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Quel avenir pour le négoce en Suisse ? L'opinion d'Alliance commodities SA

Écrit par Cheikh Sene
Paru le 29 janvier 2013

alliance commodities logoNous sommes allés à la rencontre de Mamadou Ciss, fondateur d’Alliance commodities SA, actif dans le  trading afin qu’il nous présente sa profession et les défis auxquels celle-ci fait fasse.

Bonjour Monsieur Ciss, pourriez-vous nous décrire votre parcours ?

Je suis diplômé de l’Université de Genève où j'ai obtenu une licence en économie en 1984. Après j’ai eut la chance d’être engagé chez Cargill International SA à la division  Moyen-Orient où je faisais du trading de maïs, de blé  et du soja et par la suite je me suis focalisé exclusivement sur le trading du riz. Car en effet, par rapport à mes origines africaines, le riz est un aliment très prisé en Afrique comme vous le savez sans doute.

Je suis resté 9 ans chez Cargill jusqu’en 1992. Cette année là j’ai décidé de me mettre en mon propre compte et j’ai crée avec un partenaire une société dénommée « Inglewood gestion S.A.» active dans le trading du riz. Par la suite nous avons diversifié nos activités avec le café et le cacao. Mais nous avons mis fin à notre collaboration après 5 années.

Et en 1997 j’ai crée en partenariat avec la société Addax & Oryx Group, la société « ASCOT» pour addax soft commodities trading. En 2006 je décide de quitter la Suisse pour Singapour où je fonde « Hermes Finance SA » active dans le trading et le family office. Enfin en 2010 je décide de revenir à Genève et je crée avec un partenaire « Alliance Commodities SA ».

Quelles sont les activités d’alliance commodities S.A. ?tof

Nous faisons essentiellement du trading de riz. Nous achetons le riz principalement en Asie, mais également au Brésil et en Uruguay pour le vendre au Moyen-Orient, à Cuba, en Iran à l’époque (avant l'embargo), mais notre principal marché reste l’Afrique. 80 à 90% de nos ventes se font en Afrique.

Est-ce que vous disposez de succursales en Afrique ?

Non, nous n’en disposons pas actuellement, nous collaborons avec une société partenaire sur place. Car en effet nous avons opté pour une politique de limitation des frais généraux. Faire moins de volumes nous permet de garder nos frais généraux bas, en même temps d’avoir des niches permettant d’apporter une valeur ajoutée. Par contre nous avons un bureau à Singapour.

Comment le secteur du trading a-t-il évolué ces 10 dernières années ?

De nos jours l’environnement est incertain et nous faisons fasse à une volatilité plus grande. La volatilité de change et la volatilité sur les cours de brut de pétrole surtout. Cela nécessite d’être plus prudent en faisant moins de volume comme nous ou en s’intégrant dans un grand groupe pour réaliser des économies d’échelles. Dans le secteur du trading de riz nous avons de très grand groupe comme Louis Dreyfus et des petites sociétés avec moins de volumes. Il n’y a plus beaucoup d’entreprise de taille moyenne dans le secteur.

L’information est plus accessible aujourd’hui, ce qui fait qu’il y a beaucoup plus de transparence au niveau des prix et donc une baisse des marges du secteur. Il y a également plus de variétés de riz de nos jours. Les clients accordent plus d’importance dans le packaging, la qualité du riz. Ainsi nous sommes amenés à mener des actions marketing pour diffuser nos produits. Et enfin avec la crise financière obtenir du crédit devient plus difficile.

 Est-ce que vous arrivez toujours à obtenir des lignes de crédit auprès des banques ?

On arrive toujours à obtenir des lignes de crédit. Pour nous, grâce à un très bon « track record » les banques nous font toujours confiance. Mais évidemment avec la crise, obtenir des lignes de crédit auprès des banques est très difficile. Celles-ci sont peu enclines à prendre des risques et sont dorénavant très strictes dans les critères d’attribution de ligne de crédit. Avant la crise, pour le trading de riz, les banques demandaient des fonds propres de l’ordre de 10% des montant engagés maintenant elles peuvent demander jusqu’au double soit 20% de fonds propres. Pour un secteur comme le nôtre qui nécessite beaucoup de liquidités, effectivement cela peu être un grand frein à nos activités. C’est la raison pour laquelle nous voyons cette forte tendance à l’intégration dans le secteur ces dernières années.

Quelles sont les qualités à avoir pour réussir dans ce métier du trading ?

C’est un secteur très complexe. Je dirais pour réussir il faudrait avoir une certaine indépendance et être très entrepreneur. Il faudrait surtout ne pas attendre qu’on vous dise quoi faire. Je dirais aussi : avoir une parole car dans ce métier la parole est d’or. Si vous ne respectez pas votre parole, cela se saura. Il faut respecter ses engagements quoi que cela puisse vous coûter. En effet, comme je vous l’ais dit, c’est un secteur nécessitant la mobilisation de beaucoup d’argent. Donc on a toujours besoins des banques qui, par rapport à notre réputation, prêtent jusqu’à 90% des montant engagés. Ainsi donc, le non-respect des engagements pris auprès de celles-ci peut vous causer des problèmes de financement dans l’avenir. Enfin, il faut avoir une certaine ouverture d’esprit car nous travaillons avec des partenaires partout dans le monde.

Dans ce métier la parole est d’or. Respecter ses engagements est vital

Actuellement une certaine pression est mise sur la Suisse par l’UE notamment pour abolir les avantages fiscaux accordés aux multinationales. On parle notamment en ce qui vous concerne de l’abolition des « ruling fiscaux » pour les sociétés de négoces installées à Genève. Quelles seront les conséquences d’un tel acte pour la Suisse?

Les conséquences seront, à mon avis, dramatique pour l’économie Suisse surtout pour l’économie Genevoise. En effet le secteur du négoce de matières premières emploie des milliers de personnes sur Genève. Car à mon avis s’il y a abolition du statut de société auxiliaire, la plupart des grandes sociétés de négoce quitteront la Suisse. Si on nous demande de payer deux, trois points d’impôts en plus(le taux d’impôts actuel pour les sociétés auxiliaires de négoce est de 11%) je pense que cela aura peu d’effet. Les sociétés resteront pour la qualité de vie en Suisse : de bonnes écoles, la sécurité, les montagnes et une position géographique au cœur de l’Europe. Mais surtout pour les compétences disponibles sur place, de bonnes infrastructures et le financement nécessaire à nos activités.

Par contre une abolition pure et simple entrainera sûrement le départ des grosses sociétés de la Suisse, car de nos jours d’autres pays offrent des conditions similaires.

Le fait est que la Suisse n'est qu'un bureau administratif pour ces entreprises, aucune marchandise ne rentre ni ne sort de la Suisse. Alors pourquoi ces sociétés paieraient des impôts trop importants en Suisse? Si la Suisse abolit le statut de société auxiliaire, beaucoup de sociétés de négoce partiront.

Est ce que certains pays pourraient concurrencer la Suisse ? Je pense notamment à Singapour et Dubaï ?

Tout à fait. Dans le secteur du trading, on peut travailler à partir de n’importe où. Je peux travailler à partir de ma chambre pour une société basée à Singapour ou n’importe où. Il me suffit juste d’avoir un ordinateur. Il y a aussi le fait qu’on peut très facilement déplacer notre activité d’un pays à l’autre aujourd’hui. A mon avis, Dubaï a plus de chance d’attirer le secteur tout simplement à cause du décalage horaire qui est de seulement 3 heures de l’Europe contrairement aux 6 heures de décalage avec Singapour ce qui peut être un frein car on travaille souvent avec tous les continents. D’autres pays peuvent aussi émerger et offrir une bonne fiscalité.

A l’heure actuelle, la Suisse et Genève disposent des compétences, de bonnes infrastructures et le financement nécessaire à l’activité de négoce, mais même ces atouts sont transférables d’un pays à l’autre : on peut déplacer les compétences, les banques peuvent ouvrir des filiales partout. La preuve ce sont les banques françaises, BNP Paribas, le crédit agricole, la société générale, qui sont les plus actives dans le financement du trading à Genève.

Les banques françaises sont leaders dans le trade  finance à Genève

Est-ce qu’il y a d’autres banques actives dans le financement du négoce à Genève ?

Les banques françaises sont leaders du secteur. Les banques cantonales genevoise et vaudoise sont aussi très impliquées pour ce qui est des banques suisses. Mais avec la crise et l’entrée en vigueur de « Bâle III » avec des exigences en fonds propres élevés, les banques européennes et suisses sont beaucoup plus prudentes pour accorder des lignes de crédit. Heureusement pour le secteur d’autres banques émergent et sont très actives dans le financement du trading de matières premières. Notamment les banques maltaises, indiennes, brésiliennes, chinoises,…etc.

L’Afrique est l’un des continents consommant le plus de riz et disposant de plus de matières premières. Pensez-vous qu’il a des atouts pour attirer les sociétés de négoce?

Pourquoi pas. Pour l’instant il n’y a pas encore les infrastructures nécessaires pour pouvoir se déplacer facilement, ni les compétences humaines, ni des institutions financières capables de financer l’activité, ni la stabilité politique nécessaire en général. Mais dans l’avenir cela peut très bien changer. Qui aurait pensé il y a 20 ans que Dubaï et le Qatar pouvaient attirer des entreprises occidentales ?

Pour conclure, à mon avis l’Afrique pourra dans une ou deux décennies tirer son épingle du jeu. Pour le moment la Suisse offre la meilleure expertise, le meilleur financement (trade finance), une bonne fiscalité, couplé à un cadre de vie agréable pour les sociétés de négoce. Cependant elle ne doit pas prendre cela comme acquis, les choses pouvant changer très vite dans l’environnement des affaires.

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