Le droit pénal des mineurs (DPMin), entré en vigueur le 1er janvier 2007, s’applique aux jeunes âgés entre 10 et 18 ans au moment de l’infraction. Indépendant du Code pénal suisse –applicable aux adultes, l’objectif de la justice des mineurs est prioritairement éducatif et protecteur, en lieu et place d’une approche purement répressive.
Dans une perspective de responsabilisation des jeunes délinquants afin de les ramener dans le droit chemin, le juge des mineurs analyse divers facteurs avant de prononcer les mesures et/ou les sanctions adaptées aux besoins de l’enfant : son âge, les conditions de vie, son environnement familial, ainsi que le développement de sa personnalité. Dans cette optique, l’intérêt du jeune (à revivre selon les règles de la vie en communauté afin d’assurer son intégration sociale et, à terme, professionnelle) et de la société (à vivre en sécurité) est, à tout le moins, préservé.
Les sanctions
La responsabilité pénale étant fixée à 10 ans, les mineurs de moins de 10 ans ayant commis un acte répréhensible ne sont pas punissables pénalement. Cela dit, le juge avisera les représentants légaux du mineur, ainsi que l’autorité de protection de l’enfant, laquelle est habilitée à ordonner une mesure de protection, de nature civile. Le droit pénal des mineurs distingue deux formes de sanctions : (i) les mesures de protection et (ii) les peines. Le juge des mineurs peut prononcer ces deux sanctions conjointement; la peine étant toutefois subsidiaire à la mesure en principe.
Pour statuer sur la mesure de protection ou la peine à ordonner, le juge requiert une enquête sociale sur la situation personnelle du mineur, en particulier sur son environnement familial, éducatif, scolaire et professionnel. Pour ce faire, le juge écoute l’enfant et la famille, s’entretient avec divers collaborateurs, soit les assistants sociaux, les médecins, psychologues, et enseignants pour aider le jeune à construire son avenir – sur la bonne voie. C’est dire ainsi que la justice juvénile est, fort heureusement, très humaine.
Les mesures de protection
Les mesures de protection comprennent la surveillance, l’assistance personnelle, le traitement ambulatoire et le placement. Alors que les deux premières mesures visent à assurer un contrôle sur l’éducation et la formation du mineur n’ayant pas commis une infraction trop grave, les deux dernières mesures sont ordonnées en cas de troubles psychiques, de troubles du développement, de toxicodépendance ou autres addictions. À l’inverse du placement – prononcé uniquement à la suite d’une expertise médicale en ayant constaté la nécessité, le traitement ambulatoire sera favorisé lorsqu’il n’est pas nécessaire de contrôler le mineur en permanence, celui-ci devant par exemple consulter un médecin de temps à autre.
Si les circonstances changent, la mesure prononcée peut être remplacée par une autre mesure plus adéquate, étant précisé qu’une mesure est levée si elle a atteint son objectif. Cela dit, toutes les mesures prennent fin lorsque le jeune atteint 22 ans. Les mesures de surveillance et d’assistance personnelle ne peuvent toutefois être prolongées au-delà de la majorité sans l’accord du jeune.
Les peines
Une peine ne peut entrer en ligne de compte que si le mineur a agi de manière coupable, c’est-à-dire que ce dernier disposait, compte tenu de son âge, de la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte et de se déterminer d’après cette appréciation. Une fois ce constat établi (par une expertise), les peines envisageables sont la réprimande, la prestation personnelle, l’amende ou la privation de liberté.
La réprimande est la peine la plus légère, prononcée dans les cas bénins si le juge considère qu’elle suffit pour permettre au mineur de prendre conscience de sa faute et des conséquences éventuelles de la récidive. La prestation personnelle – non rémunérée - peut être ordonnée au profit d’une institution sociale, d’une œuvre d’utilité publique, de personnes ayant besoin d’aide ou du lésé pour autant que le bénéficiaire de cette prestation donne son accord. A titre d’exemples, l’on citera les services de nettoyage, l’hôpital pour enfants, le service des sports ou encore les EMS. D’une durée maximale de dix jours, ou de trois mois au plus si le mineur avait quinze ans et qu’il a commis un crime ou un délit, cette peine semble être un moyen efficace de réparation du tort causé à la société et à la victime. Outre cela, selon une étude scientifique, plus une personne dispose d’un vocabulaire riche, moins elle aura recours à la violence. D’où la proposition d’astreindre un enfant coupable à rencontrer un bénévole pour lire ensemble un roman et enrichir le vocabulaire du jeune dans l’espoir d’améliorer la qualité de sa vie.
Enfin, l’amende et la peine privative de liberté peuvent entrer en considération si le mineur avait quinze ans, au moins, au moment de l’infraction. Le caractère éducatif de l’amende, qui peut s’élever au maximum à 2000 francs, est controversé dans la mesure où ce sont les parents généralement qui la paient. Quant à la privation de liberté, celle-ci constitue l’ultima ratio. Elle ne devrait donc être prononcée que lorsqu’une autre peine moins incisive ne peut être plus efficace. La durée maximale de la détention varie en fonction de l’âge du mineur et de l’infraction commise. Elle est d’un an au maximum pour le mineur âgé de 15 ans ayant commis un crime ou un délit, et de quatre ans au plus pour le mineur âgé de plus de 16 ans ayant commis un crime particulièrement grave.
En conclusion, centrée sur la protection et l’éducation des enfants délinquants, la philosophie de la justice juvénile fonctionne bien. M. Michel Lachat, juge des mineurs dans le canton de Fribourg, à la retraite, révèle fièrement que le droit pénal suisse des mineurs « nous est envié à l’étranger ». Dans le même ordre d’idée, pour combattre la criminalité, le philosophe français, Victor Hugo, ne proposait-il pas à juste titre au XIXème siècle qu’ « ouvrir une école, c’est fermer une prison ». L’éducation pour tous est donc d’une importance capitale, en amont et en aval. Elle est immuable.
Sources :
1 Voir la Loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (Droit pénal des mineurs, DPMin) du 20 juin 2003 .
2 Voir l’article Quelles peines encourent les jeunes délinquants ?, les autorités suisses en ligne : https://www.ch.ch/fr/droit-penal-mineurs/.
3 Voir le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 .
4 Voir l’article publié sur rts.ch, Droit pénal des mineurs : bilan réjouissant, 28 juin 2010 : http://www.rts.ch/info/suisse/1021481-droit-penal-des-mineurs-bilan-rejouissant.html.
5 Voir l’article Code pénal et droit pénal – Informations pour les parents : http://www.genevefamille.ch/N7730/code-penal-et-droit-penal.html.
6 Voir Baptiste Viredaz, Le droit pénal suisse des mineurs : la rigidité des limites de la minorité v. la souplesse de la prise en charge.
7 Voir Micheline Repond, Michel Lachat, le juge et les mineurs, éditions la Sarine, 2012, pp. 34-35.
8 Voir, Anne Pictet, La prestation personnelle, une sanction clé du droit pénal des mineurs, Bulletin suisse des droits de l’enfant, Vol. 16, n° 2, juin 2010.
9 Voir Baptiste Viredaz, Le droit pénal suisse des mineurs : la rigidité des limites de la minorité v. la souplesse de la prise en charge.
10 Voir Loïc Parein, Le droit pénal des mineurs : un exemple du « réprimer sans punir », Bulletin suisse des droits de l’enfant, Vol. 16, n° 2, juin 2010.
11 Voir Baptiste Viredaz, Le droit pénal suisse des mineurs : la rigidité des limites de la minorité v. la souplesse de la prise en charge.
12 Voir l’article publié dans le Temps, Michel Lachat, juge des mineurs: «Quand un jeune arrive chez nous, c’est qu’il y a le feu», 28 juillet 2015 : http://www.letemps.ch/suisse/2015/07/28/michel-lachat-juge-mineurs-un-jeune-arrive-chez-c-qu-y-feu.
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