– Tu fais quoi dans la vie ?
– Traducteur.
– Quelles langues ?
– De l’anglais et de l’espagnol vers le français.
– Ah ! Tu parles super bien l’anglais et l’espagnol alors ?
Voilà la conversation type que tout traducteur aura de nombreuses fois dans sa vie. Et il la poursuivra probablement en expliquant que la traduction est un métier de l’écrit, que parler une langue de manière très fluide avec un accent parfait (ce qu’on entend généralement par « parler super bien une langue ») n’est pas nécessaire pour bien traduire.
L’écriture au centre du métier de traducteur
Il en profitera pour dissiper une autre confusion fréquente : traducteur et interprète sont deux métiers différents. Si les deux doivent formuler dans une langue, dite cible ou d’arrivée, un message énoncé dans une langue source ou de départ, le premier traduit à l’écrit un texte tandis que le second transpose oralement une langue dans une autre. Souvent, le traducteur sera également amené à préciser qu’il traduit dans un sens uniquement. Rares sont en effet les professionnels vraiment bilingues qui sont capables de traduire avec la même aisance d’une langue dans une autre et vice versa.
Passées ces explications, qui portent donc généralement sur ce qu’un traducteur n’est pas, ou du moins, pas forcément, la conversation se poursuit rarement sur ce qu’un traducteur doit être, sur les qualités et compétences requises pour exercer ce métier. C’est ce que nous allons tenter de faire ici.
La traduction : une parfaite maîtrise de la langue d’arrivée
La qualité d’une traduction sera essentiellement jugée sur deux éléments. Premièrement, pour ce qui est du contenu du texte original, elle doit en restituer l’intégralité, sans rien en retrancher, sans rien y ajouter (1). Deuxièmement, le texte cible devra être rédigé de la manière la plus naturelle qui soit, comme si c’était un texte écrit initialement das la langue d’arrivée. Cela demande bien sûr une excellente connaissance de la langue de départ mais cette qualité est parfaitement inutile si le texte produit par le traducteur n’est pas fluide, s’il apparaît maladroit.
On attend donc du traducteur une parfaite maîtrise de sa langue d’arrivée, qui sera soit sa langue maternelle, soit sa langue de culture (à savoir la langue dans laquelle il a été scolarisé ou qu’il a pratiqué de manière suffisamment prolongée et approfondie pour que cela devienne sa première langue). Cela signifie qu’il doit avoir une orthographe et une syntaxe irréprochables et disposer d’une large palette sur le plan du lexique, du style et des registres. Toutes ces qualités lui permettront de réviser ses propres textes (un traducteur doit toujours se relire), ceux d’autres traducteurs et les textes traduits par un logiciels, tel que DeepL. En effet, ces derniers, bien qu’ils soient de plus en plus efficaces, produisent encore des textes qui nécessitent une révision.
Culture et documentation
Il faut aussi une très bonne connaissance des cultures liées aux deux langues concernées par le travail de traduction. Par exemple, les dictons et expressions ne se traduisent souvent pas mot à mot. Le traducteur doit les connaître ou, du moins, savoir rechercher et trouver rapidement l’équivalent dans sa langue cible.
Cela nous amène à une autre qualité primordiale du métier : la capacité à se documenter efficacement. En effet, si dans l’idéal, un traducteur devrait toujours être un expert du domaine dont relève le texte qui l’occupe, dans la réalité, il devra travailler sur des textes très divers, notamment juridiques, économiques, scientifiques, médicaux, administratifs, pour citer quelques-uns des domaines les plus fréquents.
Une question d’organisation et de gestion des priorités
Bien entendu, la traduction devra être rendue dans les délais impartis, qui sont souvent serrés. Le traducteur devra donc faire preuve d’une excellente capacité d’organisation et de planification. Cela lui permettra de gérer efficacement son temps pour mieux répartir son effort dans les limites qui lui ont été fixées, voire parfois pour travailler sur plusieurs dossiers en même temps. En effet, il peut arriver qu’il ait à traduire un texte urgent, qui devra être traité en priorité, alors qu’il est déjà occupé par un autre dossier.
L’urgence peut parfois exiger une autre qualité plus inattendue : la capacité à travailler en équipe. Par exemple, dans le cadre d’une organisation internationale, le traducteur devra parfois collaborer, lors de conférences, avec plusieurs collègues sur un long texte qui doit être publié dans les plus brefs délais. Il doit donc être capable de se coordonner avec ses collègues afin de produire un texte cohérent. Cela nécessite des capacités interpersonnelles, telles que l’écoute, la communication et la souplesse. Il s’agit d’aller à la rencontre de ses collègues pour les interroger, discuter avec eux et les écouter. Il ne devra pas à tout prix essayer d’imposer sa vision et savoir admettre des propositions lorsqu’elles sont meilleures que les siennes.
La traduction : un métier de l’ombre
Pour conclure, posons-nous la question suivante : à quoi reconnaît-on une bonne traduction ? Je dirais que rien ne doit laisser paraître qu’elle en est une. La traduction est un métier de l’ombre. Même si certaines maisons d’édition comme Actes Sud font figurer le nom du traducteur ou de la traductrice en couverture, dans la grande majorité des cas, son nom ne sera pas cité. Certes, ce n’est pas le traducteur qui est l’auteur du texte original, mais c’est bien lui qui a donné sa forme finale au texte dans sa langue d’arrivée. Le public qui lit le texte ne doit rien remarquer d’étrange. La traduction se lit comme si elle a été originellement écrite dans la langue cible. En somme, plus le traducteur se fait oublier, mieux il a fait son travail. C’est là le paradoxe du métier de traducteur.
* Pour une meilleure lisibilité, l'emploi de la forme masculine fait indifféremment référence aux personnes de sexe masculin ou féminin
Note :
(1) Bien entendu, dans certaines occasions, le traducteur pourra, voire devra apporter des éclaircissements dans des notes de bas de page. (retour au texte1)
Bien entendu, dans certaines occasions, le traducteur pourra, voire devra apporter des éclaircissements dans des notes de bas de page.
Lectures complémentaires :
Traductrice, une passionnée des mots par Claudine Ottiger
Ecrivains Publics 2.0 : Le métier de rédacteur vu par Dimitri Kas par Amanda Spierings
Olivier Clerc : Rencontres et Opportunités par Philip Chowney
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Excellent article.