Le marché de l’emploi suisse romand en pleine mutation
Le contexte du marché de l’emploi a beaucoup évolué au cours des dernières années. C’est autour de ce sujet que Thomas Sroussi, directeur chez Michael Page, est intervenu durant la conférence “Les tendances du recrutement 2016” du 12 avril 2016, organisée par Geneva Business News. De son intervention, nous avons pu saisir sa vision du marché en Suisse Romande et des pratiques actuelles de recrutement pour les entreprises.
Les tendances qui nous affectent
Thomas Sroussi a identifié deux tendances principales qui ont un impact sur le marché de l'emploi. Ceci lui a permis ensuite de donner quelques conseils et astuces aux candidats pour faire face à celui-ci.
Tout d’abord, selon lui, des vagues de licenciements chez de grands groupes internationaux ont provoqué l’arrivée de nombreux candidats expérimentés sur le marché. En parallèle, l’implantation de nouvelles multinationales dans la région a été freinée pour des raisons structurelles et sociales qui la rendent moins attractive qu’auparavant. Ces deux facteurs pèsent sur le marché, rendant la tâche du chercheur d’emploi plus ardue et lui imposant pragmatisme et mise à jour des compétences.
L’internationalisation du marché de l’emploi en Suisse Romande n’est pas nouvelle, et si le pays affiche un taux de chômage relativement bas de 3,7% (4,8% en Suisse Romande), ce dernier n’est pas un indicateur fiable de potentiels emplois pour les candidats, car il est biaisé par l’ouverture des postes aux candidatures européennes, dépassant les frontières helvétiques.
Ainsi, pour une ouverture de poste attractif (de type Responsable communication) Thomas Sroussi peut recevoir 100 à 200 postulations par semaine.
Cependant, Thomas Sroussi nous rappelle que le candidat suisse garde un certain nombre d’avantages. Ainsi, la localisation, l’expérience du travail en Suisse ou encore la connaissance culturelle restent appréciés des employeurs locaux. Par ailleurs, la mobilité internationale n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air, car elle implique des freins personnels et légaux (expatriation,déménagement, obtention d’un permis de travail…).
Deuxièmement, le développement des réseaux sociaux a également eu un impact important sur le marché de l’emploi, et notamment sur les pratiques de recrutement durant ces dernières années. Le changement majeur concerne le sourcing des candidats, porté par l’émergence des réseaux sociaux professionnels, donnant aux employeurs l’accès à une base internationale de profils. Cela laisse donc beaucoup moins de place pour un potentiel candidat atypique qui correspondrait au cahier des charges à 90%.
En effet, la majorité des mandats est caractéristique : le profil du candidat est spécifique et doit être en totale corrélation avec le cahier des charges de l’offre d’emploi.
Pour le candidat, ce nouveau contexte du marché de l’emploi nécessite donc d’utiliser les méthodes et outils appropriés.
Valoriser son employabilité : étude de marché et définition des cibles
Pour maximiser ses chances de retour à l’emploi, un candidat doit avant tout adapter ses compétences à plusieurs environnements de travail et ainsi valoriser son employabilité.
La méthode doit donc être commerciale, car en soi, tout candidat propose un service répondant au besoin d'un acheteur. Ainsi, elle commence par une étude de marché, qui inclut l’identification des employeurs potentiels en fonction des besoins exprimés par ceux-ci, mais aussi en fonction des compétences à proposer.
Elle se précise ensuite par la sélection de la cible à contacter au sein de l’entreprise : en fonction du poste recherché et de la structure de l’entreprise, le contact pourra être plutôt cherché du côté RH ou opérationnel (line managers ou responsable sopérationnels ou hiérarchiques en français, responsables techniques).
Cette première étape de définition de la cible doit être suivie par l’identification du canal de communication à utiliser : agences de recrutement, réseaux sociaux, email, ou encore networking. Les agences de recrutement ont un rôle fondamental à jouer car elles possèdent des liens privilégiés avec les décideurs (RH et line manager) et peuvent plus facilement prescrire une candidature même si cette dernière n’est pas pleinement adaptée au poste. A conditions bien entendu que les prérequis soient bien présents dans l’expérience du candidat.
Le CV : outil de communication
Le CV doit être revu sur le fond mais également sur la forme, mettant en avant l’adaptabilité et la transversalité des compétences de l’individu. La communication devra être personnalisée pour chaque entreprise visée afin d’augmenter les chances de réussites. Ceci passe par un réel travail sur le CV afin de mettre en avant les compétences clés recherchées par l’entreprise. Le CV moderne a plusieurs facettes : ainsi le profil LinkedIn et la présence en ligne viennent parfois compléter la lecture du CV chez le recruteur. Autant de supports à travailler pour le candidat.
Parce qu’il est dit qu’elles impactent négativement l’attractivité du candidat, le sujet des périodes d’inactivité (communément appelés « trous sur les CV ») a été abordé. Selon Thomas Sroussi, une période sans emploi imputée au chômage, à une année sabbatique ou encore à une maternité, n’est pas forcément un handicap. Il faut en faire mention dans le CV et en parler lors de l’entretien en présentant les aspects positifs.
Au besoin, le candidat doit savoir montrer qu’il est prêt à combler l’écart résultant de son absence du marché du travail. Il a par ailleurs été rappelé l’ouverture d’esprit du marché suisse face à ce type d’absences qui peuvent être valorisantes dans le profil du candidat, lorsque celui-ci sait les mettre en valeur.
L’approche commerciale
« Une approche plus commerciale vous permet d'augmenter vos chances ! » lance Thomas Sroussi a l’audience, rappelant qu’un bon commercial assure un suivi de communication avec ses clients et que le candidat doit faire de même. Une démarche proactive, telle que le suivi de sa candidature par téléphone ou par email peut ainsi dénoter la motivation du candidat.
Une fois l’étape du rendez-vous atteinte, Thomas Sroussi nous rappelle qu’effectivement aujourd’hui l’expérience et l’expertise du candidat priment souvent sur sa personnalité, mais que celle-ci reste un des facteurs de décision à l’embauche, lors de l’entretien.
Le cas de la reconversion professionnelle
Thomas Sroussi explique que celle-ci est possible, mais que la lucidité reste de mise quant à l’écart qu’il pourrait y avoir entre les compétences acquises et celles nécessaires pour le travail souhaité. Il a également noté que l’abondance de formations en Suisse est un facteur augmentant le potentiel de reconversion professionnelle. "Il faut être réaliste et savoir si rattraper un retard technique est possible. »
En quelques mots Thomas Sroussi décrit la situation de manière pragmatique : si le contexte du marché de l’emploi a changé, le sourcing des candidats s’est internationalisé, et porté par le digital, le candidat doit faire preuve de réalisme. Il doit savoir présenter ses avantages comparatifs en concordance avec les besoins exprimés par les entreprises cibles. Ainsi, pour reprendre la phrase de Thomas Sroussi, « Tout est possible, c'est une question de temps, de concurrence et de motivation. »