La Suisse est une plaque tournante du négoce des matières premières. Saviez-vous que cette activité représente 4 % du PIB suisse, et même 22 % des recettes fiscales pour le canton de Genève ? Nous continuons d’explorer ce vaste sujet sous un autre angle, mais dans une nouvelle série, nous publions une série d’articles, en nous focalisant à chaque fois sur une matière première et une œuvre artistique ou culturelle. Cette semaine, nous abordons l’impact du changement climatique sur le café, au travers de plusieurs études. Cela nous donne l’occasion d’admirer l’œuvre : Un marchand de café à Paris (1746), d’Anne Claude Philippe de Tubières. (1692-1765),
Le café est aussi un lieu de socialisation. Nous profiterons de lire un extrait des Lettres persanes (1721) de Montesquieu (1689-1755).
« Le café est le baume du cœur et de l'esprit. » Giuseppe Verdi
Un marchand de café à Paris en 1746, par Anne Claude de Caylus
L’impact du changement climatique sur le café au travers de plusieurs études
Le changement climatique affecte aussi le café. En effet, le caféier préfère des températures qui oscillent entre 20°C et 25°C.
Plusieurs études ont montré que le changement climatique menace l’avenir du café. Par exemple, en
2012, une étude britannique prévoyait la disparition d’au moins 50% des cultures d’arabica dans le monde d’ici à 2080.
En 2014, une autre étude met en évidence la disparition d’environ 50% des terres adaptées à la culture de l’arabica et du robusta, d’ici à 2050.
En 2021, une étude américaine met en lumière les conséquences du réchauffement climatique sur le goût du café.
La conclusion est sans appel : « La qualité du café est sensible aux variables environnementales liées au changement climatique et aux variations managériales pour s'adapter à ce dernier ».
Un marchand de café à Paris en 1746
Cela nous donne l’occasion d’admirer une œuvre d’Anne Claude Philippe de Tubières (1692-1765), antiquaire, graveur, archéologues et écrivain français.
Cette œuvre date de 1746, et est exposée au Metropolitan Museum of Art à New-York.
Cafés : lieux de socialisation
Le café est aussi un lieu de socialisation et occupe aussi une fonction essentielle comme lieu de rassemblement collectif et de détente éventuelle.
Je vous propose de relire une lettre extraite des Lettres persanes (1721) de Montesquieu (1689-1755).
Il s’agit de la lettre N°36 portant sur ces cafés où l’on discute de tout et de rien dans Paris.
Le Perse Usbek décrit avec amusement ces grands philosophes qui s’entre-déchirent sur des questions biographiques concernant Homère, plus de deux mille ans après la disparition du poète grec… Derrière ces observations ironiques, on retrouve la mention d’une réalité sociale : la naissance des cafés et salons littéraires.
USBEK À RÉEDI
À Venise
Le café est très en usage à Paris : il y a un grand nombre de maisons publiques où on le distribue. Dans quelques-unes de ces maisons, on dit des nouvelles ; dans d’autres, on joue aux échecs. Il y en a une où l’on apprête le café de telle manière, qu’il donne de l’esprit à ceux qui en prennent : au moins, de tous ceux qui en sortent, il n’y a personne qui ne croie qu’il en a quatre fois plus que lorsqu’il y est entré.
Mais, ce qui me choque de ces beaux esprits, c’est qu’ils ne se rendent pas utiles à leur patrie, et qu’ils amusent leurs talents à des choses puériles. Par exemple : lorsque j’arrivai à Paris, je les trouvai échauffés sur une dispute la plus mince qu’il se puisse imaginer : il s’agissait de la réputation d’un vieux poète grec, dont, depuis deux mille ans, on ignore la patrie, aussi bien que le temps de sa mort.
Les deux partis avouaient que c’était un poète excellent : il n’était question que du plus ou du moins de mérite qu’il fallait lui attribuer. Chacun en voulait donner le taux : mais, parmi ces distributeurs de réputation, les uns faisaient meilleur poids que les autres : voilà la querelle. Elle était bien vive ; car on se disait cordialement, de part et d’autre, des injures si grossières, on faisait des plaisanteries si amères, que je n’admirais pas moins la manière de disputer, que le sujet de la dispute. Si quelqu’un, disais-je en moi-même, était assez étourdi pour aller, devant un de ces défenseurs du poète grec, attaquer la réputation de quelque honnête citoyen, il ne serait pas mal relevé ! et je crois que ce zèle, si délicat sur la réputation des morts, s’embraserait bien pour défendre celle des vivants ! Mais, quoi qu’il en soit, ajoutais-je, Dieu me garde de m’attirer jamais l’inimitié des censeurs de ce poète, que le séjour de deux mille ans dans le tombeau n’a pu garantir d’une haine si implacable ! Ils frappent à présent des coups en l’air ; mais que serait-ce, si leur fureur était animée par la présence d’un ennemi ?
Ceux dont je te viens de parler disputent en langue vulgaire ; et il faut les distinguer d’une autre sorte de disputeurs, qui se servent d’une langue barbare, qui semble ajouter quelque chose à la fureur et à l’opiniâtreté des combattants. Il y a des quartiers où l’on voit comme une mêlée noire et épaisse de ces sortes de gens : ils se nourrissent de distinctions ; ils vivent de raisonnements obscurs et de fausses conséquences. Ce métier, où l’on devrait mourir de faim, ne laisse pas de rendre. On a vu une nation entière, chassée de son pays, traverser les mers pour s’établir en France, n’emportant avec elle, pour parer aux nécessités de la vie, qu’un redoutable talent pour la dispute. Adieu.
De Paris,
le dernier de la lune de Zilhagé 1713.
Extrait des Lettres persanes (1721) de Montesquieu (1689-1755)
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Pour plus d'anecdotes sur le café :
Les matières premières, sous un angle différent – 3. Le café
Dans la même série, « Les matières premières et l'art » :
- Les céréales et Van Gogh
Sources :
Comment la culture du café fait face au changement climatique | Agefi.com
The Impact of Climate Change on Indigenous Arabica Coffee (Coffea arabica): Predicting Future Trends and Identifying Priorities | PLOS ONE
A bitter cup: climate change profile of global production of Arabica and Robusta coffee | SpringerLink
Photo credit : Anne Claude de Caylus, CC0, via Wikimedia Commons