La revue scientifique Nature dévoile les résultats d’une enquête prouvant que l’origine ethnique et le sexe des candidats occupent une place importante dans le processus de recrutement en ligne, et notamment concernant le discrimination.
Une étude menée à grande échelle
Soutenus par le Fonds national suisse (FNS), des scientifiques de l’Ecole Polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) ont analysé les données anonymisées de job-room.ch, plateforme gérée par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) qui réunit la grande majorité des personnes inscrites au chômage en Suisse. Durant 10 mois, ils ont épluché quelque 453’000 recherches et observé le recrutement de 3 millions de demandeurs d’emploi.
En analysant le comportement des recruteurs sur les sites d’emploi dans leur processus de sélection, ils ont appliqué une méthodologie qui diffère des enquêtes habituelles sur la discrimination qui consistent notamment à envoyer de faux CV aux recruteurs.
L’Asie, l’Afrique subsaharienne et les Balkans largement touchés
Cette enquête révèle une triste réalité. En moyenne, un candidat d’origine étrangère est dans 6,5% des cas moins souvent contacté pour un entretien d’embauche qu’un ressortissant suisse. Les chiffres s’envolent quand il s’agit de candidat originaire d’un pays asiatique (18,5%), d’un pays de l’Afrique subsaharienne (17,1%) ou des Balkans (13,5%). Une région semble ne pas être touchée par le phénomène, l’Europe du Sud.
Le politologue Dominik Hangartner, coauteur de l’étude, a souligné que : « La discrimination ethnique peut représenter un handicap plus grand que le fait de ne pas avoir d’expérience professionnelle. Cela signifie que, selon les pays d’où elles sont originaires, les personnes ne peuvent même pas espérer compenser leur désavantage ethnique par un parcours professionnel plus riche. »
Discrimination : Une pratique inconsciente
Grâce à la méthode d’analyse des résultats, l’étude a renforcé l’hypothèse d’une discrimination inconsciente. En effet, les recruteurs auraient tendance à accorder moins de temps à l’ensemble des dossiers en fin de matinée ou de journée, moments durant lesquels les profils étrangers sont davantage discriminés. L’enquête atteste ainsi que, lorsque la fatigue se fait ressentir, les préjugés et stéréotypes prennent le pas dans le processus de sélection.
Concernant la discrimination liée au genre, les métiers particulièrement stéréotypés souffrent encore d’un recrutement orienté selon le sexe du candidat. Ainsi les recruteurs retiennent 12,6% de profils masculins en moins pour les emplois considérés comme féminins (les crèches ou les soins à la personne sont donnés comme exemples), et 6,7% de profils féminins en moins pour les postes masculins (comme les métiers de la construction ou de la sylviculture).
Une solution simple
Les auteurs de l’enquête proposent de réviser la présentation des dossiers sur les plateformes de recrutement. En favorisant une présentation qui met davantage en lumière le niveau de qualifications et l’expérience, plutôt que le sexe ou l’origine, les recruteurs seront plus à même de sélectionner les meilleurs candidats pour les entreprises.
Lectures complémentaires :
Marché du travail : quel avenir pour les « seniors » ? par Marisol Cambon
La gestion des ressources humaines et le handicap par Muriel Winkler
Sources :
http://www.snf.ch/fr/pointrecherche/newsroom/Pages/news-210120-communique-de-presse-acces-inegal-a-emploi.aspx
https://www.nature.com/articles/s41586-020-03136-0
https://www.letemps.ch/economie/discriminations-ethniques-lembauche-mises-nu
https://www.lematin.ch/story/la-discrimination-existe-aussi-dans-le-recrutement-en-ligne-720573469168
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