Guy Suchet, Directeur des ressources humaines de la Federation des Entreprises Romandes à Genève depuis 2005, a bien voulu répondre à nos questions sur ce qui fait une candidature pertinente à ses yeux.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours ?
Guy Suchet : J’ai une formation de géologue et ai travaillé dix ans dans ce domaine. En 1998, j’ai été engagé à la FER Genève comme Secrétaire pour les associations professionnelles. Une réorientation qui a été possible parce que j’avais une bonne connaissance des institutions et des entreprises. En 2005, on me propose de prendre la direction du département RH. Je me rappelle avoir répondu au Directeur de l’époque que les ressources humaines n’étaient pas mon métier. Il m’a expliqué que je faisais déjà un travail de RH dans le poste que j’occupais mais que je ne m’en étais pas aperçu. J’ai accepté le poste en duo durant la première année, pris des cours au centre de formation ressources humaines romandes (CRQP) et depuis, je continue d’apprendre tous les jours!
Le curriculum vitae
Quelle est l’impression générale que doit dégager le candidat à travers son CV ?
Pour le recruteur, recevoir un CV c’est établir un premier contact avec le candidat. Et, comme dans une discussion, il est très important de présenter les choses avec clarté à son interlocuteur. Privilégier la lisibilité dans sa manière de se présenter s’avère essentiel dans la mesure où le recruteur doit pouvoir repérer les informations qui l’intéressent au premier coup d’œil. Soigner la forme c’est aussi éviter de présenter les informations par blocs. D’où l’importance d’une mise en page lisible, sans quoi le candidat manquera de visibilité.
Est-il plus judicieux de présenter des réalisations concrètes ou de décrire les tâches effectuées dans les postes précédents ?
Lorsque le savoir-faire a une importance prépondérante pour le poste, il est important d’être factuel et de mentionner des exemples chiffrés. Par exemple, pour un cuisinier, chiffrer le nombre de couverts, sans oublier d’indiquer les personnes de référence. Dans le cas d’un poste de comptable, le savoir-être du candidat peut lui permettre de se démarquer s’il s’agit d’une personne dont les qualités interpersonnelles lui permettront de s’intégrer facilement à sa future équipe.
Quelle est l’importance de la rubrique « centres d’intérêts » ?
Si l’entreprise affiche clairement sa considération pour l’équilibre vie privée-vie professionnelle, indiquer ses engagements sociaux ou associatifs apparaît comme un plus. On parle beaucoup des devoirs de l’entreprise responsable mais le candidat a lui aussi un devoir de responsabilité lorsqu’il choisit l’entreprise où il veut travailler. Au fond, il s’agit d’un devoir de responsabilité réciproque.
Quelques astuces pour présenter une période sans activité professionnelle ?
La règle d’or est de ne pas laisser de blancs susceptibles de générer des questions dans l’esprit du recruteur. S’il s’agit d’une maladie, le candidat doit présenter cette période de manière à démontrer qu’il est prêt à reprendre le travail avec sérénité. Une période de chômage ne signifie pas pour autant période d’inactivité, il faut indiquer quelles activités ont été entreprises durant ce laps de temps. On peut même imaginer qu’un ancien détenu qui aurait continué d’exercer son propre métier durant une courte peine d’emprisonnement intègre cette période dans la rubrique expériences professionnelles. Si le recruteur souhaite en savoir plus, il posera la question dans un deuxième temps.
Une formation inachevée ?
Une formation inachevée n’empêche pas l’acquisition de compétences, mais un droit de pratique dans certains domaines. Il faut être clair sur le fait que le diplôme n’a pas été obtenu, mais indiquer le niveau de formation.
Une réorientation professionnelle ?
Dans ce cas, le candidat devrait privilégier le CV par domaines de compétences afin de valoriser ses compétences transférables.
La lettre de motivation
Comment définiriez-vous une bonne accroche ?
Une bonne accroche doit avant tout être cohérente. Elle doit refléter les raisons pour lesquelles on postule dans une entreprise et pas une autre. Contrairement au CV, la lettre de motivation est souvent moins remaniée ou relue par des tierces personnes. Elle est plus personnelle et son style plus émotionnel. D’ailleurs, on y rencontre souvent plus de fautes d’orthographes. Pour le recruteur, c’est un document plus parlant concernant le candidat dans la réalité. Sa manière de s’exprimer donne une idée des contacts interpersonnels qu’il entretient dans son environnement professionnel.
Une question incontournable que le candidat devrait se poser pour évaluer la pertinence de sa lettre avant de l’envoyer?
Il me paraît essentiel que le candidat se demande avant tout « Pourquoi je veux travailler dans cette entreprise en particulier ? ». A la lecture de la lettre, je dois pouvoir lire la motivation du candidat de la même manière qu’il m’expliquerait en personne « Je veux travailler pour vous parce que … ». Prenons par exemple le cas d’une personne motivée en raison de la proximité entre son lieu d’habitation et celui du travail. Si le candidat explique être très attaché à la ponctualité et que cette proximité lui évitera les aléas de la circulation, c’est une raison pertinente.
Postuler en mentionnant être au chômage, un plus ?
On peut tout à fait indiquer être au chômage. Mais, il ne paraît pas opportun de lister les mesures de retour à l’emploi dont pourrait bénéficier l’entreprise en cas d’engagement, car cela ne donne aucune indication quant à la motivation du candidat. A éviter absolument d’autant que les entreprises sont très bien informées à ce sujet.
Le recrutement
Qu’est ce qui prime au moment de recruter un jeune professionnel ?
Certains jeunes diplômés se trompent en pensant que leur titre est une finalité. C’est le commencement. Il est important qu’ils soient préparés au fait qu’ils vont devoir continuer d’apprendre et se former durant leur carrière professionnelle. A la FER Genève, nous croyons et encourageons la formation continue auprès de nos collaborateurs.
Et pour un senior ?
Il est très important que les seniors trouvent l’adéquation entre les besoins de l’entreprises et ce qu’ils peuvent apporter en termes de connaissances. Il y a deux ans, j’ai engagé une juriste de 63 ans le temps d’un congé maternité de six mois. Malgré son expérience, elle avait envie d’en apprendre plus. Résultat, elle a conquis toute l’équipe du service juridique! Au retour de notre collaboratrice, nous avons néanmoins souhaité prolongé le contrat de cette dame jusqu’à sa retraite. Cet exemple pour vous dire à quel point une personne qui ne s’est pas découragée et a continué à croire en elle, réussit à vendre sa volonté et au final à décrocher un emploi.
Que pensez-vous des nouvelles techniques de recrutement ?
Je suis plutôt méfiant. Les tests peuvent être un complément mais en aucun cas la base du processus de recrutement.
Les réseaux sociaux font-ils parti de vos outils de recrutement ?
Non, à moins que le candidat donne clairement son aval. Je travaille plutôt avec des plateformes d’offres d’emplois.
Comment les réseaux sociaux peuvent-ils faire évoluer votre métier ?
Le contexte de notre activité ne change pas beaucoup. Mais, la multiplication des canaux de communication peut ralentir le processus de recrutement. Je remarque que la jeune génération demande un retour très rapide concernant le traitement des candidatures alors que nous ne travaillons pas forcément dans l’immédiateté au moment d’engager un nouveau collaborateur.
La nouvelle génération de recruteurs devrait-elle être sensibilisée à de nouveaux biais ?
Les futurs recruteurs seront certainement confrontés à des codes d’interactions existants sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire que le rapport à l’autre risque de changer. Je pense qu’il faut rester vigilant pour éviter que le recrutement se fasse sur la base d’adéquations personnelles plutôt qu’en fonction du référentiel de l’entreprise.
Le conseil de l’expert ...
Soyez vous-mêmes! Dans votre CV, votre lettre de motivation et durant l’entretien.
