Nous avons rencontré Laura Bay, responsable web à la Ville de Genève. Passionnée par les nombreuses possibilités de partage d’informations offertes par le web, en particulier par les médias sociaux, elle nous a expliqué en quoi consistait son travail au sein de l'Unité information et communication ainsi que les spécificités de la communication d'une administration publique.
Quels sont votre formation et votre parcours professionnel?
J'ai suivi une formation en lettres, plus précisément un Master en histoire et philosophie. Puis j'ai obtenu un Certificat SPRI (Institut Suisse de Relations Publiques) de praticienne en relations publiques.
En parallèle à mes études, j'ai été engagée comme cheffe d'équipe et rédactrice dans le cadre de la refonte du site de la Ville de Genève. Il s'agissait de sélectionner des contenus existants et de les reprendre pour les adapter au web. De fil en aiguille, la Ville a mis en place une organisation plus pérenne pour entretenir et animer le site. On m'a alors proposé un poste de rédactrice-conceptrice, puis finalement de responsable web. Cela fait maintenant quatre ans et demi que je travaille pour la Ville de Genève.
Entre temps, j'avais terminé mes études, et l'année dernière, j'ai complété ma formation par un diplôme de spécialiste en médias sociaux et communautés en ligne au SAWI.
Comment s'organise votre travail?
Mon travail comporte deux aspects principaux :
D'une part, il s'agit de diriger une équipe comprenant une rédactrice, une rédactrice photos, un community manager et deux chargés d'exploitation. Nous devons garantir la qualité du site et mettre à jour plus de 5000 pages. Nous collaborons avec un réseau de contributeurs qui se trouvent dans les différents services de la Ville de Genève et qui constituent notre source d'informations. Ceux-ci proposent de nouveaux contenus ou simplement des améliorations et actualisations. Ensuite, nous contrôlons ces textes pour leur donner une cohérence et vérifier qu’ils respectent les principes de rédaction web ainsi que la ligne éditoriale que nous avons définie. Nous agissons également en tant que conseillers, lorsqu’un service souhaite traiter d'un nouveau sujet.
D'autre part, nous travaillons en étroite collaboration avec l’équipe de développement de la Direction des systèmes d'information et de communication pour faire évoluer le site, pour l'améliorer, etc. Nous nous voyons régulièrement pour faire le point sur les demandes des services et essayons d’amener de la cohérence et de créer des synergies.
Je passe beaucoup de temps à rencontrer les chargés de communication des différents départements de la Ville pour définir les nouveaux sujets et discuter de la meilleure manière de les valoriser. Parfois, je gère entièrement un projet, d'autre fois, celui-ci est géré au sein d'un département et j’interviens comme conseillère uniquement.
Vous vous occupez plus précisément des médias sociaux, pouvez-vous m'en dire plus?
Une page facebook de la Ville avait été mise en place par l'ancien rédacteur en chef au moment du lancement du site de la Ville de Genève, en 2010. Le but de notre présence sur ce média social était d'être plus proche des gens et de favoriser les interactions, ce que le site ne permet pas vraiment. Aujourd’hui, nous devons mettre en place un bon système de gestion car les interactions prennent de plus en plus d'ampleur et nous manquons de réactivité.
La mise en place de cette stratégie de gestion des réseaux sociaux, en collaboration avec les chargés de communication des différents départements, est très délicate. En effet, la Ville de Genève compte une quarantaine de services et environ 4000 collaborateurs ; nous ne pouvons pas connaître tous les sujets. De plus, nous devons répondre selon la position officielle du département ou du service concerné. Récolter des éléments de réponse peut donc prendre plus ou moins de temps selon les agendas des différents interlocuteurs. Pour faciliter ce travail, il est essentiel de mettre en place une stratégie qui soit validée par le Conseil Administratif et à laquelle tous les collaborateurs adhèrent. Ainsi, chacun sera au clair et nous pourrons agir plus rapidement au moment où nous aurons besoin d’une information.
Vous êtes également impliquée dans la formation, comment cela se passe-t-il?
La formation de trois jours que je donne aux collaborateurs de la Ville s'intitule: "Contribuer au site web de la Ville de Genève". Elle comprend deux axes.
D'une part, le cours comprend la rédaction sur le web: comment formuler des messages plus simplement, plus directement, pour être plus lisible, quels sujets mettre en ligne et à quel emplacement. Il s'agit aussi d'apprendre à connaître le site, qui peut sembler difficile d'accès, étant donné la profusion de contenus. Mon objectif est de donner envie aux collaborateurs de développer le «réflexe web» et de les motiver en leur montrant l'intérêt de la communication sur le web.
D'autre part, la formation comprend une partie technique pour apprendre à utiliser l’outil de contribution que nous utilisons. Les collaborateurs apprennent ainsi à publier eux-mêmes les contenus et à nous les envoyer une fois prêts, afin que nous les corrigions. Cela permet aux collaborateurs d’être plus autonomes, de s'approprier les contenus du site, afin que celui-ci leur appartienne aussi.
Cette formation crée vraiment du lien et me donne accès à des personnes que je ne vois pas régulièrement. Celles-ci m’appellent alors plus facilement pour me poser des questions. Elles ont également plus de confiance en leurs idées, qui sont souvent bonnes, mais qu’elles n'osent pas forcément présenter. Chaque service a des problématiques particulières, puisque nous traitons de sujets très variés, allant de la voirie au Conseil municipal, passant par les activités pour les jeunes.
Comment évolue votre métier?
Au départ, c'est le site web qui a créé mon métier, puis je me suis intéressée à facebook et aux médias sociaux. Afin de comprendre cette nouvelle tendance, j'ai suivi une formation de spécialiste. Cela m’a permis de réfléchir aux avantages que pourrait en tirer la Ville de Genève.
En ce moment, nous adaptons le site aux plateformes mobiles, car la fréquentation mobile a fortement augmenté ces dernières années. Les services manifestent de l’intérêt pour les applications mobiles. C’est assez logique car ce sont des outils qui permettent de répondre à des besoins précis, d'être très réactifs et visibles. Mais là aussi, il est nécessaire de mettre en place une stratégie, afin de conseiller et de normer l’usage des applications mobiles, pour garantir une image cohérente de la Ville de Genève et utiliser au mieux le budget à disposition.
Quelles sont les qualités essentielles pour exercer ce métier?
Il faut être réactif, car ce sont souvent des demandes de mise en ligne pour le jour même. Cela implique d'être disponible et d'apporter rapidement des réponses aux problèmes qui nous sont posés. Il faut également se tenir au courant, car nous sommes dépendants de Google ou de facebook, qui ne préviennent pas toujours de leurs évolutions.
Une autre qualité essentielle liée plutôt au monde de la fonction publique est la flexibilité et la patience. Nous ne pouvons pas réaliser des projets aussi vite que dans le privé, car nous n'avons pas les mêmes moyens. Il n'est donc pas possible de suivre toutes les dernières évolutions technologiques, ce qui peut donner l'impression que nous sommes un peu en retard. Pourtant, ne pas subir la pression du temps constitue un avantage et permet de bénéficier de l'expérience des autres.
Ce métier demande aussi de la patience et de la flexibilité, car il dépend d’urgences politiques. Un projet précis peut devenir prioritaire et nous devons mettre de côté tout le reste pour le traiter.
Il faut également savoir se mettre à la place du public, s'exprimer clairement et identifier les sujets qui pourraient l'intéresser. Nous devons faire en sorte que la Ville soit plus connue et mieux comprise afin que les décisions soient plus partagées.
Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes désireuses d'entrer dans le métier?
Il est important de faire de la veille à titre personnel pour s'informer des évolutions, afin de bien être au courant de la tendance actuelle. Il peut également être intéressant de tenir un blog, par exemple, pour s'exercer à communiquer et réagir aux commentaires. Tout cela peut rester abstrait ou flou si on n’a pas l'occasion de pratiquer au niveau professionnel.
Il est également essentiel de soigner sa présence en ligne. De plus en plus, les recruteurs s’informent sur le web et jugent le candidat en fonction de ses interventions.
A quel public vous adressez-vous?
Nous nous adressons principalement aux habitants de la Ville de Genève, mais aussi aux personnes qui travaillent à Genève et aux touristes, même si ce n'est pas notre rôle premier. L'information qui intéresse un large public doit être communiquée de manière très claire et simple, pour la rendre accessible à tous.
Lorsqu’un sujet s’adresse à un public spécifique, nous essayons d’adapter le vocabulaire et le ton, comme par exemple lors de la création d’une rubrique pour les jeunes. De plus, nous souhaitons améliorer l’accessibilité de notre site pour les personnes malvoyantes ou souffrant d'un handicap. Cela représente un travail important, d'un point de vue technique, mais aussi dans la manière de structurer et de présenter l'information.
Quels objectifs visez-vous?
Notre objectif principal est d'informer et d'être transparent, afin que les citoyens comprennent les investissements de la Ville, ainsi que les décisions prises. L'information essentielle pour les collaborateurs n'est pas forcément l’information essentielle pour le public. Nous devons donc anticiper les demandes du public et sensibiliser les services aux questions qui pourraient leur être posées afin de rédiger des textes utiles et clairs.
Comment choisissez-vous les contenus?
Nous avons des réunions hebdomadaires avec les chargés de communication de chaque département, afin de traiter des actualités et des informations à mettre en avant sur la page d'accueil. Nous répartissons les espaces de promotion du site selon leurs demandes. Nous jouons un rôle de modération lorsqu’un sujet semble peu pertinent pour la page d'accueil, par exemple. Concernant les autres informations, nous avons fait un choix de masse au départ, afin de publier un maximum de contenus. Puis, les services qui fournissent une nouvelle prestation nous contactent pour la mettre en ligne. Ou alors notre équipe découvre une information intéressante à partager, qui n'a pas encore été communiquée sur le site, et la propose au service.
Finalement, nous ne produisons pas vraiment de contenu, nous sommes au service des départements de la Ville et agissons comme conseillers.
Par quels moyens communiquez-vous?
Par de nombreux moyens, selon le public visé. La Ville de Genève édite un journal public, le "Vivre à Genève", rédige des communiqués de presse, organise des conférences de presse ainsi que des séances d’information publiques, produit des brochures d'informations, des flyers, etc. Notre équipe s’occupe plus particulièrement du site web, de l’Intranet des réseaux sociaux et du mobile.
Pour conclure, j’aime le métier de responsable web car mes tâches sont variées et qu’il me permet de favoriser la transparence de l'information et les interactions avec les gens. Le fait de l’exercer au sein de la Ville de Genève représente un atout supplémentaire, car notre unité se trouve au cœur de l'information publique et est au service des habitants.