recommandations : « J’ai toujours trouvé intéressant de contrôler les états financiers pour garantir la conformité aux réglementations. Mais il s'agit aussi d’aider les entreprises à améliorer leurs processus, à mieux comprendre leur environnement et à renforcer leurs contrôles internes. Nous apportons une valeur ajoutée en identifiant les problèmes potentiels et en proposant des recommandations pour les résoudre. Dans ma nouvelle fonction de directrice du département de comptabilité, l’ADN de l'auditeur en moi enrichit notre gestion du département comptable en apportant des perspectives intéressantes. »
Audrey Zawieja, fondatrice de la fiduciaire Ypsom, partage son expérience de manager : « J'ai eu diverses expériences professionnelles dans la fiduciaire. Parfois, des clients dirigeants manifestaient une légère réticence, s'attendant à voir un homme, mais cela n’était pas la norme Il y a eu des cas où j'ai dû redoubler d'efforts pour prouver mon excellence, mais j'aime les défis et je les vois comme des opportunités. Au final, je suis chanceuse d'aimer mon travail et de vouloir bien le faire. »
Corinne Dumonthay explique qu’elle n’a jamais envisagé de renoncer, malgré parfois quelques difficultés rencontrées en tant que femme : « Mes supérieurs, principalement des hommes à l’époque, m'ont toujours soutenue. Parfois, certains clients semblaient réticents à l’idée de collaborer avec une femme, mais nous gérions ces situations. C'était même amusant, lorsque la personne revenait poser sa question au chef, mais que celui-ci le renvoyait vers moi pour y répondre. »
Selon Expertsuisse, le nombre de femmes participant à des formations d'expert-comptable ou fiscal a connu une augmentation au fil des années, passant de 3% en 1982 à 36% en 2021. Toutefois, la parité homme-femme n'a pas encore été atteinte. Corinne Dumonthay souligne que lorsqu’elle suit des cours, elle constate que, même après vingt ans, la proportion de femmes reste d'environ 30 %.
Management collaboratif
Au-delà de la question homme-femme, Corinne soutient une philosophie de gestion axée sur la solidarité et la collaboration : « Dans notre entreprise, lorsque des problèmes surviennent, d’emblée nous ne blâmons personne, mais nous cherchons à comprendre et de résoudre le problème ensemble, tout en écoutant nos clients. Cela crée une atmosphère de soutien mutuel et de collaboration. C'est ce que j'ai vécu depuis le début de ma carrière et c'est une conviction qui m'a toujours guidée. »
Audrey Zawieja partage une philosophie de management similaire : « Ma philosophie de management repose sur la collaboration et l'absence de hiérarchie stricte. Pour moi, nous formons une équipe, nous prenons du plaisir à travailler et lorsque le travail s'intensifie, nous nous investissons pleinement pour accomplir nos tâches ».
Elle ajoute : « Quand j'ai rejoint KPMG, ma façon de manager différait de la norme. J’avais des collaborateurs qui venaient souvent dans mon bureau pour discuter et j’ai continué à partager mon bureau avec un membre senior de mon équipe. C'est grâce à ceux qui remettent en question certaines normes préétablies que les choses évoluent positivement. »
Évolution dans le secteur
Corinne Dumonthay nous explique que les mentalités évoluent et que les postes à responsabilités sont maintenant également occupés par des femmes, même si la parité n’est pas encore atteinte.
« La plupart des postes de comptables, juniors ou seniors, sont occupés majoritairement par des femmes alors que, dans le domaine de l'audit, les hommes prédominent aux postes de direction.
Toutefois, je pense que maintenant cela tend à s’atténuer. Cela s'explique en partie par l’évolution des mentalités et la vision différente amenée par la jeune génération. J'espère que cette tendance se poursuivra, car ce qui importe réellement, ce sont les compétences, la manière de les mettre en œuvre et la manière dont nous nous comportons avec nos collègues et clients.
En tant que Manager, je ne souhaite pas trop formaliser les choses, pour favoriser la diversité. En effet, si nous formatons trop les personnes, nous finissons toujours par obtenir les mêmes résultats. Il est important d'encourager la réflexion sur de nouvelles approches et de favoriser la diversité dans la manière de travailler et de penser, afin que notre environnement professionnel soit stimulant et propice aux échanges. »
En définitive, les comptables que nous avons interviewées ont des objectifs de carrière variés. Shukran Gjemali, aide-comptable, souhaite transmettre sa passion pour la comptabilité en devenant formatrice. Une autre comptable travaillant dans une banque n’est pas intéressée par un poste à responsabilité. Sa patronne est plus jeune qu’elle, mais cela ne lui pose aucun problème et elle est épanouie dans son rôle. Les comptables juniors Vanessa Benitez et Déborah Carletti aspirent à fonder leurs propres fiduciaires, mettant en avant leur désir d'acquérir davantage d'expérience et de compétences.
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