Le journalisme est-il pratiqué aujourd'hui comme il y a 30 ans ? Les réseaux sociaux ont-ils modifié la façon de concevoir le métier ? La perception de l’information par les lecteurs adeptes du digital est-elle différente des inconditionnels de la presse papier ? Quelles sont les dernières évolutions ? Autant de questions que Darius Rochebin, présentateur à la RTS et Fabio Lo Verso, directeur de publication et fondateur au journal La Cité ont tenté de répondre en apportant leurs connaissances et points de vue lors d’une conférence publique le 8 mai 2014 à l’Université de Lausanne.
Les nouvelles technologies ont forcé les journalistes à repenser le métier
Pour Darius Rochebin « pratiquer le journalisme il y a 25 ou 30 ans était un autre monde ». L’information circulait en échangeant des textes sur papier et les salles de rédaction étaient bercées par le son de la machine à écrire, outil de travail ancestral, mais indispensable pour tout journaliste ayant connu cette époque.
« L’éditorial » était alors la partie la plus importante d’un journal et se voulait volontairement très politique et engagé, avec une forte connotation de gauche ou de droite, voire polémique. C’était une époque où la presse était intellectuellement très rigide.
Aujourd’hui, la nouvelle façon de pratiquer, de concevoir le journalisme accorde plus de liberté et apporte une grande richesse intellectuelle, primordiale à la compréhension de l’information. Depuis peu, les réseaux sociaux ont modifié le monde des médias en permettant au métier de journaliste de prendre son envol.
Darius Rochebin nous donne son avis : « La logique démocratique et argumentative prévaut sur le net actuel. Le saut qualitatif est indéniable et a permis au journalisme de faire un pas de géant. L’onde de choc d’une info sur internet est considérable par opposition aux médias traditionnels ».
Pour Fabio Lo Verso, « le journaliste donne du sens à l’information en utilisant la boîte à outils à sa disposition (interviews, reportages, enquêtes), tout en respectant le code de déontologie de la profession en vérifiant toujours l’information ».
Selon le fondateur de La Cité, la parfaite cohésion entre le journalisme et les nouvelles technologies est le site d’information Médiapart. Cependant, opposer le journal à l’internet est un faux débat, car un jour tout devrait disparaître au profit de la feuille d’information électronique et ce débat entre presse classique ou technologie s’évaporera de lui-même.
Le sujet sur la façon de concevoir le journalisme passionne. En Suisse, des discussions ont eu lieu jusqu’au Conseil Fédéral pour tenter de répondre à cette question : les journalistes suisses ont-ils la capacité de remplir leurs rôles d’informateurs de l’opinion ? En réponse aux questions posées par le conseiller national Hans-Jürg Fehr et fondé sur des études scientifiques, un rapport du Conseil Fédéral a tenté d’apporter quelques pistes, afin de garantir la diversification du paysage médiatique en Suisse.
Robots contre journalistes ?
Qui gagnera la guerre de l’information s’interrogent Rue89 et le Nouvel Observateur ? Des algorithmes qui mettent en scène l’information à partir de données tirées du monde sportif, économique ou de la santé… Un véritable cauchemar pour les journalistes de métier. 1
L’arrivée des robots n’a qu’un seul but : fournir des articles au monde entier sous pseudonyme en partant d’une base de données comprenant des milliers d’articles. L’article de Rue89 précise que « tomber sur des articles écrits par des robots, écouter des flash radios débités par des robots, reprenant des dépêches de robots...voilà une idée qui pourrait paraître bien farfelue. Les récentes avancées de la technologie semblent prouver le contraire ».
Alors doit-on craindre à la robotisation du journalisme ? Le patron de Narrative Science, Kristian Hammond n’a pas hésité à déclarer que le Pulitzer serait gagné par un robot dès 2016, ou encore que d’ici 10 ou 15 ans, 90% des articles seraient générés algorithmiquement. 2
Autre tendance : les hyper-journaux
Auparavant, 90% du budget des journaux provenait à la publicité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pour trouver d’autres modes de financement, la nouvelle tendance est à l’hyper-journal, soit l’association entre des titres de presse et des géants du web. En août 2013, Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.com achète le Washington Post pour un montant de 250 millions US dollars. Voilà certainement le nouveau mode de financement de la presse.
Face à ce phénomène, que va faire le géant Google ? Fabio Lo verso parie sur le rachat de chaînes de télévision par Google et l’utilisation de drones pour filmer le quotidien des gens pour faire de l’information et du « buzz ».
Avenir du journalisme classique ?
Selon Darius Rochebin, « faire des prévisions sur l’avenir du journalisme est impossible ». D’après le présentateur du 19:30, les médias classiques que sont la radio, la télévision ou la presse écrite ne disparaîtront pas. C’est l’usage que nous en ferons qui va changer. A l’avenir, le journalisme d’investigation va prendre plus d’importance, au contraire des débats d’opinion des médias généralistes qui sont en constante baisse. Il précise encore : « La presse d’aujourd’hui, bien que très fiable, est moutonnière. Pour sortir de cette impasse, le journalisme d’investigation est la solution ».
Fabio Lo Verso s’attache au modèle économique et au mode de financement quand il parle d’avenir, en affirmant : « Trouver le bon financement et le journal survivra ». Puisque tout le monde s’accorde sur le fait que la publicité d’antan est révolue, quelles seront alors les futures règles de financement du monde des médias ? Pour lui, les lecteurs mécènes seront les financiers de demain.
Des éditeurs ont cru transformer du plomb en or en transposant le journalisme sur le web et ils s’y sont mordus les doigts 3
Sources :
1 http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/04/robots-contre-journalistes-gagnera-guerre-linformation-251911
2 http://www.wired.com/2012/04/can-an-algorithm-write-a-better-news-story-than-a-human-reporter/
3 propos de Fabio Lo Verso, fondateur de la Cité
Photo credit: caribb via photopin cc
C'est un article très intéressant. J'espère que le journalisme d'investigation va se répandre de plus en plus, montrant les connections cachées entre les divers événements et parlant plus des origines de ces nouvelles, avec le suivi. J'aimerais bien une présentation égale des actualités: mentionnant la bonté de la vie, au lieu de faire croire que beaucoup de choses tombent mal dans la vie. Il est important de parler des aspects positifs aussi - les entraides, les bons résultats, les naissances, les guérisons, les inventions pour faciliter la vie, etc.