Comment devient-on un champion dans son domaine ? Les remèdes d’un sportif peuvent-ils s’appliquer au monde des affaires ? Aussi insolite que cela pût paraître de prime abord, le dernier Business Intelligence Swiss Forum a invité Edgar Grospiron - champion olympique du ski de bosses aux Jeux d’Albertville de 1992 - pour parler de sa vision de la performance. Celui-ci réussit brillamment à tisser le lien manquant entre les objectifs de performance et les moyens tels que ceux fournis par les technologies de l’information. Plus important encore, il insista sur sa vision de la performance comme une recherche permanente du déséquilibre – nul confort ! – et expliqua les trois principes gagnants à la base de toute performance.
Edgard Grospiron
L’objectif comme point de départ
Le parallèle entre le sport et les technologies de l’information n’est pas évident. On parle souvent des technologies de l’information en termes de solutions à des problèmes souvent inventés par les développeurs. Combien de fois n’a-t-on entendu un responsable informatique se plaindre d’avoir dû profondément modifier une application afin de rendre celle-ci compatible avec ses besoins et processus ? Nombreux sont aussi les responsables qui ont dû développer leurs propres outils.
C’est à ce titre que l’approche d’Edgar Grospiron est intéressante car elle insiste sur le travail qui doit être fait en amont de toute recherche de moyens ou de solutions : la définition des objectifs. Il raconte comment, trois ans avant les Jeux Olympiques, il annonce au staff de l’équipe olympique son objectif de gagner le titre olympique. Beaucoup de ses camarades s’étaient contentés de timides : « je ferai de mon mieux » ou "j'espère être sur le podium". Non, Grospiron ne voulait pas le podium, il voulait le titre. Devenir Champion Olympique ! Certes, il avait déjà été champion du monde, mais tout de même ! La pression d’une épreuve olympique organisée dans son propre pays peut s’avérer paralysante. En outre, c’était la première fois que sa discipline était présente aux jeux.
Il avoue ne pas savoir comment s’y prendre au moment où il afficha son ambition. Cependant, le fait d’avoir dit ce qu’il convoitait a créé une dynamique autour de lui : le staff s’est mis à réfléchir aux moyens à mettre à sa disposition. La machine était enclenchée.
Premier principe gagnant : prendre son destin en main
Le premier des trois principes de Grospiron est de ne pas laisser son destin entre les mains d’autrui voire de la chance. Il faut se prendre en main ! Ceci nécessite beaucoup d’orgueil, d’égoïsme, de confiance en soi et d’assimilation des leçons apprises de ses performances antérieures, que celles-ci aient été bonnes ou mauvaises.
On ne devient pas performant en restant dans le cadre du calendrier que l’on s’est fixé. Certains sportifs faisaient les huit heures journalières d'entrainement qui leur étaient imposées et ne sortaient jamais du cadre. Pendant les trois années entre l’annonce de son ambition et les jeux, Grospiron faisait toujours un peu plus, provoquait constamment le déséquilibre afin de sortir de sa zone de confort. Son but était de créer de la résilience par rapport à ses propres erreurs éventuelles : il fallait qu’il soit le meilleur même en faisant des erreurs lors des Jeux. Il lui fallait trouver des milliers de solutions aux milliers d’hypothèses qui pourraient survenir lors d’une compétition, des aléas de la météo au propre stress du sportif.
Bien lui en prit ! Le jour de la compétition, le temps était pluvieux, la visibilité mauvaise. Le doute aurait pu s’installer dans son esprit ou dans celui de ses supporters. Il se dit que les conditions étaient les mêmes pour tout le monde et qu’il n’était ni avantagé ni désavantagé par rapport à ses concurrents. Sa détermination fut encore plus grande lorsque ses supporters lui lancèrent : « Quel beau jour ! On est tous derrière toi, tu vas gagner ! » Si il n'avait pas annoncé ses objectifs suffisamment tôt, il n’est pas certain que ses supporters lui auraient fait une telle déclaration.
Second principe gagnant : s’évertuer à regarder le positif
Plus jeune, Grospiron avait été tenté d’arrêter suite à une mauvaise performance. Son entraîneur l’encouragea alors à penser comme un champion : « Tu vois cette bosse là ? Penses-tu qu’elle est un obstacle ou une opportunité ? » Un champion voit des opportunités là où d’autres voient des obstacles. Il ne s’agit pas d’un optimisme béat, il s’agit plutôt de trouver du plaisir, un dépassement dans la recherche des solutions pour affronter l’obstacle.
Le champion sait aussi capitaliser sur ses points forts. On cherche trop souvent à être moyen partout. Les personnes qui réussissent ont aussi des failles mais leur force est de choisir le domaine qui fait ressortir leurs points forts. Se rendre compte de ses points forts permet aussi de regarder le positif en soi. En toutes circonstances.
Troisième principe gagnant : à vous de trouver le vôtre...
Définir un troisième principe gagnant aurait été à l’encontre de ce que prône Edgar Grospiron. Ceci aurait fixé un cadre structurant. Justement, la performance naît du déséquilibre et non du cadre structurant. Grospiron a échappé au propre piège de son discours.
Le troisième principe est ce levier du déséquilibre qui permet de s’adapter aux circonstances et d’avoir cette souplesse d’esprit qui crée la résilience aux situations les plus improbables. Ce dernier principe est surtout lié aux croyances de la personne. Suivant les conditions, il peut être la chance, la persévérance, l’égoïsme, le mental, ou le doute méthodique.
Entre l’exploit et la performance
Selon Grospiron, les trois principes qu’il a énoncé sont ceux qui font passer le sportif de l’exploit à la performance : l’exploit est de monter sur le podium, la performance est d’y rester.
En définitive, Edgar Grospiron donne une belle leçon de vie, au-delà des moyens comme les technologies d’information. Sa prestation est aussi un hymne à la recherche du déséquilibre comme levier de la performance.
Ce forum organisé par CROSS Systems (www.cross-systems.ch) s’est tenu le 12 mars à Lausanne.
Photo : cfoot.fr