Retour d’expérience d’Eric Deladoëy, Responsable PMO d’entreprise
Après avoir rencontré le responsable PMO de l’Office fédéral des transports (OFT), il nous semblait intéressant de poursuivre l’exploration de ce secteur – les transports – en prenant un point de vue cantonal.
Les Transports publics genevois (tpg) sont un établissement autonome de droit public cantonal. Cela signifie qu’une partie de ses activités est financée par le Canton de Genève et la Confédération. L’Etat de Genève lui délègue une mission de service public.
La Loi sur les Transports publics genevois (entrée en vigueur le 1er novembre 1976) indique que « les tpg (…) ont pour but, dans le cadre d’un contrat de prestations conclu avec l’Etat, de mettre à la disposition de la population du canton de Genève un réseau de communications, exploitées régulièrement, pour le transport des voyageurs et de pratiquer une politique tarifaire incitative. » |
Eric Deladoëy est le Responsable PMO d’Entreprise (Project Management Office) des tpg. Issu du secteur privé, il a un profil clairement orienté gestion de projet, puisqu’il a commencé à exercer cette fonction dans le secteur des assurances et dispose d’un brevet fédéral en gestion de projets.
Il a intégré les tpg en 2016 en tant que responsable d’un portefeuille de projets et de la gestion de projets, avec trois objectifs distincts :
- Aligner les projets avec la stratégie d’entreprise,
- Soutenir les chefs de projet dans la mise en place et la réalisation des projets,
- Faire valider les projets auprès de la cellule de la direction.
Il est également président de l’association PMO Romand qui réunit tous les responsables PMO de la Suisse romande.
Etat des lieux de la gestion de projets au sein des tpg
-
La gestion de projet dans l’organisation des tpg
Les tpg sont organisés en structure fonctionnelle, par domaine d’activités. C’est en effet l’opérationnel (le « run ») qui prime.
On distingue généralement trois grands types d’organisation :
- L’organisation fonctionnelle, dite « classique » ou « en silo », implique un rattachement fonctionnel des employés à leur responsable hiérarchique, lui-même responsable d’une unité ou d’un domaine d’activités (RH, comptabilité, marketing, production, logistique…)
- L’organisation matricielle ajoute un niveau hiérarchique puisque les équipes sont rattachées à leur responsable fonctionnel, mais elles sont également tenues de rendre des comptes à un ou plusieurs chefs de projets.
- L’organisation par projet implique que les employés sont rattachés directement à une ou plusieurs équipes projet, alors que seules certaines activités dites « de processus » conservent un fonctionnement plus traditionnel ; cela vaut surtout pour les entreprises innovantes et qui ont besoin d’une grande forme d’agilité. |
La gestion de projets est rattachée à la Direction générale, ce qui permet d’avoir une vision transverse des sujets.
-
Les types d’opération gérées en mode projet aux tpg
Les projets suivis par le portefeuille de projets d’Eric Deladoëy ont lieu dans tous types de domaines, relatifs aux opérations ou à l’interne :
- Exploitation : innovations, recherche et développement… Ces projets fonctionnent principalement grâce à un financement externe (notamment l’Union européenne). Ils sont menés par des équipes de chefs de projets à plein temps qui travaillent avec des prestataires externes.
- Développement de réseau : création de nouvelles lignes, construction d’un nouvel arrêt …
- Construction : rénovation de bâtiments, construction d’un nouveau dépôt, rénovation du siège…
- Règlementaire : normalisations imposées par l’OFT…
- Technologique : lié aux RH, à la vente, aux finances…
- Organisationnel : nouvelle politique documentaire ou législative…
Certaines activités, qui ne sont pas suivies par le portefeuille de projets mais par l’opérationnel, intègrent également un fonctionnement en « mode projet » avec début/fin/équipe dédiée/budget spécifique/gestion des risques, etc. Eric Deladoëy donne l’exemple de « L’Etape » qui a lieu chaque année à la mi-décembre, et au cours de laquelle les horaires de l’année suivante sont mis en œuvre pour toutes les entreprises de transports publics.
Pour rappel : l’organisme américain PMI (Project Management Institute) définit un projet comme « une entreprise temporaire initiée dans le but de fournir un produit, un service ou un résultat unique ». Cette définition implique qu’un certain nombre de paramètres (coûts, ressources, planning, qualité, risques…) soit encadré et suivi minutieusement pour empêcher tout dépassement, en vue d’une finalité précise : le produit, service ou résultat engendré par le projet. |
-
La méthode de gestion de projet utilisée dans le cadre du suivi du portefeuille de projets des tpg
Pour les projets dont il assure le suivi, Eric Deladoëy a mis au point une méthode spécifique à partir d’éléments puisés au Project Management Institute, chez HERMES ou dans sa propre expérience professionnelle.
Le degré d’agilité aux tpg est relativement faible et se cantonne à des projets spécifiques comme les projets informatiques.
Ressources humaines et travail en mode projet au sein des tpg
A son arrivée au sein des tpg, la gestion de projet a pu être considérée comme quelque chose de contraignant et de trop administratif. Tout le travail sur la méthode et les outils mené par Eric Deladoëy l’a été dans une volonté de simplification et d’accessibilité au plus grand nombre.
Aujourd’hui, selon Eric Deladoëy, 15 à 20% des ressources humaines (hors conduite et Technique) travaillent en « mode projet ». La conduite de projet se fait par deux types de profil :
- Les chefs de projet « métier » qui ne travaillent qu’en mode projet,
- Les chefs de projet « milice » qui peuvent basculer en mode projet, en fonction des sujets qu’on leur demande de traiter.
Pour les recrutements, aucune certification spécifique n’est attendue, mais c’est plutôt, ici encore, sur l’expérience que l’on met l’accent.
Projets et efficacité des tpg
De par la nature de leur mission de service public, les tpg réalisent des projets dont la rentabilité économique n’est pas la finalité. Dans ce contexte, la gestion de projet offre un cadre qui permet a minima de :
- Garantir la tenue des délais, notamment lorsque le projet concerne la mise en place d’obligations légales, telles que la prise en charge d’abonnements, par exemple.
- Réduire le risque de dépassement, par exemple en termes de budget, de qualité ou de ressources, en préparant ces sujets en amont du lancement.
Les challenges actuels du PMO des tpg
Le principal challenge est de poursuivre l’intégration de la gestion de projet au niveau de l’entreprise. Cela passe par :
- Le renforcement de l’adhésion à tous les niveaux hiérarchiques, afin que tous les principes soient bien compris, acceptés et respectés.
- L’amélioration de la préparation des projets, afin que le temps de réflexion permette d’éviter les lancements dans la précipitation et donc les retards que cela peut engendrer par la suite.
- Une intégration plus forte de la conduite du changement à tous les projets.
La place de la gestion de projet dans l’économie de demain ?
Antonio Nieto-Rodriguez parle du passage « d’une économie de production à une économie de projet » ; cette analyse est-elle valable pour un établissement de droit public comme les tpg ?
Selon ce spécialiste de la gestion de projet, les organisations sont amenées à privilégier le mode projet, y compris pour la gestion des affaires courantes, car cela permet une meilleure adaptabilité et flexibilité. |
Pour Eric Deladoëy, cette formulation n’a pas vraiment de valeur pour les tpg étant donné que le fonctionnement global de l’entreprise n’est pas et n’a pas vocation à être le mode projet.
L’innovation a néanmoins une place importante qui peut aller dans ce sens.
Si cet article vous a plu, ne manquez pas le dernier de notre série qui traitera cette fois du secteur public international ! Nous avons rencontré Tarun Sankaran, responsable PMO d’entreprise au CICR. Cet entretien passionnant nous a dévoilé les spécificités de la gestion de projet au sein d’une organisation dont le fondement même est le fonctionnement dans l’urgence.
Article du même auteur sur la "Gestion de projet dans le secteur public" :
La gestion de projet dans le secteur public : Introduction
Le cas de l’Unité projets transversaux à la Direction du DCTN de la Ville de Genève
Le cas du DETEC à l’Office fédéral des Transports (OFT)
HERMES : la méthode de gestion de projet qui optimise l’efficience du secteur public fédéral suisse ?
Crédit photo : tpg