Nous avons rencontré Guido Houben, directeur financier et directeur des ressources humaines, qui nous a expliqué en quoi consistait son activité au sein du deuxième plus grand festival de musique classique de Suisse, le Verbier Festival qui a lieu aux mois de juillet et août. La spécificité de ce festival créé en 1994 par Martin T:son Engstroem est que non seulement les plus grands artistes de notre époque (Martha Argerich, Radu Lupu, Gidon Kremer, … ) s’y retrouvent pour jouer dans des formations et répertoires qui sont très rares ailleurs, mais aussi que l’aspect éducatif est au rendez-vous au travers des pôles d’excellence suivants :
- l’Academy (créée en 1994) qui permet aux meilleurs jeunes solistes au monde de s’exercer sous la tutelle de grands artistes.
- les deux orchestres (créés en 2000 et 2006) composés de talentueux musiciens âgés de 17 à 29 ans qui travaillent sous la baguette des plus grands chefs d’orchestre et solistes du moment.
- le Discovery (créé en 2006) qui propose des conférences aux adultes et des activités aux enfants.
- l’Amateur Chamber Music Week (créé en 2006) qui donne l’opportunité à des musiciens non-professionnels de s’exercer sous l’égide d’artistes confirmés.
- le Music Camp (créé en 2013) qui offre un premier tremplin pour de talentueux musiciens adolescents âgés de 15 à 17 ans.
Le Verbier Festival est une véritable entreprise qui graduellement s’est donc étoffée de multiples projets, tous menés à bien grâce, entre autres, à des hommes passionnés tels que Guido Houben.
Une personnalité professionnelle complète
Guido Houben est détenteur de plusieurs diplômes : une maîtrise en musique, un doctorat en sciences politiques, une maîtrise en gestion de l’Université Harvard… Il est aussi fort d’un très riche parcours professionnel dans le domaine culturel. En effet il a travaillé au parlement fédéral d’Allemagne à Bonn et Berlin où il s’occupait du budget fédéral culturel, pour l’Opéra National à Washington et pour un orchestre de jeunes musiciens de Placido Domingo. Il a également géré un festival à Philadelphie et un orchestre symphonique à Lausanne.
Le fait d’avoir choisi ces diverses fonctions professionnelles dans le domaine artistique n’est pas un hasard car, très jeune, il a baigné dans un milieu familial qui aimait la musique et s’est naturellement orienté dans cette voie. Même si maintenant il s’occupe particulièrement des finances et des ressources humaines au Verbier Festival, il est passé par la planification artistique, la communication et la gestion stratégique. Cet homme a donc une vision globale d’une structure dans le monde de la musique classique.
Les quatre saisons du festival
Entouré de deux assistantes, Guido Houben traite de plusieurs grands dossiers durant l’année. Hormis la comptabilité quotidienne, cette petite équipe dynamique s’occupe de la clôture de l’exercice en automne. Puis vient l’établissement du budget en hiver et au printemps le recrutement très important des 120 collaborateurs saisonniers. Il faut aussi déménager les bureaux du festival basé à Vevey jusqu’à Verbier, le temps du festival. En été, le festival constitue une période très intense puisqu’il faut gérer à la fois les demandes des prestataires de services, des artistes, et des collaborateurs. Autant dire que l’efficacité doit être là pour son équipe. Heureusement, ils ne sont pas seuls car le Verbier Festival emploie une quinzaine d’autres personnes à l’année.
L’organisation des finances
L’organisation des finances d’un festival est assez simple et saisonnière : peu de lourds investissements dans des bâtiments ou d’amortissements de décors comme aux opéras, peu de risques de change comme pour les orchestres en tournée, peu d’intérêts de constructions à long terme ou de portfolio management significatif… D’un côté se trouvent les recettes et les donations et de l’autre les cachets des artistes et les frais organisationnels (technique, communication, personnel, etc).
Les sources principales de financement du Verbier Festival sont :
- les recettes de billetterie qui représentent un quart des entrées financières.
- les subsides (Etat, Loterie Romande, Commune de Bagnes).
- les particuliers à travers le cercle d’Amis du Festival (qui bénéficient d’un accès privilégié à la billetterie et à des dîners privés lors du festival).
- les fondations.
- les sponsors qui bénéficient de contreparties telles que des billets, des traitements spéciaux, du marketing et des affiches.
Ces sources de financement ne sont jamais acquises et il faut s’assurer qu’elles le restent et se développent, car des projets liés au festival s’ajoutent chaque année. En effet, la réputation accrue du Festival provoque un effet boule de neige. La quantité et la qualité des projets augmentent de concert, cela attire de nouveaux donateurs, des sponsors et ainsi de suite. A l’avenir, il sera important de continuer à diversifier les sources de financement, afin de limiter les risques de défaut de l’une d’entre elles et d’améliorer en Suisse les attraits fiscaux pour des donateurs privés afin que les dons puissent être déduits de leur revenu imposable.
Le crowdfunding : une source supplémentaire de financement
Le besoin d’augmenter les dons privés pousse notamment le Verbier Festival à faire figure de pionnier en Suisse, car ses dirigeants étudient, sur le plan technique, ce nouveau moyen de financement depuis plus d’une année. Le festival pratique pourtant déjà le concept en quelque sorte. Le pôle d’excellence du Verbier Festival Academy permet à une cinquantaine de jeunes solistes talentueux de bénéficier individuellement d’une bourse mensuelle de 3'500 CHF, octroyée par autant de mécènes particuliers. A l’avenir, le crowdfunding pourra représenter jusqu’à 5% environ des entrées financières.