Si le marché de l'emploi sur la place financière genevoise n'est pas au beau fixe ces dernières années, la crise et l'alourdissement de la réglementation ont favorisé l'embauche de certains profils dans les domaines juridiques, la compliance ou encore la gestion des risques. Nous avons rencontré un "compliance officer" d’une banque étrangère installée à Genève, ayant suivi une formation en Compliance Management au Zug Financial-services institute. (Pour des raisons de secret professionnel, cette personne a souhaité garder l'anonymat)
Au préalable, voici une définition communément admise de la compliance
La compliance, en français "conformité", tire sa source de la règlementation bancaire et financière (par exemple les règles de Bâle III, la LBA (Loi sur le Blanchiment d'Argent) etc...) La fonction de conformité est une fonction indépendante qui identifie, évalue, et contrôle le risque de non-conformité de l’établissement, défini comme le risque de sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, de perte financière significative, ou d’atteinte à la réputation, qui naît du non respect de dispositions propres aux activités bancaires et financières, qu’elles soient de nature législatives ou règlementaires, ou qu’il s’agisse de normes professionnelles et déontologiques, ou d’instructions de l’organe exécutif. Le responsable de la conformité ou "compliance officer" a également un rôle d’information, de formation et de conseil, tant vis-à-vis des collaborateurs que vis-à-vis de la direction de l’établissement.
Pourriez-vous m’expliquer comment se déroule une journée type d'un compliance officer ?
90% de la journée est consacrée à la surveillance des transactions, à vérifier les ouvertures de comptes et à donner des conseils aux responsables clientèles. Puis, 10% de la journée est consacrée aux comptes existants et à écrire des rapports pour le CEO ainsi que pour les auditeurs.
Ma journée de travail commence vers 7 heures le matin. Je lis d’abord les journaux surtout les nouvelles politiques et économiques dans le monde. Puis, je commence à regarder les transactions de la veille. Vers 9 heures, les responsables clientèles commencent à nous poser des questions. Vers 11 heures, les collègues du département Trade Finance commencent à envoyer les demandes pour des opérations. Cela continue pendant l’après-midi et prend beaucoup de temps, car il faut tout vérifier minutieusement. Quand j’ai quelques minutes, je continue à faire des vérifications dans les comptes existants, regarder les transactions et faire des contrôles pour les profils “anti money laundering“ (lutte contre le blanchiment d’argent avec la loi LBA, particulièrement sévère). Il faut vérifier les ouvertures de comptes et faire des recherches sur les nouveaux clients potentiels et sur leurs professions et peut être aussi sur leurs familles (surtout, si le client est ce que nous appelons un "PEP", une personne politiquement ou médiatiquement exposée).
Comment évolue votre métier ?
Le service Compliance devient de plus en plus important dans le monde financier. Dans certains établissements, par exemple, il y a eu une augmentation du personnel de 160% à 300%. De plus, les banques ne veulent plus prendre le risque d‘une mauvaise opération, qui pourrait engendrer des pertes, et les risques liés à une mauvaise publicité.
Quelles sont les qualités essentielles pour effectuer ce métier ?
Il faut du bon sens, aimer lire et une bonne compréhension. Il faut aussi savoir poser les bonnes questions, connaître le métier et les clients et bien sur être proche de ses collègues, en particulier les responsables clientèle. Je pense, qu‘il est nécessaire d’avoir une bonne culture générale, il faut être curieux.
Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes désireuses d'entrer dans ce domaine professionnel
Faites-le ! C’est le moment idéal, Il y a actuellement une grande demande.
Qu’est ce qui vous passionne le plus dans votre métier ?
Chaque jour est différent, nous sommes confrontés à beaucoup de situations très variées. Nous avons de bons contacts avec les clients et nos collègues. Ce travail demande de bonnes connaissances en politique, en géographie (concernant les sanctions et embargos par exemple) et il faut bien connaitre les structures financières et juridiques : les trusts ou les compagnies offshore par exemple, afin de pouvoir vérifier si les fonds avec lesquels nous travaillons ne couvrent pas d’opérations illicites.
Quels sont les contraintes liées à votre métier ?
Lorsque que nous posons beaucoup de questions ou que nous refusons des opérations, on peut se heurter à une incompréhension de nos collègues. Il peut nous arriver d’avoir le sentiment de méfiance de la part des autres collaborateurs de la banque.
Connaissez-vous d’autres parcours d’accès possibles ?
Travailler dans un registre central est une bonne porte d'entrée, ainsi que le suivi d'une formation de compliance officer car c'est un métier qui nécessite des connaissances spécifiques.
photo credit: kenteegardin via photopin cc