Nous poursuivons notre série d'articles sur les pièces emblématiques des musées genevois. Le but est de partir à la rencontre de ces musées à travers l'œuvre qui les représente le mieux. Chaque article sera donc consacré à un musée différent, que nous approcherons par le biais de leur sélection.
Le Musée d’art et d’histoire
Le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH), situé dans un bâtiment datant du début du 20e siècle, est l’un des plus grands musées de Suisse avec une surface d’exposition permanente d’environ 7000 m2 et plus d’un demi-million d’œuvres. Organisé sur cinq étages, ses collections font partie du domaine des arts appliqués, des arts graphiques, des beaux-arts et de l’archéologie.
En plus de cette collection permanente, une surface est allouée aux expositions temporaires sur des thèmes divers et variés.
La pièce sélectionnée
Le choix s’est porté sur la Pêche miraculeuse du peintre bâlois Konrad Witz (1400/1410-1444/1447). Cette huile sur bois réalisée en 1444, a une histoire mouvementée.
Ce volet faisant partie d’un triptyque, ornait à l’origine l’autel de la cathédrale Saint-Pierre. Il disparaît en 1535, victime de l’iconoclasme protestant, pour réapparaître au 18e siècle. Deux volets double-face du triptyque sont conservés au MAH alors que la partie centrale, probablement sculptée, a été détruite.
L’avers représente l’Adoration des mages et la Présentation du donateur à la Vierge alors que le revers expose la Pêche miraculeuse et la Délivrance de saint Pierre.
Ce panneau est conservé dans différents lieux avant de rejoindre en 1908 la collection du Musée d’art et d’histoire de Genève.
Explication du choix
Ce volet est une œuvre importante sur le plan historique et politique. Il est commandé par François de Metz, élu évêque de Genève en 1426, puis nommé cardinal en 1440 par l’antipape Félix V (Amédée VIII de Savoie) afin de lui montrer sa gratitude.
Ce panneau représente les états administrés par le duché de Savoie. Nous pouvons, en effet, reconnaître la rade, la colline de Cologny, les Voirons, le Môle avec sa pointe dans les nuages, le petit Salève et le Mont-Blanc en arrière-plan.
L'artiste a transposé des scènes bibliques du lac de Génésareth (connu aussi sous le nom de lac de Tibériade) dans ce lac.
En effet, nous voyons Jésus marchant sur l’eau face à saint Pierre, qui s’est jeté à l’eau. Les jambes de saint Pierre, déformées à cause du phénomène de la réfraction, montrent une attention novatrice apportée aux détails. Derrière eux, des pêcheurs remontent des filets remplis de poissons à bord de leur barque. Ce panneau associe donc plusieurs récits de l’ Évangile : « l’apparition de Jésus au lac Tibériade (Jean 21, 1-14), la pêche miraculeuse (Luc 5,4-11), Jésus marchant sur les eaux (Matthieu 14, 24-33) et l’appel des premiers disciples (Matthieu 4, 18-20) ».
Sur le plan topographique, c’est la première fois, dans l’histoire de l’art occidental, que nous arrivons à identifier un paysage.
Difficulté du choix
L’histoire et l’importance de ce tableau ont fait de lui un choix évident. Il a également été remis sur le devant de la scène à l’occasion de l’exposition Marcher sur l’eau de l’artiste Jakob Lena Knebl qui a associé ce tableau à la chanson Smoke on the Water de Deep Purple, écrite et enregistrée à Montreux en 1971.
Ces deux œuvres ont un lien indissociable avec le lac Léman : « le premier issu de la grande tradition classique et la seconde de la culture populaire. Et il suffit du regard d’une seule personne pour faire le lien entre un emblème de l’histoire de l’art et un standard du rock. Et c’est tout l’intérêt de ces expositions cartes blanches : éclairer la collection d’une nouvelle manière. »
Informations complémentaires :
La Pêche miraculeuse, fiche du MAH.
Pour lire les articles de la série :
Les pièces emblématiques des musées genevois par Tamara Zanetti
Les ghostnets du MEG par Tamara Zanetti
La pendule de cheminée du Musée Ariana par Tamara Zanetti
Crédit photo :
La Pêche miraculeuse, Konrad Witz, 1444. ©MAH. Photo : Bettina Jacot-Descombes