Au terme de cette série, nous avons cherché à explorer l’impact de la gestion de projet (GP) sur l’efficience du secteur public. La question demeure : l’introduction de la GP pourrait-elle être la clé d’une administration plus agile et efficace ?
Pour répondre, revenons sur les principaux constats issus des entretiens menés auprès de divers acteurs de la gestion de projet dans le secteur public, qu’il s’agisse d’institutions communales, cantonales, fédérales ou internationales.
La gestion de projet dans le secteur public : un état des lieux contrasté
Une gouvernance en construction
Depuis une dizaine d’années, la gestion de projet s’invite peu à peu dans les administrations publiques, portée par des profils spécialisés généralement venus de l’extérieur. Leur mission : implanter cette culture de projet en respectant les spécificités de chaque organisme.
Aujourd’hui, la gestion de projet est souvent rattachée à une direction générale ou une autre direction spécifique, mais son application demeure transversale et couvre des projets touchant plusieurs services.
Les équipes en charge de la GP se trouvent ainsi à la fois dans des rôles de supervision et/ou d’exécution directe, avec un accent mis sur l’autonomie des chefs de projet.
Dans certaines organisations, l’appropriation est plus avancée, mais l’intégration reste inégale selon les entités publiques.
Un accueil RH d’abord mitigé, puis plus favorable
L’implantation de la gestion de projet s’est heurtée à quelques réticences de la part des ressources humaines, initialement inquiètes face à un système perçu comme bureaucratique.
Cependant, les bénéfices deviennent tangibles : grâce aux méthodes et outils standardisés, les processus s’accélèrent, et les équipes gagnent en réactivité.
La méthode HERMES, imposée au niveau fédéral, est souvent le cadre méthodologique de référence, même si elle exige des adaptations locales et peut être enrichie de pratiques comme Scrum ou PMI. C’est justement le travail d’adaptation de la méthode, élaboré par le responsable de la gestion de projet, qui permet une meilleure acceptation et utilisation par les employés.
Une "project economy" encore limitée dans le secteur public
| Selon Antonio Nieto-Rodriguez, spécialiste de la gestion de projet, les organisations sont amenées à privilégier le mode projet, y compris pour la gestion des affaires courantes, car cela permet une meilleure adaptabilité et flexibilité. |
Malgré l’essor de la gestion de projet, il serait prématuré de parler d’une « project economy » dans le secteur public. Contrairement à certaines entreprises privées où l’activité s’organise entièrement autour des projets, le secteur public conserve les affaires courantes comme cœur de son fonctionnement.
Le travail en mode projet y est additionnel, plutôt que central, et implique souvent des collaborateurs qui n’y consacrent qu’une partie de leur temps de travail.
Par ailleurs, l’adoption de la gestion de projet varie considérablement selon les entités publiques : si certaines structures l’ont pleinement intégrée, d’autres n’ont pas encore franchi le pas.
La gestion de projet dans le secteur public : challenges et perspectives
Les grands défis de la gestion de projet publique
Les défis de la gestion de projet dans le secteur public sont nombreux et souvent partagés entre les entités. Parmi les priorités, un accompagnement systématique du changement à chaque projet s’avère crucial pour garantir l’adhésion des équipes. La formation aux outils de gestion et l’ajout de temps de préparation en amont permettent également de mieux anticiper les retards. Nous l’avons dit aussi, HERMES demande encore des ajustements pour coller davantage aux besoins spécifiques des diverses administrations.
L’IA : vers une administration plus efficace et plus proactive ?
Serge Schiltz
L’introduction de l’intelligence artificielle (IA) pourrait bien offrir de nouvelles perspectives d’efficacité. Selon Serge Schiltz, CEO de processCentric, spécialisée dans la gestion des processus et des projets, l’IA pourrait profondément transformer le secteur public, en dépit des réticences actuelles dues aux bases légales.
1) Processus : entre documentation et visualisation
Les bases légales créent des freins à l’usage de l’IA dans les processus publics, notamment en matière de décisions impliquant des individus ou des budgets. Pourtant, selon Serge Schiltz, l’IA pourrait soulager les équipes en automatisant la création de documents et en générant des schémas de processus à partir de textes juridiques. Ce travail, souvent chronophage et coûteux, pourrait être allégé grâce aux outils d’IA comme PMI Infinity, ChatGPT ou des modèles GPT spécialisés.
Si l’IA facilite la structuration, la créativité humaine reste, pour Serge Schiltz, essentielle pour trouver des axes d’amélioration.
2) Gestion de projet : une gouvernance simplifiée
En gestion de projet, l’IA pourrait également automatiser la production de documents de suivi, une tâche qui est souvent négligée par manque de temps. Cette création de rapports simplifiée offrirait aux décideurs une vision plus claire de l’état des projets en cours, renforçant ainsi la gouvernance. En rendant l’information plus accessible et en surveillant les indicateurs en temps réel, l’IA permettrait une gestion plus proactive des projets, sans alourdir le quotidien des équipes.
Vers une administration agile et résiliente ?
En définitive, la gestion de projet s’affirme peu à peu dans les administrations publiques malgré des défis organisationnels persistants. Tandis que certaines entités l’intègrent pleinement, d’autres hésitent encore face aux transformations culturelles qu’elle impose. À mesure que les pratiques évoluent, le secteur public pourrait tendre vers une efficience accrue, soutenue par des outils innovants et une IA prometteuse.
Reste à voir jusqu’où Genève ira sur cette voie de l’innovation pour renforcer son administration et répondre aux attentes des citoyens.
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