Nous poursuivons notre série d’articles sur l’évolution de la logistique humanitaire. Après avoir démontré l’utilité et l’efficacité des drones dans notre premier article, nous traitons ici du sujet des imprimantes 3D, qui s’avèrent indispensables dans de nombreuses situations sur le terrain.
La technologie permet à la logistique humanitaire de fournir des secours et de l’aide plus efficaces en cas de catastrophe.
Pour les logisticiens des ONG déployés sur le terrain, les demandes de pièces détachées ou d’articles spécifiques peuvent prendre des proportions dantesques en raison des délais de livraison avec des conséquences parfois dramatiques.
Quel logisticien n’a jamais vu, dans des hôpitaux de brousse, des attaches pour perfusions bricolées avec des gants de latex, et pour des machines en donation, des boulons qui ne correspondent a aucune clef disponible, ou encore chez les WASH, des poignées de robinet cassées et remplacées par des bouts de bois « usinés » au couteau.
Imprimantes 3D : une solution simple et efficace pour le logisticien
Une des solutions envisageables à ces problèmes serait les imprimantes 3D. En effet, avec un développement technique et une fabrication à la chaîne de ce type d’imprimantes, celles-ci deviennent abordables.
Leur déploiement sur le terrain est facile (autant que pour une imprimante papier), leur faible encombrement, leur mise en œuvre et leurs prix compétitifs en font un véritable atout pour :
- la fabrication de pièces détachées introuvables, voire inexistantes (plus produites ou indisponibles seules, car faisant partie d’un kit complet, hors de prix !) ou,
- la fabrication d’outils indisponibles sur le terrain, sans passer par des commandes et leurs délais de livraison, de fabrication, de dédouanement, etc.
De ce fait, le coût d’une impression 3D est vite remboursé. Quant à l’imprimante elle-même, elle sera amortie après la 20ème pièce imprimée environ.
Voici quelques exemples concrets d’utilisation d’imprimantes 3D :
Des pinces pour cordon ombilical imprimées en 3D à Haïti
A Haïti, des sages-femmes ont mis en lumière un problème dans la chaîne d’approvisionnement des pinces pour le cordon ombilical des nourrissons. En effet, celles-ci étaient principalement amenées par des volontaires depuis les Etats-Unis. Or, cela ne suffisait pas à l’approvisionnement de la plupart des cliniques. Si ces pinces sont disponibles à l’achat, elles coûtent entre 1$ et 3$, alors qu’une pince imprimée en 3D revient à 0,60$.
La mise en place de ces impressions sur place a diminué le risque de septicémie chez les nouveau-nés. Le personnel, quant à lui, peut aussi travailler de manière plus efficace.
D’autres articles ont également été imprimés par Field Ready, notamment la fourniture de prothèse de main pour des patients amputés. Les imprimantes 3D ont également été utilisées, entre autres, pour réparer et améliorer trois articles : un porte-aiguilles « papillon » qui est utilisé pour collecter des échantillons sanguins, un prototype de tournevis, trois prototypes de colliers de serrage...
Par ailleurs, du personnel local a été formé à leur utilisation.
Couveuses et canalisations au Népal
Nous pouvons encore citer l’exemple de cinq couveuses qui n’étaient plus utilisées, selon le constat de Field Ready à l’hôpital Grande International Hospital de Katmandou. En effet, les pièces d’angles qui servent à maintenir ensemble les côtés de la couveuse étaient cassées, et n’existaient plus à l’achat, et les tentatives de réparation avaient échoué.
Un ingénieur du personnel a alors conçu une nouvelle pièce renforcée et l’a imprimée en 3D. Des pièces imprimées à partir de ce prototype ont permis de réparer toutes les couveuses.
Dans un camp de personnes déplacées de Barhabise, dans le district de Sindhupalghowk, des équipes d’Oxfam et de Save the Children ont constaté que des raccords de tuyaux manquaient et ont pu être dessinés et imprimés en quelques heures sur une imprimantes 3D alimentée par une batterie de voiture. Une impression qui coûte environ 0,40$ a permis de fournir de l’eau à 18 foyers sur le long terme.
Les promesses de l’impression 3D pour la fabrication de prothèses
Dans le secteur humanitaire, la fabrication de prothèses a considérablement évolué. Les usagers les fabriquaient tout d’abord en bambou, alors que les techniciens les réalisaient en bois. Aujourd’hui, les prothèses modernes sont réalisées en polymère thermoformé à partir d’un moule sculpté d’après l’anatomie du membre absent. Celles-ci sont de plus en plus légères, plus fonctionnelles et donc mieux acceptées par le patient.
Cette impression 3D a été expérimentée au Togo, à Madagascar et en Syrie et s’avère très prometteuse.
Les applications de ces imprimantes 3D sont pratiquement infinies. Le prix, la mise en services, la maintenance et la connaissance de cet item est pourtant un frein pour les ONG.
Cependant, une mise en commun de ce moyen technique avec une utilisation inter-ONG serait un autre moyen de réduire les coûts d’utilisation et d’entretien. Cela permettrait aussi de développer une forme de « professionnalisme » pour une fabrication plus technique et donc plus précise des pièces demandées.
De plus, cette utilisation inter-ONG pourrait permettre l’utilisation de machines plus grosses et plus performantes qui permettraient de copier des objets plus volumineux, mais aussi des quantités plus volumineuses et plus précises.
Articles du même auteur :
Nouvelles technologies et humanitaire I : L’utilisation des drones
Le logisticien humanitaire dans un contexte de développement
Logisticien humanitaire ou LOG-ONGI, qu’est-ce que c’est ?
Sources :
Field Ready, handicap international
https://www.urd.org/fr/revue_humanitaires/des-approches-novatrices-pour-la-logistique-humanitaire-transformer-le-paysage-de-la-chaine-dapprovisionnement/
https://theconversation.com/des-protheses-imprimees-en-3d-pour-les-pays-frappes-par-des-conflits-ou-des-catastrophes-naturelles-154107
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