Le « crowdfunding » ou « financement participatif » ou encore « production communautaire » est un concept qui a le vent en poupe. Comment financer un projet culturel lorsque vous ne voulez ou ne pouvez faire appel, ni à l’Etat, ni aux grands donateurs privés ou classiques (sociétés, banques, fondations, mécènes particuliers, etc…) ? Il reste une troisième voie : le public. Comment l’atteindre de manière rapide et illimitée ? Par internet. L’idée est la suivante : vous avez un projet ou une idée et vous faites appel à un site internet de financement participatif, qui lui-même mettra en ligne votre projet pour récolter des fonds auprès des internautes. Entrent donc en jeu trois acteurs : le porteur de projet, le site internet de crowdfunding et la foule. Le porteur de projet doit réellement cibler le type de site internet par lequel il veut lancer son projet. En effet, les sites de crowdfunding ne véhiculent pas tous les mêmes valeurs, la même ligne éditoriale et n’ont pas tous la même popularité, ni le même pourcentage pris à la collecte (A).
Il existe des règles pour que le porteur de projet réussisse son financement : un projet attrayant qui mobilise les émotions du public, un montant global réaliste et une date limite de collecte, un découpage du projet en phases de financement, une bonne vidéo du projet avec un effort promotionnel soutenu et continu tout au long de la campagne, une bonne contrepartie pour ses contributeurs, une communication très régulière avec eux, un public passionné existant et enfin un réseau de connaissances initial qui s’étendra progressivement (B). Amanda Palmer, diva du groupe cabaret-punk Dresden Dolls a bien compris ces principes : via le site américain Kickstarter, elle a réussi à collecter plus de 900'000 dollars US en moins d’un mois alors que son objectif initial était de 100'000 dollars US (C). Mais alors, quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle démarche pour un projet culturel ?
Les avantages (B)
- Le porteur de projet est moins dépendant du bon vouloir des grands et classiques pourvoyeurs de fonds.
- La levée de fonds peut être très rapide et même dépasser l’objectif initial.
- Le pouvoir est « rendu au peuple » : celui-ci est fortement impliqué et il n’existe plus d’intermédiaires entre lui et le porteur de projet, si ce n’est le site internet de financement participatif.
- Le financement est fondé sur la confiance et les paiements des internautes sont généralement sécurisés.
- De par l’interactivité très forte avec les internautes, le retour de ces derniers permet de récolter des informations précieuses sur ce qui les intéresse. Cela constitue une bonne étude de marché pour un projet actuel ou futur.
- Si un projet fonctionne, cela augmente la visibilité de son porteur et rehausse sa réputation.
Les inconvénients (B)
- Le mécontentement des pourvoyeurs de fonds classiques reste à craindre car les sites de crowdfunding deviennent leurs concurrents.
- Le cadre juridique est encore flou car ce type de financement est relativement récent.
- Les arnaques potentielles vis-à-vis du public existent bel et bien.
- La propriété intellectuelle n’est pas garantie via internet en raison du vol d’idées ou du plagiat.
- Lancer et soutenir un projet engendre des coûts, car des compétences sont nécessaires pour le mener à bien.
- Il faut séduire constamment l’internaute, sensibiliser le public à ce nouveau mode de financement, et veiller à ne pas épuiser les donateurs en les sollicitant financièrement trop souvent.
- Il n’existe, pour l’heure, aucun avantage fiscal pour les internautes-donateurs contrairement au financement classique.
- Avec la crise économique, les internautes hésitent fortement à se lancer dans de nouvelles pratiques, préférant sécuriser et économiser leur argent.
- Un projet qui ne fonctionne pas peut entacher la réputation de son porteur, car il s’agit d’un échec public.
Au vu de tout ce qui précède, quel est le bon état d’esprit pour aborder le crowdfunding lorsqu’on veut financer un projet culturel ?
A mon avis, les maître-mots sont l’expérimentation et la prudence, bref le pragmatisme. Le financement participatif est récent, et reste un effet de mode disent certains, il s’agit donc de rassurer tous les acteurs, porteurs de projets autant qu’internautes-contributeurs, en avançant de manière posée et réfléchie. Aux USA, où le JOBS Act a été promulgué le 5 avril 2012 par le président Barack Obama, le cadre légal a pourtant évolué très rapidement en faveur du crowdfunding. En Europe, certains craignent déjà que l’on soit dépassé par les Américains de par toutes les conséquences économiques que cela impliquerait (D). Cela peut se comprendre et il serait en effet dommageable de ne pas prendre le train en marche de ce que certains appellent déjà une troisième révolution industrielle, fondée sur le partage et la circularité.(E)
Sources:
A : www.goodmorningcrowdfunding.com – 10.07.2013 – Article de Clara « Crowdfunding et musique classique »
B : toc-arts.org – 26.05.2012 – Article de Lilian « Le guide du crowdfunding pour les artistes » ; cmf-fmc.ca – août 2012 – Etude du Fond des médias canadiens « Financement participatif dans un contexte canadien »
C: www.01net.com– 28.05.2012 – Article de Eric le Bourlout « Amanda Palmer fait une révolution musicale sur Kickstarter »
D: Le Figaro – 20.08.2012 – Article de Baptiste Deheunynck « Financement participatif : le Web fédère les investisseurs »
E : Le Monde – 16.01.2013 – Article d’Aureliano Tonet « La création à l’heure du crowdfunding
photo credit: mikecogh via photopin cc / Vetto via photopin cc