Il est tout de même singulier de voir apparaître sur le « continent » français un territoire portant le nom d'Île-de-France, comme si la France était une mer, un océan.
La région Île-de-France est née du domaine royal, constitué depuis le Xème siècle par les rois capétiens. Ce nom est utilisé, pour la première fois, en 1387 en lieu et place de "Pays de France".
Aujourd'hui, cette appellation fait référence à un territoire situé tout autour de Paris (19% des français et 31% du PIB). Celle-ci concentre les pouvoirs économiques, administratifs et politiques d'un pays volontairement centralisé.
Île de France et marées
Mais lorsque nous sommes une île française, nous sommes aussi assujetties au phénomène périodique des marées. Voir arriver à grande vitesse, la mer autour de l'île, ou du Mont-Saint-Michel pour les plus romantiques, rien n’est plus normal.
Sur Paris, le phénomène est le même depuis des siècles et peu importe d'où soufflent les vents. Actuellement, tous les samedis depuis quelques mois, une " marée jaune " entoure la ville et se concentre dans les lieux symboliques du pouvoir (économique, administratif et politique). Une façon de rappeler que l'île ne peut exister que parce qu'il y a une étendue d'eau, la mer. Le mouvement de vas et viens espère éroder les fondements de l'île, empêcher de prendre le soleil, voire interdire l'accès, en tout cas engloutir et faire disparaître la notion de centralisation.
Mais rien n'y fait, la France est bien constituée d'un corps, le Pays et son territoire, et d'une tête centrale qui pense et dirige, Paris.
Mer nourricière et destructrice
Dans l'antiquité, la mer a toujours été le symbole des peuples. Elle est nourricière, mais peut aussi être meurtrière, destructrice. Les navigateurs le savent et ont un immense respect pour cette étendue d'eau.
Les régnants ont parfois la mémoire plus courte et l'avidité du pouvoir les aveugle, au point d'en oublier ou tout au moins d’en sous-estimer ses forces. Néanmoins, « la mer », le peuple, en France est à l'origine d'au moins deux révolutions, et qui sait, peut-être d’une troisième en cours.
Le pouvoir et la réussite se trouvent à Paris
Vu depuis l'extérieur, ce phénomène géographique politique semble être assez lisible. Il suffit de prendre en considération que la France est une République monarchique, et que le monarque et sa cour résident à Paris. Le fief, le château, le royaume et les pouvoirs résident en île de France.
On monte donc pour faire appel au roi, on se rend à Paris pour obtenir, quémander, réussir à fléchir le cours de son destin. C'est là où il faut être pour exister et faire affaire. La montée à Paris est symbole de réussite, de solution, en tout cas d'espoir et cela depuis la nuit des temps. La précieuse littérature française est riche en exemples bien argumentés sur le sujet.
Le pouvoir est à Paris, il s'exerce depuis Paris et à la parisienne.
La France c'est Paris, mais est-ce que Paris est vraiment la France ?
Tout parle en ce sens ; néanmoins depuis les gilets jaunes, ce constat semble déranger. Peut-être que l'île de France va être submergée par la mer française et que nous verrons surgir une vaste étendue sereine et vivante, essentielle pour le rayonnement de la France.
Ce serait une sorte d’Atlantide française, la submersion d'une ancienne République centralisée et élitiste à outrance. La France corps qui couperait la tête, Paris; après tout, en France, c'est toujours une histoire de guillotine.
Le boycott de l'establishment et la mise en place d'une nouvelle République, la VIe pourrait intervenir, comme le dirait notre voisin anglophone, ASAP (as soon as possible).
Source photo : Pierre Patel : vue du château et des jardins de Versailles, prise de l'avenue de Paris, 1668