Chanel, Dior, Lacroix, Givenchy, Saint-Laurent… Ces noms évoquent les parfums de luxe des grands créateurs qui ont fait le tour du monde. Mais que se cache-t-il derrière un parfum ? Comment est-il fabriqué?
Un parfum est une odeur émise par une substance naturelle telle qu’une plante, une fleur ou encore un animal. Dans la nature, les parfums sont souvent des messages chimiques et biochimiques, comme les phéromones, substances chimiques émises par la plupart des animaux et certains végétaux qui agissent comme messagers entre les organismes d'une même espèce, transmettant des informations sur l’attraction sexuelle.
Petite histoire du parfum
Le mot parfum viendrait de l’expression per fume qui signifie « par la fumée » en raison de l’usage traditionnel et ancien de fumigations sacrées, médicinales ou rituelles, comme l’encens. Le mot serait apparu au XVIème siècle, car aucun manuscrit ne le cite avant. Il évoquait des substances qui brûlaient, puis un siècle plus tard, il a pris un nouveau sens, celui qu’il a encore aujourd’hui.
A son début, le parfum constituait une offrande et son usage était sacré. Le commerce du parfum et son emploi était principalement le fait des Sumériens, des Babyloniens, des Hébreux, mais aussi des Egyptiens, des Grecs ainsi que des Romains. Ces derniers en changèrent le contenant, autrefois en terre cuite, par un flacon en verre. Lors de leur voyage sur « la route des épices », les Arabes ramènent de Chine et d’Inde des aromates et des techniques, telles que la distillation.
Au Moyen-Age, les croisés rapportent d’Orient des huiles, des peaux parfumées et des essences. Le parfum fait alors partie de la toilette, sous forme de boules de savons et d’eaux de rose. A la fin du Moyen-Age, le perfectionnement de l’alambic et la découverte de l’alcool éthylique augmentent la fabrication et la consommation du parfum.
En Occident, le parfum sert surtout à camoufler les mauvaises odeurs et à parfumer les vêtements, en particulier les gants ou les éventails. La ville de Grasse est alors la capitale du parfum. L’âge d’or de la parfumerie française a lieu entre 1920 et 1960.
Les techniques traditionnelles de fabrication d’un parfum
Le processus qui permet de transformer en essence une matière première est appelé « extraction ». Les exemples ci-dessous concernent les formes traditionnelles d’extraction :
- L’expression (généralement pour les agrumes) permet d’extraire l’essence du fruit ou de l’écorce par simple pression.
- La distillation à la vapeur d’eau : La matière est disposée dans un alambic (cuve en acier surmontée d’un tuyau en serpentin) avec 5 à 10 fois de volume en eau porté à ébullition. Ainsi, la vapeur entraîne l’odeur dans un condenseur, puis dans un séparateur. Celle-ci se condense et devient de l’essence.
- L’enfleurage à chaud : Les pétales des fleurs assez résistantes (rose, narcisse) sont plongés dans un bain de graisse animale qui est chauffé plusieurs fois jusqu’à ce que la fleur aie donné toute son essence. Puis, les fleurs sont remplacées par de nouvelles jusqu’à ce que la graisse soit saturée. La graisse est ensuite lavée avec de l’alcool pour obtenir l’essence.
- L’enfleurage à froid : Pour les fleurs fragiles (jasmin, tubéreuse), le même principe qu’à chaud est appliqué, mais les pétales sont disposés sur des tiroirs de graisse froide. Aujourd'hui, cette technique n’est plus pratiquée.
- L’extraction par solvants : Elle se pratique grâce à des solvants volatils (l’éther de pétrole ou l’hexane) et de l’eau à environ 60°C. L’extraction à l’éthanol permet ensuite d’obtenir une sorte de cire, la « concrète ».
- La macération est utilisée pour les essences animales. La matière est laissée à macérer dans l’alcool.
Les techniques modernes de fabrication d’un parfum
L'évolution de la chimie a permis de faire progresser les différentes techniques de fabrication d'un parfum. En voici les exemples principaux :
- La rectification est une méthode qui consiste à fractionner les essences obtenues en distillation, en les purifiant sous vide. Cela permet de les chauffer à des températures plus basses et donc de ne pas fragiliser les matières premières par la chaleur.
- L’extraction au CO2 (super critique) est la technologie la plus moderne. Elle vient de la pharmaceutique et consiste à faire traverser la matière première par du CO2 à l’état « super critique » (état de la matière liquide à température ambiante à très haute pression). Cette méthode est proche du naturel, car elle préserve la matière, mais elle est coûteuse et ne convient pas pour toutes les matières.
- Le Headspace est une technique d’analyse. Un récipient en verre est mis autour de la fleur vivante (non-coupée). Celui-ci est adapté à sa forme pour ne pas l’abîmer. Un micro-capteur est placé à l’intérieur du récipient et filtre l’air parfumé de la fleur, pendant plusieurs heures. L’échantillon est ensuite analysé par chromatographie en phase gazeuse.
- La chromatographie est également une technique d’analyse qui sépare les différentes molécules les unes des autres, puis par spectrométrie de masse permet de connaître la quantité (poids moléculaire) de chacune d'elles dans la totalité de l’échantillon. Sachant qu’une fleur peut émettre jusqu’à 400 molécules olfactives, cette méthode est essentielle à la sélection de la molécule la plus fidèle au parfum de la fleur.
Les matières premières
Différentes matières premières peuvent êtres utilisées pour la fabrication de parfum :
Les matières premières végétales
Les fleurs
Les notes florales sont incontournables en parfumerie. Les plus nobles sont la rose, le jasmin, mais aussi la tubéreuse et l’iris. Les plus utilisées sont la violette, la fleur d’oranger, le mimosa, le narcisse, la lavande et bien entendu le ylang-ylang. Mais la plupart de ces notes sont reproduites synthétiquement pour une question de prix et d’environnement.
Les fruits
Les notes fruitées utilisées en parfumerie, appelées hespéridés, sont pour la plupart des agrumes tels que les citrons, les oranges, mais aussi la limette et la bergamote. Les autres fruits sont généralement synthétisés, comme c'est le cas pour la vanille, le melon, la pêche et la pomme.
Les bois, les plantes et les herbes
Des arbres jusqu’aux herbes en passant par les graines, le prélèvement des matières végétales inclut les arbres, pour leur écorces ou pour leur bois (la cannelle, le santal et le bouleau), pour leur résine (l’encens, la myrrhe, le labdanum) ainsi que pour leur mousse. Les plantes et les herbes sont utilisées, soit entières (le romarin), soit uniquement pour leurs feuilles (la verveine, le patchouli), pour leurs racines (le vétiver, le gingembre) ou pour leurs graines (la cardamone, la coriandre, la fève tonka).
Les matières premières animales
Pour la confection de parfums, six essences animales sont utilisées de manière synthétique pour des raisons d’éthique et de réglementation. Les notes sensuelles animales sont appréciées dans la composition des parfums masculins, notamment pour leurs propriétés fixatives, surtout en ce qui concerne les trois premiers :
- le musc, sécrétion produite par un chevrotin originaire du Tibet ;
- le castoréum, issu des glandes du castor du Canada ;
- la civette, sécrétion du chat musqué sauvage du même nom, originaire d'Ethiopie ;
- l'ambre gris, issu du cachalot, qui est un calcul intestinal recueilli sur les plages des océans indien et pacifique ;
- la cire d'abeille, sécrétion produite des abeilles dans les ruches ;
- l'hyraceum, une urine produite par le Daman du Cap, un petit mammifère d'Afrique du Sud, qui se pétrifie après plusieurs siècles devenant ainsi une pierre.
Les matières premières synthétiques
Pour les chimistes, il existe deux voies pour produire des matières premières synthétiques, soit l’hémisynthèse ou la synthèse.
L’hémisynthèse consiste à produire une molécule à partir d’une molécule naturelle très proche de celle qui est recherchée. Cette dernière subit quelques transformations pour devenir identique à celle voulue.
Suite à l’évolution de la chimie à la fin du XIXème siècle, la synthèse permet d’accéder à des matières premières qui n’existent pas à l’état naturel, ou qui sont trop chères ou difficiles d'accès. Même si le parfum est un produit de luxe, les composés synthétiques lui permettent aujourd’hui d’être plus accessible pour les porte-monnaie plus petits, mais surtout de protéger et de préserver la faune et la flore.
De nos jours, 98% des composants en parfumerie sont synthétiques, car pour produire 1 kg d’huile essentielle, il faut 200 kg de lavande ou trois tonnes de pétales de rose. De plus, certaines molécules odorantes ne peuvent être extraites, comme celles du muguet ou du lilas. Par ailleurs, il est impossible de reproduire l’odeur du patchouli chimiquement. Ainsi, la synthétisation de molécules permet de reproduire des odeurs de la nature, mais aussi d’en créer des nouvelles inédites qui enrichissent la palette des parfumeurs.Celle-ci est passée de 300 senteurs à plus de 4000 aujourd’hui, dont plus de 400 ingrédients naturels et plus de 3000 synthétiques.
Les mélanges
Une fois toutes les essences recueillies, celles-ci sont rangées dans un orgue à parfum ou étagère contenant une sélection des extraits à mélanger. Le mélange obtenu est dilué en principe dans de l’alcool, mais il peut aussi l’être avec de l’eau ou d’autres solvants de différente concentration. Ces parfums sont classés selon leur types de concentration.
Familles olfactives
Dans la parfumerie, il existe sept grandes familles olfactives :
- Les « orientaux » ou « ambrés » sont dominés par un mélange de chaleur et de sensualité comme la vanille, les baumes, les résines, la coumarine ou l’opopanax.
- Les « boisés », à la fois chaud, sec et élégants comme le vétiver, le cèdre, le santal ou le patchouli sont accompagné parfois d’hespéridé ou d’aromatique.
- Les « hespéridés », constitué généralement de zestes d’agrumes, tels que la bergamote, le citron, l’orange, la mandarine et le pamplemousse. C’est la dominante des « eaux de Cologne », par leur coté fraîcheur et légèreté.
- Les « floraux » sont les plus importants dans les compositions en parfumerie féminine.
- Les « chyprés », tirés du nom du parfum « Chypre » (1917, par François Coty, parfumeur), sont construits par des mélanges de bergamote, notes fleuries allant vers un fond boisé.
- Les « fougères » sont alliées de lavande, de note aromatique, géranium, vétiver, coumarine, mousse de chêne. Elles sont la base de plusieurs eaux de toilette masculines.
- Les « cuirés » sont des notes pyrogénées, comme le bouleau, l’Isobutyl quinoléine (molécule de synthèse à odeur cuirée légèrement verte) ou encore des notes animales, de tabac ou de miel. Elles peuvent être portées autant par les hommes que par les femmes.
Description d’un parfum
Un parfum à trois différentes notes olfactives :
- La note de tête est la première impression olfactive, la plus volatile, qui dure entre 30 minutes et une heure.
- La note de cœur constitue le cœur du parfum qui dure entre deux et trois heures.
- La note de fond est celle qui persiste longtemps après que le parfum se soit vaporisé et qui dure jusqu’à cinq ou six heures, voire plus, et jusqu’à des mois sur un vêtement.
Un exemple typique du fameux parfum de Coco Chanel :
- famille : semi-ambré fleuri ;
- note de tête : bergamote, vert ;
- note de cœur : jasmin, rose, fleur d’oranger, pêche ;
- note de fond : frangipanier, vanille, baumes, opopanax, santal.
Le parfum « First », de Van Cleef & Arpels contient 160 substances différentes, alors que « Jardin sur le Nil », de Hermès, n’en contient que 20.
Les parfums et parfumeurs
« Nez » est le surnom des créateurs de parfums. Très peu de marques ont leur propre « nez », seul exception Chanel, Guerlain, Patou, Hermès et Cartier. Ils sont habituellement salariés chez de grandes entreprises chimiques internationales. Grasse était autrefois la ville de la parfumerie avec Mane SA, Robertet ou Charabot, mais aujourd’hui, les plus grandes entreprises se trouvent être genevoises comme Firmenich et Givaudan, allemandes comme Symrise ou américaines comme IFF.
Lors du lancement d’un nouveau parfum par une marque, les parfumeurs de chaque compagnie sont mis en compétition et suite à de multiples essais et tests, un seul parfum est retenu et lancé sur le marché portant le nom de la marque, et non plus celui de son créateur.
L'étape finale du parfum
L'étape finale du parfum consiste à produire en grande quantité le parfum obtenu et remplir les flacons, puis à les emballer, c’est l’étape du conditionnement. Aujourd’hui, pratiquement tout est automatisé. Des machines dirigent le parfum, grâce à une multitude de tuyaux, jusqu'au flacons qui circulent à une cadence régulière sur un tapis roulant.
La chaîne de remplissage est longue : mise à niveau, sertissage, codification du flacon grâce à un numéro de lot qui authentifie sa provenance, serrage du bouchon, pose de l'étiquette. Et pour finir le parfum est distribué et vendu dans les parfumeries ou dans les boutiques de la marque en question.
Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Parfum
http://www.parfumsetsenteurs.fr/parfums-et-senteurs/histoire-du-parfum/
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doschim/decouv/parfums/voir_elabo_parf.html
Photo credit: Chanel N°5 via photopin (license)
Très bel article, j'ai beaucoup apprécié tous les détails techniques de la fabrication qui sont rendus accessibles et faciles d'accès pour les profanes
C'est avec plaisir et intérêt que j'ai lu cet article bien écrit qui a piqué ma curiosité. J'aurais dorénavant un autre regard sur mon parfum au moment de l'utiliser.