Détail de l'intérieur de l'appartement de M. Daniel Grataloup, @Lorenzo Romano
Propos tirés de mon entretien avec Daniel Grataloup, architecte, docteur de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et professeur d’art plastique.
On a un sentiment visuel immédiat d’ensemble, d’homogénéité et d’unité lorsqu’on pénètre dans l’appartement de Daniel Grataloup. Pas d’interruption de couleur et de style, mais une continuité blanche riche en courbes.
Tout a été conçu et réalisé par l’architecte lui-même.
Le plafond et les parois sont un mélange de plâtre et de polystyrène. Les fauteuils, composés de fibre de verre et d’époxy, semblent perpétuer la matière du mur dans un seul corps ininterrompu jusqu’à l’horizontale de l'accoudoir. Plusieurs haut-parleurs, dispersés dans toute la pièce, sont incorporés à ce matériau de base, assurant une acoustique parfaite.
On dirait que l’habitat a été creusé dans une matière blanche et que de cette même matière sont issus les meubles. Toutes les fonctions sont assimilées à l’ensemble architectural.
Détail de l'intérieur de l'appartement de M. Daniel Grataloup, @Lorenzo Romano
Des architectures-sculptures autour du monde
Plusieurs constructions de Daniel Grataloup, dont des villas à Genève et un temple à La Chaux-de-Fonds, ont été conçues dans cet esprit. Ces architectures-sculptures répondent toutes à une même approche technique et visuelle. Ses conceptions se sont répandues et réalisées dans d’autres pays, comme en France, en Espagne ou encore en Algérie où un immense terrain a été consacré entièrement à ses œuvres architecturales.
Le temple de Saint Jean à la Chaux-de-Fonds, construit en 1969 - 1970, @gratalouparchitecte.ch
Un procédé de construction innovant
Son procédé pour construire une maison ou un immeuble est tout aussi innovant et étonnant que l’intérieur de l’appartement personnel de l’architecte. Il s’agit de la projection : sur un treillis de fer soigneusement tissé est propulsé du béton sec qui sera humidifié à la vapeur d’eau à la dernière seconde. La prise étant instantanée, pas besoin de coffrages de séchage pour le béton comme on en voit sur les chantiers pour les constructions “classiques”.
Ce principe de projection de béton sur treillis n’est pas seulement réservé à l’extérieur de l’édifice et à sa structure de base, mais aussi aux escaliers dans la maison, à la cheminée, aux appliques d’éclairage, aux lavabos et à la baignoire. C’est cela qui donne au regard ce sentiment d’unité et de continuité.
Maquette illustrant un treillis pour un immeuble, @Lorenzo Romano
Daniel Grataloup, un artiste complet
Daniel Grataloup n’est pas seulement un architecte proposant de nouvelles façons révolutionnaires de construire. C’est un artiste complet, car il a fait les Beaux-Arts avant d’étudier l’architecture, et il a aussi produit de nombreuses peintures, sculptures, gravures, tapisseries, et même de la haute couture avec une ligne de carrés de soie et des costumes (le tout visible sur son site internet gratalouparchitecte.ch). Il a également immortalisé par de nombreux clichés aux quatre coins du globe, des endroits et des édifices qui n'existent parfois plus aujourd’hui, ce qui rend ces prises de vue d’autant plus précieuses et uniques.
Intérieur de la villa d'Anières, 1972, @gratalouparchitecte.ch
Cette production prolifique de toute une vie hors du commun de recherches permanentes, constitue un fonds considérable qui a été confié par Daniel Grataloup au département des monuments et des sites de la ville de Genève.
Du 6 septembre 2022 au 29 janvier 2023, une partie de ce fonds sera exposée afin de donner au public un aperçu de son travail à travers le temps et les sujets. Le vernissage aura lieu à Genève, le 13 septembre prochain, à 18 heures, dans les locaux du MAMCO, 10 rue des Vieux Grenadiers.
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Photo credits : Lorenzo Romano ; gratalouparchitecte.ch