« Prendre sa carrière en main ». C’est avec ce slogan de la campagne nationale de formation professionnelle Suisse que nous entamons ce premier article d’un opus en trois temps sur le système de l’apprentissage et de la formation initiale en Suisse. Cet article s’intéresse à la formation initiale spécialisée. Le second article « la compétence, clé de la confiance » s’intéressera aux dispositifs de soutien aux apprentis et pour terminer «Gagner, c’est former la relève, avec l’apprentissage, les talents deviennent des pros » s’intéressera à l’apprentissage comme moyen permettant de faire face à la pénurie de main-d’œuvre au niveau suisse.
Le système Suisse de l’apprentissage, plébiscité par plus de 70 % des jeunes au niveau national apparaît également comme un excellent moyen d’insertion socio-professionnelle. La Suisse peut en effet se targuer d’avoir le plus bas taux de chômage des jeunes en Europe.
L’apprentissage est au chocolat ce que la Suisse est à l’Europe
En Suisse, l’apprentissage fait pleinement partie du dispositif de formation professionnelle initiale avec les Hautes Ecoles Spécialisées (HES), les Ecoles supérieures (ES) et les universités. C’est ainsi que l’apprenti suit des cours en centre de formation et apprentissage par la pratique dans l’entreprise. Ce système dual concerne non seulement les métiers manuels mais également les domaines techniques et administratifs, plus de 260 métiers peuvent s’apprendre par la voie de l’apprentissage.
La Suisse dispose d’un système produisant de l’excellence, cependant, il arrive ici aussi que des difficultés cognitives, physiques ou comportementales soient un frein au développement de compétences. L’apprentissage et l’entreprise restent plus que tout un élément intégrateur de ces jeunes pour qui un appui spécifique est nécessaire afin de réussir pas à pas la construction de leur autonomie sociale et professionnelle.
La Fondation Le Repuis s’est donné pour but « de pourvoir par la gestion d’un ou plusieurs centres de formation, à l’orientation et à la formation professionnelles de personnes qui ne sont pas en mesure d’acquérir celle-ci dans le circuit économique traditionnel, afin de permettre leur intégration sociale et professionnelle ». Le Repuis est un exemple emblématique de l’action entreprise envers les jeunes atteints dans leur santé et leur apprentissage depuis 1933.
Bien qu’implanté en terre Vaudoise sur les sites de Grandson et Yverdon-les-Bains, le centre de formation professionnelle spécialisé (CFPS) travaille avec les offices AI des cantons de Berne, Fribourg, Genève, Neuchâtel, Vaud, Jura et Valais. En offrant des mesures d’orientation, de formation en ateliers et entreprises et diverses mesures d’ordre professionnelles telles le job coaching.
Beaucoup de jeunes commencent au CFPS par une mesure d’orientation afin de définir leur projet professionnel en lien d’une part avec leurs centres de motivation, mais également avec leurs compétences et les freins du moment. Une fois l’orientation définie, le CFPS propose différentes alternatives de formations : formation en ateliers et formations en duales (sur le nouveau site d’Yverdon-Les-Bains).
Selon leur niveau, les jeunes peuvent effectuer différents types de formations pratiques allant de la formation professionnelle initiale ; FPI, au CFC (certificat fédéral de capacité partie pratique et théorique) en passant par les AFP (Attestation Fédérale professionnelle). Afin de compléter ce dispositif éducatif, trois lieux de vie permettent un développement progressif de l’autonomie et des compétences sociales. La Maison Jura-Lac représente le plus souvent la première étape dans le parcours de socialisation des bénéficiaires du CFPS. Viennent ensuite les lieux de vie décentralisés qui offrent pour leur part un espace permettant de développer l’autonomie tout en continuant de renforcer les ressources personnelles et à diminuer les freins à l’apprentissage. Et enfin la dernière étape du processus de socialisation se fait dans des appartements en ville d’Yverdon-les-Bains, plus éloignés du centre de formation. Le but de ces structures en milieu ouvert étant d’achever la préparation à l’autonomie telle qu’elle peut se faire, lorsque la personne devra gérer son propre appartement. En résumé la personne peut passer par trois étapes successives : internat de proximité, internat décentralisé et pour terminer en milieu ouvert.
"Le développement des compétences sociales améliore les comportements sociaux et la confiance en soi. Il en résulte une meilleure gestion des émotions, ce qui aide à résoudre les problèmes relationnels, et cela augmente les chances d’une intégration socioprofessionnelle".
Il est clair que l’ensemble des processus d’apprentissage d’un métier ou d’apprentissage de l’indépendance et l’autonomie ne peuvent se faire sans un important travail de réseau, tant avec les familles, les professionnelles éducatifs, qu’avec les entreprises romandes. C’est dans cette optique qu’une collaboration a vu le jour avec le centre Migros MMM de Crissier. L’idée centrale étant d’une part d’offrir un lieu de formation aux métiers de vente directement implanté dans une grande entreprise et d’autre part de créer des ponts favorisant la création de places de travail adaptées.
Comme on le voit, le dispositif éducatif du CFPS repose sur une structure intégrant lieux de vie et lieux de travail. Afin d’assurer une cohésion entre l’ensemble des interlocuteurs et partenaires gravissant autour du bénéficiaire, le projet éducatif repose sur le concept développé par P.Perrenoud d’approche personnalisée d’Enrichissement de compétences (APEC) : une approche s’inspirant de la pédagogie par objectif, de la pédagogie différenciées, de l’approche par compétences, de l’évaluation formative et l’éducabilité cognitive.
Cette approche s’inspire d’une certaine manière du courant Rogériens, en regard de l’approche centré sur la personne, signifiant que tout individu est capable d’évoluer, quel que soit son niveau.
« Prendre sa carrière en main » slogan de la campagne nationale de formation professionnelle, résume également très bien la philosophie de ce centre de formation, entièrement dévoué à la réussite de ses bénéficiaires. Prendre sa carrière en mains, c’est également accepter de recevoir de l’aide, et accepter de changer d’anciens schémas en acceptant de prendre pleinement sa place dans la société. Dans notre prochain article « la compétence, clé de la confiance » nous aborderons les différents dispositifs mis en place par les cantons de Genève et Vaud, pour soutenir les apprentis rencontrant des difficultés dans le déroulement de leur formation.