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Le rôle des fiduciaires dans la tourmente économique et fiscale suisse

Écrit par Marjorie Thery
Paru le 13 mars 2013

fiscalitéEn cette période de turbulences économiques et financières, marquée notamment par la crise de la dette dans les pays européens, les questions fiscales reviennent régulièrement sur le devant de la scène. En effet, face à des dettes colossales et la pression du marché et des agences de notations, l’Europe doit trouver de nouvelles sources de revenus.

Ainsi tous les regards se tournent vers les multinationales activent en Europe, mais domiciliées fiscalement en Suisse du fait d’un statut fiscal avantageux. Après avoir obtenu un allégement du secret bancaire en Suisse depuis 2009, l’Union Européenne exerce une forte pression sur la Suisse. Des négociations sont en cours entre Berne et Bruxelles et devraient aboutir à terme à un durcissement de la situation fiscale des multinationales en Suisse.

Pour discuter de ces problématiques, notamment des conséquences qui en découleront pour l’économie suisse nous avons rencontré Monsieur Sylvain Godinet, associé et directeur général adjoint du Groupe BEAU et directeur de Beau Lawyers SA, dont nous avons fait le portrait dans un précédent article. 

L’environnement actuel est très incertain. Dans quelle mesure la crise financière et économique a-t-elle un impact sur votre métier ?

SG: Dans notre société, le cas est un peu particulier parce que nous travaillons essentiellement avec les sociétés de négoce de pétrole et de matières premières, qui est un secteur peut-être moins impacté par les difficultés économiques. Ceci entre autres pour la raison suivante : les autorités suisses et les autorités cantonales également ont conçu pour les sociétés de négoce des statuts légaux et fiscaux particuliers qui sont particulièrement intéressants pour les sociétés de négoce. Genève est une place financière majeure et la présence des banques importantes qui ont placé à Genève des infrastructures et des personnels compétent permettent aux opérateurs de trouver à Genève des financements des opérations de négoce. Enfin le négoce suppose d’attirer du personnel très qualifié sur place et Genève possède des conditions de vie très appréciées: des écoles de très bon niveau avec des enseignement en plusieurs langues, des conditions géographiques agréables, un bon niveau de sécurité qui fait que les actionnaires, les dirigeants et les personnels importants de ces entreprises sont heureux de se déplacer et venir vivre à Genève.

Dans la finance, et dans d’autres domaines plus traditionnels notamment dans l’horlogerie ou dans l’industrie, nous suivons des familles depuis très longtemps et nous avons pu ressentir la crise de manière un peu plus sévère 

Nous avons la chance d’avoir un marché de « niche », d’avoir les traders qui nous font confiance depuis de nombreuses années et qui restent fidèles. Ceci fait que notre société est un peu à l’abri des difficultés économiques mondiales. Par contre nous pouvons observer l’impact de la crise économique sur nos activités hors négoce. Typiquement dans la finance, et dans d’autres domaines plus traditionnels notamment dans l’horlogerie ou dans l’industrie, nous suivons des familles depuis très longtemps et nous avons pu ressentir la crise de manière un peu plus sévère.

Mais il y a aussi des effets bénéfiques induits. L’une des tendances intéressante en ce moment c’est typiquement des sociétés étrangères, notamment françaises qui profitent de la relative morosité des industries suisses du fait de la crise et du franc fort pour mettre en place des stratégies d’acquisitions. Il y a une mécanique macroéconomique qui se met en place et qui fait que nous voyons du coté suisse des entreprises un peu fragilisées dont la valeur à tendance à baisser et coté français des chefs d’entreprises inquiets notamment sur le plan de la stabilité politique, tous phénomènes qui pris conjointement ont pour conséquence que les entreprises suisses deviennent des cibles de croissance externe pour les sociétés françaises.

Alors les sociétés françaises nous mandatent pour opérer ce qu’on appelle du M&A (i.e. « Mergers and Acquisition ») c’est-à-dire sélectionner et valoriser des sociétés suisses que nous retenons sur différents critères (potentialités en terme de marché local, de synergie de production, de marques et brevets, de savoir faire...) Alors nous prenons contact avec les actionnaires de ces sociétés pour mesurer leur intérêt à un rapprochement ou à une vente puis nous effectuons les "due diligences", c’est-à-dire les vérifications des éléments juridiques, comptables, financiers etc… de la société rachetée puis les documents d’acquisition.

Est ce que vous remarquez ce phénomène d’achat d’entreprises suisses par d’autres pays ? 

SG: Oui en effet, nous notons également ce phénomène d’augmentation des acquisitions de sociétés suisses et européennes par des sociétés de pays comme la Chine, et les pays du Moyen-Orient. Dans ces cas le phénomène est un peu différent même s’il provient en partie d’une méforme plus globale des sociétés européennes et suisses et qui s’oppose à la relative santé économique de la Chine et des pays du Moyen-Orient, qui font que les intervenants de ces pays disposent de trésoreries très conséquentes. Et donc leur intérêt à court terme est d’acquérir des sociétés européennes à des coûts intéressants.

Cependant l’objectif visé par ces deux sous-continents est très différents. Pour les chinois, l’objectif est principalement d’acquérir de grandes marques et également du « savoir faire », c’est-à-dire des connaissances techniques propres à un métier et qui pourront se répliquer en Chine sur un marché intérieur beaucoup plus important que les marchés suisses ou européens. L’approche des pays du Moyen-Orient est en général un peu différente. Elle répond d’avantage à une logique de placement où les sociétés recherchées sont celles qui sont profitables, génératrice de cash-flow, car en effet, le Moyen-Orient investit moins dans le développement de son propre marché intérieur. Ces opérations deviennent aussi une partie importante de notre activité.

L’Union européenne fait pression actuellement sur la Suisse pour qu’elle mette un terme à certaines pratiques fiscales. Quel est votre sentiment sur cela?

 SG: Mon sentiment ? Mon métier fait que je ne réagis pas tellement en termes de sentiment (rires). Mes clients me demandent de répondre à des problématiques. Ce que je peux dire c’est que la politique mise en place par les autorités suisses pour montrer sa bonne foi au reste du monde en matière bancaire et fiscale fonctionne. C’est-à-dire que les décisions qui sont prises par les autorités pour empêcher les ressortissants étrangers de cacher leurs avoirs non déclarés à leurs administrations fiscales en Suisse est suivi d’effet. Nous en observons les conséquences de manière très précise dans notre relation avec les banques notamment. Les exigences ont fortement augmentées en matière de « compliance » et de « due diligence ». Donc les décisions politiques ont l’air de porter leurs fruits. Le seul petit coté négatif c’est que cette tendance politique a parfois pour effet de décourager les banques de tenir leur rôle de financeur de l’activité économique. Nous avons parfois observé une grande frilosité des banques pour des financements industriels et commerciaux typiquement lorsque sont présents dans le dossier ce que les banques appellent les PEP (i.e. « politically exposed persons ») ou encore aussitôt qu’il existe dans le dossier un SCAP (i.e. « sensitive country affected party ») ce qui, je crois, n’était pas le but des récents changements politiques. Il devient extrêmement difficile voire parfois impossible d’obtenir des ouvertures de comptes bancaires commerciaux pour des bénéficiaires économiques venant des Emirats car le système présent dans ces pays fait que les investisseurs fortunés possèdent souvent également une fonction politique. Il est très complexe d’ouvrir des comptes bancaires commerciaux pour des sociétés traitant avec les pays de l’est (souvent classés SCAP) alors même que les activités sont expliquées et les profits clairement sourcés. C’est à mon avis le seul effet négatif des évolutions législatives mais cet effet est encore assez marginal.

Si la Suisse cède à la pression et décide de revoir son système fiscal, pensez vous que les conséquences sur l’économie peuvent être encore plus dramatique ?

SG: Je pense que ce n’est pas une hypothèse de travail quand vous dites si la Suisse cède. Je pense qu’on peut considérer que la Suisse à cédé. Par contre ce n’est pas comme un barrage qui se casse, je dirais plutôt que c’est comme des vannes qui s’ouvrent, pardonnez moi de la métaphore, mais ça n’est pas brutal car la Suisse maitrise le flux.

La politique mise en place par les autorités suisses pour montrer sa bonne foi au reste du monde en matière bancaire et fiscale fonctionne

Ce que je peux affirmer même si je suis arrivé relativement récemment en Suisse c’est que la Suisse n’est ni un paradis fiscal ni un paradis bancaire. Par suite et pour répondre à votre question, je pense que les conséquences sont assez marginales pour l’économie suisse. Cela pourra aussi être bénéfique pour le secteur bancaire qui aura le challenge de ne pas se focaliser sur le « privatebanking » seulement mais de construire ou développer le financement des activités économiques. Aujourd’hui par exemple, on peut signaler le travail extraordinaire de la BNP Paribas avec les sociétés de négoces. Elle domine largement se secteur de la « corporate finance » pour le négoce au niveau de la Suisse et il me semble même au niveau mondial.

La Suisse n’est ni un paradis fiscal ni un paradis bancaire

Craignez-vous, comme certains le pense, que la Suisse pourrait voir certaines multinationales et leurs revenus quitter son territoire en cas d’abolition des forfaits fiscaux ?

SG: A mon avis, les dispositions sur les forfaits fiscaux ne sont pas complètement pertinents en matière d’activité économique. Par principe, les bénéficiaires de forfaits fiscaux ne sont pas autorisés à travailler en Suisse et leur présence n’est que rarement accompagnée d’une installation d’entreprise et d’une véritable création de richesse. Je ne mesure pas l’impact de l’abolition des forfaits fiscaux mais je suis certain que ce calcul a été effectué de manière précise par les autorités et que la Suisse ne sera pas perdante. La clientèle du groupe BEAU est nettement internationale : 80 à 90% de nos clients sont des sociétés étrangères ou disposant de filiales ou sociétés apparentées dans des pays tiers. A ce titre, je pense que les éléments essentiels qui font que la Suisse attire les multinationales sont encore présents. Ce sont à mon avis sur le plan financier : la disponibilité du crédit et le statut fiscal de société auxiliaire. Sur le plan humain je dirai la qualité du système politique et administratif et la qualité de la vie en Suisse : la sécurité, la qualité des écoles, la présence des écoles internationales etc… Cependant nous pouvons constater qu’à Genève la sécurité a clairement baissé, nos clients nous le disent. Nous considérons que cela pourrait nuire à l’attractivité de Genève à moyen terme. Cela peut avoir l’air marginal ou insignifiant dans le cadre d’une vision politique globale, mais dans l’approche pratique qui est la notre, nous savons que la présence d’une société tiens en fait essentiellement à ce genre de détails et moins aux politiques macroéconomiques. Pour les activités de négoces qui sont génératrices d’un fort chiffre d’affaires par employés, et où, donc, le confort des dirigeants et des salariés est déterminant, la qualité de vie est un élément essentiel. Une des spécialités du Groupe BEAU c’est d’opérer des transferts de siège dans un temps très limité et avec des formalités très réduites pour les propriétaires et dirigeants. Nous parvenons parfois à opérer ces transferts par un seul set de documents. Jusqu’à aujourd’hui, cette compétence nous a servi et nous avons permis l’installation en Suisse de nombreuses sociétés. Il faut comprendre qu’aujourd’hui l’arrivée ou le départ d’une société peut-être réalisée très rapidementpour les dirigeants et qu’il ne faudrait pas que la chose se retourne contre nous et que nos clients décident de quitter la Suisse. Qui plus est pour des raisons justifiées.

Aujourd’hui l’arrivé ou le départ d’une société est très aisé à réaliser, il ne faudrait pas que la chose se retourne contre nous. La disponibilité et le professionnalisme de l’administration publique Genevoise est très apprécie des multinationales

Quelle est la concurrence de pays comme le Singapour ou la Malaisie qui essaient d’attirer des multinationales installées en Suisse. Qu’en est-il ?

SG: Je cnnais moins la Malaisie mais Singapour est parvenu à établir des statuts fiscaux comparables à ceux existants en Suisse avec des incitations fiscales par catégorie d’activité. C’est tout l’esprit de ce qu’on appelle les accords de sociétés auxiliaires en Suisse. L’idée étant de taxer les entreprises par rapport à leur utilisation réelles des infrastructures publiques du pays. En effet, dans l’esprit de la loi, il est considéré qu’une entreprise réalisant ses transactions commerciales hors du pays, et sans utiliser les infrastructures du pays bénéficie d’un allégement d’impôt et soit privilégiée, par rapport à une société qui va utiliser ses infrastructure par exemple une aciérie qui va beaucoup polluer, utiliser les routes et les ouvrages collectifs, etc... Vous avez le même genre de statuts fiscaux ciblés à Singapour permettant d’avoir des taux d’impôt en relation avec l’activité exercée et son impact positif sur l’économie locale. Les sociétés de shipping et de négoce sont notamment favorisées. Elles l’étaient à Genève, elles le sont à Singapour. Voilà sur quel terrain la concurrence s’est engagée.

beaucoup de multinationales présentes à Genève ont dupliqués leurs structures et disposent également de bureaux à Singapour.A l’avenir, elles pourront choisir en un instant de déplacer le centre de leurs activités de Genève à Singapour

Nous avons-nous mêmes notre bureau à Singapour depuis très longtemps et avons développé une bonne relation avec l’administration fiscale locale notamment. Évidemment notre intérêt serait de favoriser les installations en Suisse car nous y sommes mieux implantés et la majorité de nos équipes s’y trouve, cependant parfois l’intérêt de nos clients est de choisir Singapour.

Si vous deviez démontrer aujourd’hui la force de Genève, quels seraient vos principaux arguments ?

SG: Un système bancaire plusieurs fois centenaire et l’intelligence du système politique et administratif de Genève. Pour avoir travaillé en Afrique, en Angleterre, en France et en Italie, le système administratif suisse est impressionnant d’efficacité et d’honnêteté: une qualité de service, une qualité d’accueil, l’honnêteté et la bonne foi des agents de l’administration qui est à mon avis unique au monde. Ces qualités existent à mon avis de la même façon au niveau politique : il existe une qualité d’écoute entre les différents partis, une grande honnêteté intellectuelle qui est presque totalement absente dans d’autre pays, une qualité de débat et également une justesse dans la prise de décision : des décisions qui sont prises rapidement et une capacité du pays à s’adapter aux circonstances sans sur-réaction. Je crois que ces éléments sont extrêmement agréables et à mon avis appréciés à leur juste valeur par les entreprises qui viennent s’installer.

le système administratif suisse est impressionnant d’efficacité et d’honnêteté: une qualité de service, une qualité d’accueil, l’honnêteté et la bonne foi des agents de l’administration qui est à mon avis unique au monde

Propos recueillis par Cheikh SENE.

photo credit: Alan Cleaver via photopin cc

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