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Les coulisses du Montreux Jazz Festival :  Rencontre avec David Elias Torreblanca 

Écrit par Naomi Tesfamicael
Paru le 2 mai 2023

David Torreblanca Montreux Jazz Festival

Le Festival de jazz de Montreux est sans doute l'un des événements musicaux les plus célèbres au monde. Depuis plus de 50 ans, il attire chaque année des milliers de passionnés de musique du monde entier. Pour en savoir plus sur les coulisses de cet événement mythique, nous avons rencontré le Directeur des opérations et Responsable de la programmation musicale du festival, David Elias Torreblanca.

 

David Torreblanca : Background

De père chilien et de mère suisse, David Torreblanca a fait ses études à l'école hôtelière de Lausanne. Puis, il a répondu à une annonce de recherche d'un coordinateur food & beverage pour l'édition 2003 du festival, pour ensuite gentiment y grandir.

Auparavant, il avait déjà travaillé dans le secteur de l'événementiel. Il a notamment participé à l'organisation de l'Exposition nationale suisse de 2002 (Expo.02).

Il m'avoue qu'il a toujours bien aimé travailler sur des projets et "quand on aime faire la fête, qu'y a-t-il de mieux que de travailler sur un festival de musique ?” Allier passion et travail permet de s’investir pleinement au quotidien dans le festival et de ne pas compter ses heures.

Se définissant comme quelqu'un qui suit la vague tout en restant très discret, il n'a jamais eu comme objectif principal de devenir directeur, mais plutôt de faire en sorte que les gens s'amusent, que ce soit par rapport à la musique ou vis à vis de projets concrets. Le reste s'est fait tout seul de manière crescendo. 

Comme il est quelqu'un de très curieux et qu'il aime les défis, il me confie que s'il était resté au même poste pendant plus de deux ans en faisant la même chose, il l'aurait probablement quitté.

“Je ne travaillerais pas pour un autre festival que Montreux jazz, mais quand je suis arrivé ici, je ne le savais pas.”

 

Direction & tâches

Dans le détail, David Torreblanca m'explique que la direction du festival est composée de 3 personnages principaux : le Directeur Général (CEO), le Directeur des Opérations (COO) et Booking et le Directeur des Finances (CFO).

Étant COO, il se définit comme une personne proactive et dynamique qui aime effectuer plusieurs tâches à la fois, il a principalement deux tâches à accomplir : opérationnelle et de programmation.

Les tâches opérationnelles comprennent : la sécurité, l'infrastructure, les points de vente, les services à la clientèle, la gestion de F&B (Food & Beverages) tout ce qui concerne l'environnement, la logistique et le transport des artistes.

Dans son rôle de responsable du pool de programmation, tout ce qui concerne les musiques actuelles, les opérations, la programmation et la coordination artistique se trouvent au centre de l'attention.

 

Subdivision des salles et des scènes

La salle la plus prestigieuse est l'Auditorium Stravinski, qui peut accueillir jusqu'à 4000 personnes et dont l'acoustique est exceptionnelle. C’est la scène où se produisent des artistes qui vendent des billets grâce à leur nom.

Ensuite, il y a le Montreux Jazz Lab, qui peut accueillir jusqu'à 2000 personnes, ce qui est un peu un pari sur la musique actuelle : il s’agit des plateaux ou des créations de plateau qui peuvent attirer les gens, avec des artistes émergeants dont la capacité de vente réelle est inconnue.

Il s'agit donc d'une véritable création artistique accompagnée d'un important travail de recherche pour créer les plateaux.
 
Enfin, il y a tout un grand Festival off qui est gratuit, où non seulement la musique est présentée, mais également diverses activités. Par exemple, dans la Lake House, la maison du Petit Palais, ont lieu des workshops, liés à la musique, ainsi qu’un petit cinéma où ils présentent des contenus qui ont été chéris au fil des ans, et également des librairies, une salle de billard qui rappelle un peu le chalet de Claude Nobs, le tout, afin d'offrir aux gens une expérience complète.

 

Gestion d’équipe

Comment David Torreblanca gère-t-il son équipe d'une dizaine de personnes, présente toute l'année, et le personnel saisonnier de 600-700 personnes pendant le festival ?

“Savoir déléguer est déjà un travail en soi".

Avec autant d'équipes à gérer, il devient impossible de les gérer toutes, et il est donc essentiel de savoir déléguer. Il faut donc beaucoup de confiance, mais aussi de la chance. Il s'agit souvent de personnes qui ont l'envie et l'intérêt de travailler au festival, mais il est également important de pouvoir donner aux gens la confiance et surtout l'opportunité d'apprendre, tout comme ils l'ont fait avec lui quand il y est arrivé.

“Il ne faut jamais oublier d'où l'on vient.”

Pour avoir un suivi du projet, les chefs d'équipe se réunissent une fois par semaine afin qu'il puisse avoir une vision globale de ce qui se passe. Pour vous donner un ordre d'idée, pendant l'année, il y a environ 30 personnes. Aujourd'hui, en avril, il y en a 50. Puis en mai, il y en aura 200 et pendant le festival environ 3000 personnes qui travailleront dans les différents départements.

 

David Torreblanca et Claude Nobs

“Claude Nobs c’est Claude Nobs!”

Il le décrit comme quelqu'un de très charismatique et créatif, mais aussi un peu “foufou” et c'est en cela qu'ils se ressemblent beaucoup, sans doute en raison de ce grain de folie et de leur parcours atypique. Même s’il ne le voyait pas très souvent, comme il était l'un de ses employés, il entretenait avec lui une bonne relation de confiance. Il me fait remarquer que Claude Nobs, bien que seul à la base, a vraiment réussi à capitaliser sur les contenus qu'il a créé et qui fait aujourd'hui partie d'une grande archive.

Cette année, cela fait exactement 10 ans que Claude Nobs a disparu, et il m'avoue que son absence a évidemment été très mal vécue.

En plus de cette absence, la difficulté est inhérente au marché suisse des festivals qui est très concurrentiel. En effet, la Suisse est le pays qui compte le plus de festivals par nombre d'habitants.

Le marché est devenu de plus en plus grand, et par conséquent la concurrence d'autres festivals au même moment aussi, ce qui les oblige à toujours se remettre en question pour rester visibles et sortir du lot, en créant, en renouvelant et en capitalisant sur les archives.

“Nous devons maintenir un esprit très encadré pour que le festival soit confirmé et fonctionne, mais tout en ayant ce grain de folie.”

David Torreblanca est l'exemple parfait de quelqu'un qui a un équilibre entre la créativité dans son rôle de programmateur et la méticulosité dans son rôle d'opérateur.

 

Innover et oser les nouvelles technologies

David Torreblanca souligne l'importance de l'innovation pour maintenir l'événement au sommet de son art. Ainsi, le festival s'est adapté au fil des années aux évolutions technologiques et musicales pour proposer une expérience toujours plus immersive et interactive aux visiteurs.

En fait, dans chaque édition, ils ne font jamais de copier-coller, mais sont toujours prêts à oser et à prendre des risques. Par exemple, ils l'ont fait en 2019, avec Elton John au Stade de la Saussaz ; en 2021, durant le covid, ils ont créé une scène sur le lac et en 2024, le festival changera de lieu, dans un autre bâtiment.

Il y a un grand désir de mettre l'expérience du client au centre de l'attention.

"Il faut essayer de surfer sur la vague aussi".

En tant que programmateur, il doit prendre en compte la nouvelle génération, donc s'intéresser à ce qu'elle fait, où elle sort, ce qu'elle écoute, sachant que la musique change très très vite. Il cite l’exemple des chansons “sped up” (s'accélèrent) sur TikTok, qui l'incitent à se demander si les gens ont envie d’écouter encore plus vite.

Bien entendu, il existe différents programmateurs qui s'occupent de différents genres, tels que la musique électronique, la musique hip hop, etc. et lui s'occupe principalement de la musique actuelle.

“ Aujourd'hui, l'humain privilégie les contacts humains.”

Avec les progrès rapides de la technologie, de l'intelligence artificielle et des robots de plus en plus performants, on pourrait penser qu'un jour la musique live n'existera plus ; mais David Torreblanca, même s'il me confie qu'il n'est pas très au fait du sujet, est convaincu que le contact humain et la musique live sont irremplaçables.

 

Lectures complémentaires :

Faut-il représenter le monde net ou flou ?

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