La procédure d’exécution forcée est régie en Suisse par la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) du 11 avril 1889, complétée d’ordonnances et règlements du Conseil Fédéral et du Tribunal Fédéral.
La loi connaît plusieurs types de poursuite qui se distinguent par la nature de la créance à recouvrer. La plus courante est la poursuite ordinaire qui sera traitée ici. Il existe d’autres poursuites dites « spéciales », à savoir la poursuite en réalisation de gage mobilier ou immobilier, la poursuite pour loyers et fermages et la poursuite pour effets de change qui ne seront pas abordées dans cet article, parce que nettement moins utilisées par les créanciers et très spécifiques dans leurs exécutions.
La notion de domicile
Dans un précédent article, la question du for de poursuite a été abordée. Lorsqu’un créancier souhaite entreprendre une mise en poursuite ordinaire contre un débiteur, il doit le faire au for ordinaire de la poursuite et donc auprès de l’Office compétent sous peine de nullité de sa démarche. Il a également été précisé que ce for est au domicile du débiteur. L’article 23 al. 1 et 2 du Code civil donne une définition très précise de cette notion : « le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir…nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles »
La poursuite ordinaire
A réception du réquisition de poursuite, qui contient les noms, prénoms et domiciles du débiteur et du créancier, le montant de la créance en valeur légale, le taux d’intérêt et le jour à partir duquel il court, ainsi que le titre de la créance ou la cause de l’obligation (art. 67 LP), l’Office délivre un commandement de payer en deux exemplaires, l’un pour le débiteur, l’autre pour le créancier et le notifie. L’avance de frais est faite par le créancier, mais est à la charge du débiteur.
Les articles 64 à 66 LP précisent les modalités de cette notification pour les personnes physiques et morales, notamment lorsque celle-ci est impossible, parce que le débiteur est soit introuvable, soit à l’étranger. La notification est opérée par un fonctionnaire de l’Office ou par la Poste.
La personne poursuivie qui entend contester la créance pour la totalité ou pour une partie de celle-ci doit formellement faire opposition verbalement à celui qui lui remet le commandement de payer ou par écrit à l’Office dans les dix jours à compter de la notification. Cette opposition n’a pas besoin d’être motivée. L’article 73 LP permet au débiteur de demander à l’Office d’inviter le créancier à présenter ses moyens de preuves, avant le délai d’expiration du délai d’opposition.
L’opposition a comme effet de suspendre la poursuite et d’obliger le créancier à obtenir la levée de cette opposition auprès du juge, qui se prononcera sur la base des éléments en sa possession (jugement, reconnaissance de dette ou décision de justice…). Les articles 80 et suivants traitent des procédures de levée d’opposition, des délais à respecter pour introduire des actions, ainsi que des voies de droit à disposition des différentes parties.
La réquisition de continuer la poursuite
Lorsque la procédure n’est pas suspendue par l’opposition ou par un jugement et à l’expiration du délai de vingt jours fixé par la loi, le créancier dispose d’une année à compter de la notification pour poursuivre la procédure et requérir la continuation de la poursuite. En cas d’opposition, ce délai ne court pas entre l’introduction de la procédure judiciaire et le jugement. Le non-respect de ce délai d’une année rend la poursuite caduque.
L’exécution de la saisie
L’Office procède, sans retard à réception de la réquisition de continuer la poursuite, à la saisie en avisant, au plus tard la veille, le débiteur par l’envoi d’un avis de saisie en pli simple et recommandé. L’article 91 LP précise les devoirs du débiteur et des tiers sous menace des peines prévues par la loi, notamment l’obligation d’assister à la saisie ou de s’y faire représenter (art. 323, ch. 1 CP) et d'indiquer jusqu'à due concurrence tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, ainsi que ses créances et autres droits contre des tiers (art. 163, ch. 1, 323, ch. 2, CP).
L’Office peut requérir l’assistance de la force publique si nécessaire, en cas d’absence du débiteur le jour de la saisie.
La saisie, la revendication et la réalisation
L’Office saisit en premier lieu les meubles, les créances et les revenus du débiteur. Les immeubles ne sont saisis qu’à défaut de biens mobiliers suffisants pour couvrir la créance. Toutefois, l’Office peut s’écarter de cet ordre si les circonstances le justifient. De manière générale, le fonctionnaire qui procède à la saisie doit concilier autant que possible les intérêts du créancier que ceux du débiteur et ne saisir, de ce fait, que les biens nécessaires pour couvrir la créance en capital, intérêt et frais. Une fois les biens saisis, il est interdit au débiteur d’en disposer sans s’exposer aux conséquences pénales prévues notamment par l’article 169 du code pénal. Il arrive que certains objets sont déclarés insaisissables en application de l’art. 92 LP ou relativement saisissables selon l’art. 93 LP. Cette notion de l’insaisissabilité fera l’objet du prochain article.
L’Office rédige un procès-verbal de saisie qui mentionne les objets saisis et les éventuelles prétentions de tiers. A propos de ces revendications et en cas de contestation d’une des parties au moins, l’Office doit déterminer si le bien saisi se trouve en possession exclusive du débiteur (art. 107 LP) ou en possession de tiers (art. 108 LP) et ouvrir des délais pour permettre aux parties concernées, mais également au pouvoir judiciaire, de se prononcer sur ces prétentions. A l’échéance du délai de participation, le procès-verbal de saisie sera communiqué au débiteur et aux créanciers participants
Lorsque le débiteur ne possède aucun bien saisissable, l’Office rédige un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de bien au sens de l’art. 149 LP. Cet acte vaut comme reconnaissance de dette et confère au créancier le droit de continuer la poursuite dans les six mois de la réception de l’acte de défaut de bien, sans nouveau commandement de payer, mais sans pouvoir réclamer d’intérêts au débiteur. La délivrance de cet acte de défaut de bien clôt la procédure d’exécution forcée et se prescrit par vingt ans.
En cas de saisie de biens mobiliers ou assimilés, comme une voiture ou un revenu par exemple, la réquisition de vente peut être demandée par le créancier dans un délai d’un mois au plus tôt et d’une année au plus tard après l’exécution de la saisie. Ce délai est respectivement de six mois et de deux ans en cas de saisie immobilière. La personne saisie dispose d’un ultime moyen pour éviter la vente de ses actifs : il s’agit du sursis prévu par l’article 123 LP s’il rend vraisemblable qu'il peut s’acquitter de sa dette en s'engageant à verser à l'Office des poursuites des acomptes réguliers et appropriés. Toutefois, si une mensualité est impayée, le sursis devient caduc et la vente immédiatement exécutée.
La réalisation de ces biens mobiliers fait l’objet d’une vente aux enchères publiques sous l’égide de l’Office. La vente « de gré à gré » ou à l’amiable, avec l’accord de toutes les parties, est également possible et autorisée par la loi. Le produit de cette vente sert en premier lieu à couvrir les frais de l’Office et en second lieu à payer les créanciers au prorata de leur créance. Toutefois, certaines créances bénéficient de privilèges dits « de première, deuxième ou troisième classe » en fonction de leurs natures (art. 219 LP). Ainsi, certaines créances d’entretiens et d’aliments ou celles découlant d’un contrat de travail sont des créances de 1ère classe, qui doivent être payées avant toutes les autres.
La saisie et la vente immobilière font l’objet d’une procédure spéciale, qui entraîne des mesures spécifiques (annotation au Registre foncier, estimation de l’immeuble par un expert, encaissement de loyers, assurance de l’immeuble entre autres). Tout comme pour les biens mobiliers, la vente d’un bien immobilier a lieu principalement par la voie d’enchères publiques, même si la vente de gré à gré est légalement possible. La procédure et les conditions de vente sont strictes et régies par les articles 133 et suivants de la LP
Prochain sujet : le minimum vital et l’insaisissabilité
Source : Entreprise romande
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