Le continent américain, tel qu’il fut jusqu’en 1914, ne semblait pas disposé à laisser passer les navires marchands. Il s’allongeait de tout son long tel un barrage naturel et infranchissable par voie maritime, la tête dans la région glacée du cercle arctique et les pieds au bord du célèbre passage de Drake, bras de mer le séparant du pôle sud et subissant des conditions météorologiques extrêmes comptant parmi les pires. Il fallut l’intervention de l’Homme en 1914 pour ouvrir un passage en son centre, à travers l’isthme de Panama qui donna son nom au canal. Dans le domaine du shipping, cette voie d’eau constituée de lacs artificiels, d’écluses et de canaux modifiés, représente une zone incontournable et un point stratégique pour le transbordement de marchandises.
Un raccourci pour les Panamax
Cet étroit chemin reliant la mer des Caraïbes à l’océan Pacifique a permis de raccourcir la route maritime reliant la côte est à la côte ouest nord-américaine d’environ 13'000 km. Ainsi, un transporteur devant atteindre Long Beach (Californie) depuis Houston (Texas) peut couper sereinement à travers ce canal au lieu d’atteindre le cap Horn (Chili), pointe sud du continent américain, et de le remonter par sa côte pacifique jusqu’au port de Los Angeles.
Le canal de Panama, long de 77 km, est traversé par 40 navires en moyenne chaque jour. Une limite, due à une profondeur et une largeur insuffisante, a été fixée quant à la dimension des bateaux pouvant l’emprunter. Tout navire respectant ces normes rentre dans la catégorie dite des « Panamax », et la taxe à payer pour leur droit de passage varie en fonction de leur capacité (en EVP pour les portes-containers et en TONS pour les vraquiers). Les amendes en cas d’absence de déclaration aux autorités compétentes peuvent aussi atteindre des sommes astronomiques.
Un grand plus pour l’économie panaméenne
Bien que les coûts financiers (et humains) pour la construction et l’entretien de ce chef d’œuvre de l’ingénierie soient élevés, ce monument considéré comme l’une des 7 merveilles du monde moderne établie par l’ASCE rapporte aujourd’hui plus d’un milliard de dollars par an. Ce montant pourrait continuer à augmenter dans la mesure où l’administration du canal continue à investir dans sa modernisation et son élargissement, afin de pouvoir inclure de plus gros bateaux dans le cercle des « Panamax ». En revanche, bien que la menace ne semble pas encore concrète, il pourrait être soumis à rude épreuve si le projet du canal du Nicaragua venait à voir le jour pour le concurrencer de manière directe.
En attendant, le gouvernement panaméen possède l’unique porte permettant de franchir le continent et gère ce monopole comme il l’entend. Pour preuve, il est allé jusqu’à céder les rênes des opérations des terminaux de Balboa et de Cristobal, situés aux deux extrémités du passage, à la société chinoise Hutchison Whampoa, au grand dam des Etats-Unis qui ne voyait pas d’un bon œil une telle transaction avec leur rival économique. Ces deux ports sont d’ailleurs des points stratégiques pour le transbordement de containers, qu’ils proviennent du continent, d’Europe ou d’Asie. La République de Panama s’enrichit de jour en jour, tout en alimentant le marché de l’emploi grâce au projet de développement du canal. Ce même canal permet aux navires une économie d’énergie profitable aussi bien aux compagnies maritimes qu’à l’environnement et ses militants.
Un grand moins pour l’écologie
S’il offre au moyen de transport le moins polluant l’opportunité de consommer moins de fuel, combustible dérivé du pétrole, son impact sur l’écosystème local est par contre loin d’être négligeable. En séparant l’Amérique et, de ce fait, en fragmentant les écosystèmes, la biodiversité de la faune et de la flore terrestre locale s’est appauvrie. Avec la pollution due au bétonnage des écluses et l’ouverture d’un passage, fermé durant des millions d’années, qui a provoqué le développement d’espèces exotiques envahissantes, le canal peut également être considéré comme l’une des plus grandes calamités environnementales du XXème siècle. Le lac artificiel Gatún, principal débit d’eau pour le canal, rencontre des périodes de sécheresses qui n’existaient pas jusqu’à l’ouverture de cette voie d’eau. De plus, les travaux d’élargissement du canal ne peuvent se faire qu’à travers la déforestation d’une zone tropicale, essentielle à l’apport d’oxygène sur Terre.
En bien ou en mal, le canal de Panama alimente à lui tout seul des questions économiques, politiques et écologiques, régionales, continentales ou mondiales. Véritable mastodonte de l’ingénierie moderne, il représente un exemple pour tout projet à priori titanesque. L’une des prochaines dates à retenir : mai 2016. C’est le nouveau délai que s’est imposé le gigantesque chantier pour ouvrir son nouveau canal. Celui-ci aurait dû être opérationnel depuis octobre 2014, mais a été retardé par différents facteurs, tels que les grèves dues aux conditions de travail des ouvriers et le climat devenu imprévisible. Des facteurs auxquels, quand on y songe, le canal lui-même n’est pas totalement étranger…
Sources : http://www.meretmarine.com/fr
Crédit photo et vidéo : Wikipédia