Avant d'entrer dans le vif du sujet, voici brièvement le parcours de Madame Roxane Aubry. Engagée chez SOS Femmes en tant que travailleuse sociale il y a plus de quatre ans, elle est actuellement responsable de la Consultation sociale de l’association SOS Femmes ainsi que cheffe de projet en lien avec la prostitution des jeunes et des étudiant-e-s. Les problématiques sociales au sens large mais surtout un fort intérêt pour toutes les questions qui touchent à la lutte contre les discriminations et la précarité, la lutte pour favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes et l’insertion sociale et professionnelle des femmes a fait qu’elle s’est tournée vers ce domaine. Elle aime également se sentir active professionnellement en rapport avec ces questions.
L’association SOS Femmes, créée en 1940, est actuellement constituée de trois unités. Premièrement la Consultation Sociale, où un accompagnement psycho-social individuel est offert aux femmes qui rencontrent des difficultés d’insertion sociale et professionnelle. « Nous avons notamment pour mission - et notre association est la seule à Genève à offrir ce type d’accompagnement spécifique - de favoriser la réorientation sociale et professionnelle des personnes désireuses d’arrêter le travail du sexe ou l’ayant exercé » dit-elle. Il y a également Les Fringantes, créée en 1996, qui est une boutique de vêtements de seconde main où des places de stage d’insertion sociale et professionnelle sont proposées. La troisième unité est Label Bobine, créée en 2011, entreprise sociale qui offre des places de travail à des femmes en emploi de solidarité.
La Consultation sociale de l’association SOS Femmes propose un accompagnement psycho-social pour les femmes au sens large qui rencontrent des difficultés d’insertion sociale et professionnelle et également pour les personnes qui souhaitent ou qui ont arrêté la prostitution. Les travailleuses sociales de la Consultation sociale offrent un accompagnement global par rapport aux difficultés qui peuvent surgir lors l’arrêt de la prostitution. Cela peut être lié à des problèmes de santé (physique, psychique, médical, gynécologique) ; administratifs (déclaration d’impôt, assurance maladie, dettes, …) ; résidentiels (recherche de logement ou d’hébergement d’urgence). La Consultation sociale collabore avec des fondations privées dans le but de rechercher des fonds qui aideront à couvrir certains endettements mais contribueront également au financement de projets de formation, de cours de langues, etc. Les travailleuses du sexe reçues à la Consultation sociale vivent le plus souvent dans les salons érotiques dans lesquels elles travaillent. Lors de l’arrêt de l’activité, elles se retrouvent donc face à une problématique de logement. Les travailleuses sociales de la Consultation interviennent également dans les démarches liées à l’insertion professionnelle, soit pour effectuer un bilan de compétences, élaborer un CV, rédiger des lettres de candidature, rechercher et répondre à des offres d’emploi, préparer un entretien d’embauche. Lors de la réorientation professionnelle des travailleuses du sexe émergent régulièrement des enjeux spécifiques liés au renforcement de l’image de soi, de l’estime et de la confiance en soi, car l’activité et la stigmatisation vécue à travers celle-ci génère dans certains cas un sentiment de dévalorisation et de honte. L’accompagnement individuel vise donc à leur permettre de retrouver une image positive d’elles-mêmes et à valoriser l’ensemble des compétences qu’elles ont acquises aussi bien dans leur parcours personnel que professionnel.
En fonction des situations et des besoins des femmes accueillies, la Consultation sociale collabore avec le réseau genevois, qu'il s'agisse des partenaires institutionnels ou privés (médecins, gynécologues, psychologues, avocat-e-s, …) ou d’autres associations. Par exemple, avec les juristes de Caritas pour des questions de divorce ou de statuts, l’Hospice général pour des demandes d’aides financières, l’OFPC pour les questions liées à l’insertion professionnelle, la Lavi ou Solidarité Femmes pour les questions liées à la violence, etc. Dans l’accompagnement, les travailleuses sociales de la Consultation sociale se focalisent sur les demandes et les besoins de la femme et en fonction des priorités identifiées, elles l’orienteront vers la structure la plus adaptée pour l’aider à résorber ses difficultés. Le but étant notamment de solidifier tous les niveaux de la vie la personne, tant d'un point de vue familial que social, conjugal, professionnel, médical, financier. Cet équilibre est nécessaire pour permettre aux femmes de développer des projets solides et tenant compte des différents aspects de leur vie. A La Consultation Sociale, il y a deux travailleuses sociales, une responsable et cheffe de projets (Roxane Aubry), une secrétaire sociale et comptable, un employé apprenti de commerce, un chargé de projets et communication (travaillant actuellement spécifiquement sur le développement du projet en lien avec la prostitution des jeunes et des étudiant-e-s). L’ensemble des employé-e-s travaille à temps partiel.
Selon Madame Aubry, l’un des plus grands défis des associations à l’heure actuelle est de maintenir un budget équilibré et des prestations de qualité tout en développant des projets en lien avec les besoins des usagers, ce qui demande de rechercher davantage d’apports financiers. De plus, il y a une augmentation générale des situations de précarité, notamment dans le domaine de la prostitution et qui touche beaucoup de femmes migrantes travaillant à Genève. Face aux demandes croissantes de celles-ci et à l’augmentation de la charge de travail, il est difficile de faire plus sans moyens financiers supplémentaires.
Pour réfléchir à ces enjeux et aux situations des femmes accueillies, la Consultation sociale dispose de plusieurs outils, dont une supervision avec un intervenant externe qui permet d’analyser des situations professionnelles ainsi que des colloques d’équipe qui permettent de réfléchir et d’échanger collectivement. Les membres de l’équipe s’offrent également mutuellement une écoute et un soutien lors des situations difficiles ou complexes. « L’expérience peut également aider à prendre du recul sur les situations et favoriser la réflexion, tout en prêtant une attention particulière à l’empathie et en offrant une écoute de qualité. Rester authentique dans la relation à l’autre à travers l’échange permet aussi de faire circuler les émotions et la pensée. Dans notre manière de recevoir les femmes, nous ne sommes pas dans une position statique où nous absorbons et nous cumulons les émotions de l’autre mais nous sommes centrées sur un échange réciproque. Nous ne sommes pas des « machines » et nous plaçons au centre de notre intervention la rencontre humaine. Même s’il y a parfois des situations de vie très difficiles et douloureuses, l’un de nos objectifs principaux est notamment que les femmes qui viennent nous consulter puissent petit à petit mobiliser leurs ressources, compétences et forces pour développer les projets qui leur tiennent tout particulièrement à cœur et être actrices à part entière de leur vie ! Et l’un des aspects magnifiques de ce travail, c’est la rencontre humaine qui est un enrichissement quotidien ainsi qu’un apprentissage continu sur soi » conclut Madame Aubry.
Association SOS Femmes www.sosfemmes.ch
Interview du 21 octobre 2015
Madame Aubry Roxane
Responsable de la Consultation sociale et cheffe de projets