Tarmac et satellite 10 de Genève Aéroport. Crédit photo: Genève Aéroport
Bertrand Stämpfli a pris ses fonctions d’attaché de presse à l’Aéroport de Genève il y a un peu plus de quatre ans. Son prédécesseur avait occupé ce poste pendant 17 ans. Au-delà de sa fonction d’interface entre la direction et les médias, il participe aussi à l’effort de communication interne et externe. Rencontre avec un homme de communication passionné.
Quel a été votre parcours professionnel ?
Je suis un bi-national et un bi-culturel : franco-suisse. J’ai effectué mes études pour une part en France, à l’Université de Lyon II en Langues et Linguistique. Dans le cadre de ces études, j’ai fait des échanges universitaires. J’ai fait une partie de mon cursus en Allemagne et au Danemark, parce que je faisais aussi une licence en civilisation Scandinave. En emploi étudiant annexe, je faisais des piges dans un journal local ainsi que des traductions. C’est cette double casquette de pigiste et de traducteur qui m’a valu de prendre pied progressivement dans le milieu journalistique. J’ai balayé à peu près tous les spectres. J’ai commencé par écrire des articles de vulgarisation scientifique, puis j’ai été localier dans la presse quotidienne régionale et j’ai fait des enquêtes pour des news magazine. J’ai par ailleurs fait un passage de 4 ans dans la presse satirique. Un jour, Edipresse a décidé de tenter une aventure en créant un journal en France voisine. Ils sont venus me chercher dans le journal dans lequel je travaillais à l’époque et j’ai participé à la création d’un hebdomadaire qui a fonctionné pendant un an avant que l’aventure ne s’arrête. À ce moment-là, j’ai été recruté par le groupe Edipresse à Genève et c’est là que j’ai commencé ma carrière « suisse ». J’ai travaillé à la Tribune de Genève pendant 5 ans et après 15 ans de travail dans la presse écrite, j’ai voulu m’essayer à d’autres médias. Je suis passé à la Radio Suisse Romande à Genève pendant 2 ans.
C’est pendant mes années à la RSR que le poste d’attaché de presse de l’Aéroport de Genève est devenu vacant et que j’ai été approché par un cabinet de chasseurs de tête
J’ai réfléchi pendant quelques temps car j’avais un vrai dilemme : d’un côté, je m’étais juré de ne pas prendre une retraite de journaliste, parce que je trouve que les journalistes vieillissent mal dans leurs fonctions mais de l’autre, je m’étais également promis de ne pas faire de reconversion dans la communication, car tous les journalistes ne sont pas capables d’opérer ce virage… Mais je me suis finalement laissé tenter par ce poste particulier de l’Aéroport, car il se trouve aussi que je suis pilote et que j’adore le milieu aéronautique. Je me suis rapidement rendu compte que j’avais fait le bon choix et que les projets que je pouvais développer là en termes de communication étaient passionnants !
Jardins de Genève. Crédit photo: Genève Aéroport
Quelle est pour vous la prochaine étape de votre carrière professionnelle ?
Je ne suis pas sur le départ et il me reste beaucoup de choses à explorer ici ! Mais si je devais avoir une évolution de carrière, ce serait toujours dans la communication plutôt que d’envisager un retour vers le journalisme. Bien que j’ai adoré exercer ce métier, les raisons et les conditions qui m’ont donné envie de le pratiquer à l’époque ne sont plus réunies aujourd’hui. Je regrette que le centre de gravité de l’information se soit un peu décalé et que les journalistes n’aient plus toujours les moyens de bien faire leur métier. Si je devais rêver d’une évolution de carrière au sein de l’Aéroport, je choisirais de m’éloigner encore plus du milieu journalistique et la fonction d’attaché de presse pour être plus strictement dévolu à des fonctions de communication stratégique, de gestion de la communication interne et externe à l’entreprise et cela sur la base d’une approche plus psychologique de la communication.
C’est de loin ce qui m’intéresse le plus, considérer la communication non pas comme un but en soi mais davantage comme un outil de management
Je trouve que c’est assez enthousiasmant au sein d’une entreprise de façonner une image, de créer une culture d’entreprise, d’y faire adhérer les gens, de créer des dynamiques de groupe, de gérer des projets. Je travaille dans une entreprise qui, de par son histoire et son évolution, n’a pas une grande tradition de communication. C’est avant tout un milieu industriel, très opérationnel, mais nous sommes maintenant à un stade intéressant car nous employons 900 personnes et que la communication s’impose désormais comme un outil important et même stratégique pour la conduite des projets. J’espère donc que mon évolution se fera au sein de l’aéroport parce que c’est réellement un univers en soi, avec des thématiques liées à l’aménagement du territoire, la politique transfrontalière, une certaine idée du service public, un service à l’économie et la diplomatie, du tourisme, sans compter les dossiers environnementaux, de sécurité …etc.
Comment est organisé le département de communication de l’Aéroport ? Quels sont les différents métiers qui y sont représentés ?
Nous avons un département marketing et communication avec un chef de division et une dizaine de collaborateurs. Cette équipe s’occupe essentiellement de la stratégie vis-à-vis des compagnies aériennes et et de la communication de type « corporate ». Notre entreprise est répartie en plusieurs divisions et nous essayons aujourd’hui de favoriser la transversalité pour faire en sorte que les employés communiquent entre eux et travaillent mieux ensemble. Nous essayons donc de favoriser les interactions entre les différentes divisions de l’aéroport et par conséquent entre tous les corps de métiers qui y travaillent.Tous les chefs de divisons sont impliqués dans cet effort de communication.
En ce qui me concerne, j’essaie à mon niveau de favoriser cette communication interne avec des projets comme GVApproach, qui ambitionne de créer et nourrir cette interaction des divisons autour de nouveaux supports
Nous avons créé une télévision interne sur intranet avec un journal mensuel de 12 minutes qui contient des petits reportages ponctuant la vie de l’aéroport. Ceci permet à des personnes travaillant à la comptabilité de savoir ce qui se fait côté piste, par exemple. Personnellement, pour ce projet, j’ai une approche très journalistique bien que nous soyons dans le domaine de la communication d’entreprise, mais je veille à ce que ces journaux successifs contribuent à asseoir une certaine culture d’entreprise qui se façonne petit à petit. Ces outils vidéo nous permettent aussi de poster rapidement des informations visuelles sur les réseaux sociaux. Toutefois, les aéroports sont des entreprises assez particulières et nous avons une démarche assez prudente par rapport à ces nouveaux canaux de communication.
La prochaine étape consisterait à lancer une chaîne radio, qui est plus facile à mettre en place que la vidéo, ce qui nous permettra d’avoir un temps de réactivité beaucoup plus rapide pour diffuser des messages. A l’interne de chaque division nous aurons une communication papier sous la forme d’un petit journal qui permettra aux managers de mettre en place une action d'information au sein de leur division. En plus de cela, nous avions diagnostiqué au moment du départ de mon prédécesseur un point de faiblesse par rapport à d’autres plateformes aéroportuaires dans le fait que nous étions un peu moins efficaces en terme d’actions vers les milieux économiques et politiques. Donc, en plus de mon poste d'attaché de presse et d’acteur de la communication externe et interne, il a été décidé de créer un poste de responsable des relations extérieures avec une personne davantage en charge de faire du lobbying.
Tarmac au petit matin sous la neige. Crédit photo: Genève Aéroport
Avec tous ces différents canaux de communication comment faites-vous pour que la communication soit cohérente ?
Nous faisons un gros effort de coordination. Nous avons vécu des changements assez importants durant ces derniers mois et, par conséquent, nous sommes toujours dans un processus de structuration. C’est un peu par empirisme que nous essayons de structurer cela, la démarche s’est donc un peu faite à l’envers. Pour ce qui est des relations avec la presse, j’ai tenté d’imposer une porte d’entrée unique qui est celle du bureau de l’attaché de presse. Ensuite, selon les enjeux et les parties prenantes, on choisit par quels médias on peut les toucher et quel est l’acteur que l’on va mobiliser pour cela. Donc, quand nous avons une thématique, nous discutons avec les départements de communication, de marketing et moi-même, et décidons qui fait quelle action et quel média on choisit.
Et comment gérez-vous votre communication en situation de crise ?
Nous avons créé à l’aéroport un pool de spécialistes du monde aéroportuaire chargé de veiller au bon fonctionnement de la plateforme au quotidien car tous les jours il y a des petits problèmes à régler. Dès que l’on passe à des situations de crise, nous appliquons un plan d’urgence. Dans ce plan, différentes cellules ont été prévues pour faire face à une situation dégradée, dont une cellule communication et là, c’est moi qui suis chargé de gérer la communication du plan d’urgence. J’organise donc les messages, mais une des missions du responsable de communication dans ces cas de figure, c’est aussi de préparer sa relève parce que les crises durent souvent plusieurs jours et il faut assurer une continuité et une transmission des messages fluide.
Il faut aussi penser que la communication est un domaine éminemment sensible, surtout à l’aéroport. Si vous utilisez le mot « accident » au lieu d’ « incident », cela peut prendre des proportions énormes auprès des voyageurs, des compagnies aériennes, des assurances...
Tout est très codifié et sensible. Au-delà des structures en place à l’aéroport, il faut savoir que en cas de catastrophe majeure, le plan d’urgence cantonal s’applique et, à ce moment-là, c’est la police cantonale qui prend toute la communication en charge.
Environs 1958: avions sur le tarmac. Crédit photo: Genève Aéroport
Vous avez mentionné précédemment être pilote. Est-ce que ça peut aider à faire carrière dans ce domaine ou éventuellement au moment de diffuser les messages de l’aéroport ?
Alors ce n’est pas une condition sine qua non, mais c’est vrai que de connaître un petit peu la réalité de l’aérien peut constituer un atout. En ce qui me concerne, connaître l’aviation a été un point positif mais il y a des personnes qui compensent par le savoir-faire qu’ils acquièrent dans la durée et les fonctions successives qu’ils assurent à l’intérieur de l’aéroport. Nous sommes presque 900 employés à l’aéroport et il y a 160 métiers différents, cela vous donne un peu une idée de ce que cela implique en matière de gestion des ressources humaines ! Beaucoup arrivent par des petits jobs, montent en grade et acquièrent une compétence plateforme au fil des années et de manière empirique, ce qui a des répercussions en termes sociologiques. Par exemple, nous avons des employés qui ont presque 40 ans de carrière, c’est très rare à l’heure actuelle!
Quels sont vos conseils en matière de compétences et de qualités personnelles à mettre en avant, pour les personnes voulant travailler dans le domaine de la communication ?
Pour ce qui est de la stricte fonction d’attaché de presse, je pense que l’on ne peut être un bon interlocuteur des médias que si on a été journaliste. Je conseillerais à quelqu’un qui veut faire des relations presse de bien connaître les différents médias afin de pouvoir mieux répondre aux besoins. Un journaliste de télé n’a pas les mêmes attentes qu’un journaliste de presse ou de radio. Mon expérience dans ces différents domaines me permet aujourd’hui de servir aux journalistes des messages les plus calibrés possible afin qu’ils n’aient pas trop de manipulation à faire et que le message puisse passer tel quel. Le but est de leur faciliter le travail et d’être au service du message.
Personnellement, je pense que c’est un métier de la maturité professionnelle, dans lequel on peut se lancer en deuxième partie de carrière, car je pense tout simplement qu’il faut avoir de l’expérience pour exercer ces fonctions
Pour être un bon attaché de presse, il ne faut surtout pas être un journaliste frustré. Je m’explique : pour exercer cette fonction, il faut aimer le journalisme, aimer les médias. Moi, je fais de la communication mais je suis porte-parole d’un aéroport, je suis au service d’une entreprise qui a un positionnement stratégique, éthique, je véhicule des valeurs que je dois incarner et je dois faire passer ce message. En face de moi, j’ai des journalistes dont c’est le travail et le métier de éventuellement mettre en doute ce que je dis, de mettre mes propos en perspective ou de lire l’information par d’autres prismes. Quand chacun est conscient des rôles respectifs de l’autre et qu’il y un respect mutuel, il n’y a pas de raisons pour que ça se passe mal. Ce qui est aussi très important dans un univers aussi international que l’aéroport, ce sont les langues. Il faut aussi aimer le contact avec les gens et faire preuve d’une grande disponibilité.
Environs 1970: tour de contrôle. Crédit photo: Genève Aéroport