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Matu Online : une vision de l’école au 21ème siècle

Écrit par Michal Sela
Paru le 11 février 2015

Matu Online logoA l’ère où la Suisse souhaite faire baisser le taux de jeunes quittant prématurément l’école, Alain Moser, directeur de l’Ecole Moser réorganise l’emploi du temps de la journée scolaire pour mieux motiver ses étudiants. Depuis une année, un programme en ligne soutient la préparation des élèves aux examens de la maturité, prouvant qu’il est possible de dissocier toujours un peu plus l’école de ses contraintes physiques, pour mieux s’adapter aux besoins de chacun. Nous continuons notre série sur la technologie au service de l’apprentissage en explorant la « Matu Online », fruit de l’esprit innovant d’Alain Moser.

L’intégration de la technologie dans l’enseignement intéresse les experts depuis des décennies déjà. A l’Université de Genève, la TECFA, Unité active dans les technologies éducatives offre des formations pédagogiques dans ce domaine depuis 1994. Les projets de recherche en Europe et dans le monde sont innombrables. Depuis 2009, les universités du monde entier développent l’offre des cours ouverts et gratuits en ligne (MOOCs pour Massive Open Online Courses). Aujourd’hui, de nombreuses écoles privées en Suisse fournissent des tablettes aux élèves ; les ordinateurs et autres tableaux interactifs sont légion. Cependant, comme d’autres experts de l’intégration technologique dans l’éducation, Alain Moser s’interroge sur la véritable valeur ajoutée de ces supports dans l’offre pédagogique des écoles, surtout au niveau secondaire.

Réinventer le temps scolaire

Depuis une vingtaine d’années, la Confédération suisse traque l’évolution du taux de jeunes quittant l’école (appelé parfois « décrochage scolaire »), cause importante de précarité. Si ce taux baisse depuis 2010, l’objectif de 5% n’est pour l’heure pas encore atteint. A la liste des causes reconnues (situation familiale et socio-économique, facteurs culturels et géographiques), Alain Moser ajoute la baisse de motivation due à l’inadéquation de l’organisation de la journée scolaire. Les longues périodes d’enseignement transmissif (7 x 45 minutes en une journée) n’encouragent ni la participation active dans le processus d’apprentissage, ni le développement de compétences, comme la collaboration et l’innovation. Pour devenir acteur de son travail, l’élève doit attendre de commencer ses devoirs : seul à la maison et pendant les heures extra-scolaires. Les jeunes sont donc souvent contraints de sacrifier leurs loisirs (pour ne pas dire leurs passions), faute de temps. Quand l’autodiscipline fait défaut, l’abandon prématuré de l’école menace à chaque bulletin trimestriel.

A l’école Moser, les journées ont été repensées pour limiter les périodes transmissives et favoriser le travail actif au sein de l’école. 80 élèves se regroupent pour assister à quatre périodes de 20 minutes de cours, suivies de 1.5 heures de travaux pratiques en petits groupes, où la participation et la collaboration sont valorisées. L’enseignant surveille, aide et endosse les rôles de personne-ressource, de facilitateur et d’accompagnant. Les devoirs sont faits immédiatement après le cours. Depuis 15 ans, le taux de réussite à la maturité à l’Ecole Moser est de 80%. (1) « Chez nous », dit Alain Moser, « les élèves viennent à l’école pour travailler ».

Du réel au virtuel

Depuis 2009, Alain Moser œuvre pour transposer ce modèle à l’espace virtuel de l’Internet. Il en résulte le programme « Matu Online », disponible depuis 2012 et affichant un franc succès.

Comme à l’école, chaque module en ligne se compose d’un contenu transmissif, suivi d’exercices pratiques. La transmission se fait par vidéo, le professeur ayant adapté et filmé son cours. Les exercices se font par questionnaires en ligne ou par documents à télécharger et ils sont soumis électroniquement à un professeur pour correction.

Chaque module précise ses prérequis en termes de connaissances préalables, voire en termes de modules antérieurs réussis. Les modules sont asynchrones, c’est-à-dire qu’il n’y a pour l’heure pas d’éléments « en direct » : l’élève peut ainsi interrompre le programme et le reprendre en toute liberté.

Précisons que « Matu Online » couvre tous les domaines académiques, sauf les langues, l’offre existante sur l’Internet étant jugée suffisante dans ce domaine.

La « Matu Online » permet aux élèves de l’Ecole Moser de se libérer des contraintes physiques de leur établissement (sauf pour les cours de langue) : ils peuvent poursuivre leur scolarité à distance, par exemple en participant à un séjour d’études au campus berlinois de l’Ecole ; et à leur convenance, si d’autres activités à haute valeur éducative exigent un emploi de temps flexible. Ainsi, un étudiant a pu développer une start-up, un autre poursuivre une carrière sportive de compétition, tout en obtenant leur maturité. « Moins de sacrifice = plus de motivation », selon la formule Moser.

Aller encore plus loin

Alain Moser ne compte pas s’arrêter là. Il travaille déjà sur la deuxième phase de « Matu Online », qui offrira un espace sécurisé plus compact créant une « école virtuelle » sur la toile. Celle-ci proposera de nouveaux éléments :

1. Un parcours pédagogique hautement personnalisé, selon les besoins individuels de l’élève, établi par un spécialiste qualifié sur la base d’entretiens, de tests et autres outils pédagogiques. Les élèves seront ainsi accompagnés dans leur choix de modules.

2. Certains échanges auront lieu en « live », de façon synchrone, par vidéo, avec des individus et avec des groupes d’élèves, chacun étant connecté depuis chez lui.

Espace Matu Online Ecole Moser Genève3. Des réseaux d’apprenants pourront ainsi être créés, permettant de passer du virtuel au monde réel. Selon où se trouvent les participants, des rencontres pourront avoir lieu sur la toile ou en personne, dans un lieu commun. D’ailleurs, le campus genevois de l’Ecole Moser dispose déjà de locaux conçus spécialement pour favoriser ce genre d’activité collaborative d’apprentissage.

4. Une base de données de documents électroniques, ou e-bibliothèque viendra enrichir les ressources académiques disponibles à distance et en tout temps.

Enfin, d’autres fonctionnalités ont d’ores et déjà été imaginées par le créateur du programme : l’accès à distance à des conseillers d’orientation, pour bien choisir sa voie professionnelle ou universitaire ; le soutien au besoin d’un psychologue, d’un logopédiste et d’autres spécialistes ; le téléchargement de divers contenus multimédia pour enrichir l’apprentissage…

A qui s’adresse la « Matu Online » ?

Dans un premier temps, le programme a été rendu disponible à tous les élèves de l’Ecole Moser. Actuellement, tout un chacun peut y accéder via l’interface en ligne. Matu Online portal« La marque Matu Online », constate Alain Moser, « se distancie peu à peu de l’Ecole Moser ». Il espère qu’elle atteindra, à terme, une notoriété indépendante qui lui permettra de fidéliser son propre public. Celui-ci englobe plusieurs segments comprenant tous les apprenants qui ne peuvent se contenter de l’école secondaire traditionnelle entre ses quatre murs, pour une raison ou une autre : les sportifs d’élite, les adultes, les élèves hospitalisés, les personnes incarcérées… mais aussi les élèves « traditionnels » qui souhaitent enrichir leur apprentissage ou qui ont besoin d’un soutien supplémentaire, modulable et flexible. Alain Moser espère intéresser, à terme, 5-10% des jeunes inscrits chaque année à la préparation de la maturité en Suisse romande. (2)

L’aventure « Matu Online » : de la persévérance et des solutions

Le principal défi relevé par Alain Moser concerne le modèle économique du programme. Nécessitant un investissement important, le programme devra, en définitive, être rentable. Or, la « mode » actuelle est à la gratuité des services proposés en ligne. En conséquence, « Matu Online » doit présenter des arguments forts concernant sa plus-value, selon des critères objectifs et pertinents. Le programme doit convaincre ses utilisateurs d’un bon rapport qualité-prix et du bien-fondé de cet investissement personnel.

S’agissant des cours privés, avec des professeurs en chair et en os, les parents sont moins réticents à ouvrir le porte-monnaie pour donner à leurs enfants une meilleure chance de réussite à la maturité. Là aussi, « Matu Online » doit les convaincre que le modèle « vidéo + exercices sans contrainte » propose une alternative intéressante, se fondant sur une pédagogie innovante qui a fait ses preuves. La stratégie économique doit tenir compte du coût d’un cours privé sur le marché et proposer un prix d’appel attractif.

La « Matu Online » ne prépare pas à d’autres formations existant en Suisse romande, comme le baccalauréat français ou le baccalauréat international. S’adressant à une population très spécifique, le marché est limité et donc concurrentiel. En contrepartie, le programme est fortement spécialisé, son offre est clairement différenciée et le diplôme à la clé est hautement qualitatif, sa reconnaissance jouissant d’un consensus helvétique.

Une autre difficulté concerne la recherche de partenaires. Alors qu’une collaboration avec l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui a atteint une certaine notoriété dans la production des cours virtuels (MOOCs) reste une possibilité d’avenir, les besoins immédiats pour passer à la deuxième phase sont d’ordre technique. La plateforme doit être sécurisée pour assurer les rencontres en « live ». De nouvelles fonctionnalités doivent être développées. Des modèles de paiement flexibles permettraient non seulement de combiner des contenus gratuits avec des compléments payants, mais aussi de tester et d’optimiser la stratégie prix. Le développement d’une telle plateforme sur mesure est coûteux et requiert un savoir-faire spécialisé.

Musique d’avenir

Alain Moser a parfois le sentiment que sa vision d’une école virtuelle dépasse les mentalités actuelles. Pourtant, au-delà du programme « Matu Online » et de ses questions de rentabilité et d’organisation se trouve un innovateur bien déterminé à faire avancer l’état de la formation gymnasiale en Suisse.

Alain Moser« Nous sommes peut-être un peu en avance sur notre temps »

D’un côté, il y a sa volonté de diversifier, sinon de « secouer » les modèles pédagogiques traditionnels. Il y a aussi sa conviction que la Suisse a besoin de diminuer le taux d’échec ou d’abandon prématuré de l’école. Les élèves catégorisés « perturbateurs », qui finissent souvent dans les écoles privées (si les moyens des parents le permettent) et en font parfois, à tort, la réputation seraient les premiers à bénéficier d’un soutien flexible qui s’adapte à leurs profils personnels d’apprenants, souvent non-conformes. Quitte à leur permettre ainsi de rester à l’école publique et à y réussir.

Alain Moser aimerait aussi augmenter le nombre de maturités délivrées chaque année, sans les dévaloriser. L’économie suisse se distingue non pas par ses ressources naturelles, mais par sa force d’innovation, qui requiert une excellente préparation intellectuelle et académique. Or, une comparaison internationale avec des pays à développement comparable situe la Suisse en bas du classement selon les critères suivants : investissement public dans l’éducation ; espérance de scolarisation dans l’enseignement tertiaire (université ou haute école) ; et taux d’obtention d’un premier diplôme tertiaire. Une étude de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) sur les diplômes universitaires fait le même constat.

L’individu, acteur de la collectivité

En préface à l’une de ses études sur les jeunes quittant prématurément l’école, le Bureau fédéral de la statistique déclare : « Le savoir et le savoir-faire sont l’une des clés de l’épanouissement personnel ainsi que la matière première indispensable à toute économie novatrice et performante. Dans une société et une économie fondées sur le savoir, une formation post-obligatoire (secondaire II) représente une des conditions minimales pour échapper à la précarité de l’emploi et au chômage, elle construit les bases d’un apprentissage tout au long de la vie ».

Assouplir l’école, valoriser l’apprentissage collaboratif ou en communauté pour en finir avec l’isolement des élèves ainsi que pour augmenter les taux de réussite et former des futurs citoyens, chercheurs et entrepreneurs qui feront la fierté économique et intellectuelle de leur pays : il s’agit d’un projet ambitieux, auquel Alain Moser tente d’apporter une contribution, traduisant sa vision en innovation pédagogique. Évolution à suivre...

Cliquez ici pour le discours de M. Moser à la conférence TEDx de Genève en 2012

(1) Taux calculé sur trois ans en tenant compte des redoublements.

(2) En 2012-13, selon l’Office fédéral des statistiques, la Suisse comptait 71'375 élèves en formation pour la Maturité gymnasiale. En région lémanique (Genève, Valais, Vaud), 38'182 élèves étaient inscrits dans le degré secondaire II. http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/15/22/lexi.html

Sources :
http://www.nouvo.ch/2012/12/les-moocs-ou-luniversit%C3%A9-%C3%A0-port%C3%A9e-de-clic
http://moocs.epfl.ch/mooc-liste

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3 comments on “Matu Online : une vision de l’école au 21ème siècle”

  1. Un article bien abouti qui lève un coin du voile sur les nouveaux moyens d'apprentissage grâce à l'utilisation des NTIC. Cette initiative s'inscrit dans une mouvance contemporaine consistant à dompter les obstacles naturels à l'acquisition du savoir comme le temps et la distance. A l'air du cloud, des smartphones, des tablettes, etc., l'éducation, comme les autres secteurs, n'est pas épargnée et doit se renouveler perpétuellement en adaptant les nouveaux outils que lui fournit la technologie afin de continuer à bien mener sa mission première. La "Matu-Online" est un exemple révélateur, car elle s'inscrit dans cette dynamique qui permet d'optimiser le temps et l'espace. De ce fait, l'apprenant bénéficie davantage de flexibilité qui fait que où il se trouve et quand il le veut, peut accéder à la connaissance.

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