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Salon du livre : les amazones qui font l’Afrique et le Salon Africain

Écrit par Federica Francesca Lobino
Paru le 4 mai 2018

Salon Africain du livre - arbre mutlicolore faire de métal (boîtes conserve et tonnau) recyclésLe 32ème Salon du livre et de la presse de Genève a fermé ses portes le 29 avril 2018.

Un de ses espaces particulièrement appréciés du public a été le Salon africain, qui a débuté le 25 avril avec ses premiers amazones et auteurs : Adèle Caby-Livannah, le magistrate martiniquaise Valérie Cadignan, la militante des droits de l'homme burkinabé Monique Ilboudo, les « enfants de Mandela » Boubacar Boris Diop et Sami Tchak, la collaboratrice de la revue Shahinaz Guir et l’auteur Samir Toumi, et enfin le cinéaste Louis Decque.

Le thème du Salon africain de cette année est : Ces amazones qui font l’Afrique. Cette année a été dédiée à des femmes qui ont consacré leur vie à faire découvrir le monde africain et à créer des débats autour des problématiques, des contradictions, mais aussi à transmettre les nuances de la culture africaine. Deux d’entre elles ont montré leur charisme l’après-midi du 25 avril : Valérie Cadignan et Monique Ilboudo, avec la modération de Yvan Amar, ont exposé deux réalités différentes, mais avec la même passion pour présenter leurs propres réflexions.

 

Fin de règne - Anne-Solitude de France, Valérie Cadignan

La séance de l’après-midi commence avec l’amazone Valérie Cadignan qui a voulu repenser le message de James Baldwin, l'écrivain afro-américain qui a lutté pour les droits civils des noirs américains et qui a été représenté dans le documentaire « I am not your negro » (2016) de Raoul Peck.

Valérie Cadignan est née en 1972 en Martinique où elle a vécu jusqu'à l'obtention de son baccalauréat. En 1998, elle a quitté le pays pour s’installer en France métropolitaine où elle est devenue magistrate.

Dans son essai Fin de règne - Anne-Solitude de France (Ed. Presence Africaine), elle réfléchit sur les changements de notre société et met l’accent sur le processus d’identification des mots blessants. Comme elle le rappelle, dans le titre du livre « règne » est l’anagramme parfaite de « nègre » alors que Solitude de France met à l’honneur de la figure de Solitude, la mulâtresse Solitude, figure historique de la résistance des esclaves noirs de la Guadeloupe. Anne, par contre, est le prénom de l’auteure à l’état civil.

Avec la naïveté qui la caractérise, elle admet avoir pris conscience d’être noire après l’élection de Barack Obama et la situation désespérée à Haïti. Après cette « révélation », elle s’engage dans une réflexion sur l’état de la société actuelle.

Il s’agit de comprendre comment vivre ensemble de manière pacifique, en particulier dans la société française. Ce qui est important, c’est que c'est le regard de l’autre qui apporte des préjugés. L’empathie est le mot-clé pour Valérie Cadignan. Connaître et comprendre les sentiments et les émotions des autres est le premier pas pour changer la société. Société dans laquelle il y a du racisme inconscient, car il s’agit d’un processus ancien. Celui-ci produit des actes invisibles qui déçoivent et l’utilisation de mots qui peuvent heurter des sensibilités.

 

Si loin de ma vie, Monique Ilboudo

La deuxième amazone invitée par le Salon est Monique Ilboudo, première professeure de droit, femme de lettres, activiste pour les droits humains et femme politique burkinabè qui a présenté en avant-première Si loin de ma vie (Ed. Le Serpent à Plumes). Ce roman consacre son retour à la fiction après Le Mal de Peau (qui a reçu le Grand Prix de l'Imprimerie Nationale du Meilleur Roman 1992 du Burkina Faso).

Ce petit roman raconte l’histoire de Jean-Philippe, Jeanphi, vivant dans un pays fictif, Oubany, qui désire partir en Europe tout d’abord et après, qui sait ? Le thème principal de l’ouvrage est la migration. Celle-ci est conçue comme la liberté de partir, mais aussi de revenir, une idée assez évidente pour les occidentaux. Mais ce n’est pas le cas pour les jeunes africains qui rêvent de la même liberté de déplacement : la liberté de se déplacer, de faire des expériences et pourquoi pas, de retourner à ses racines.

Le roman nous invite à poser autrement la question de l’homosexualité, même si ce n'est pas exactement le cœur du livre et la façon de se débrouiller (expression typique de l’Afrique francophone) dans la vie. Jeanphi se débrouille, s’est toujours débrouillé et il continuera à se débrouiller. Qu’importe ce que la vie à en suspens pour lui.

C’est intéressant qu’une femme comme Monique Ilboudo, qui s’est toujours occupée de droits des femmes, se soit mise dans les pas d’un garçon. Le défi pour elle était d’écrire dans la peau d’un jeune homme, mais grâce à la sensibilité qui la distingue, elle a réussi à démontrer tout le bouleversement intérieur du protagoniste.

 

Le Prix Ahmadou Kourouma 2018 : et le lauréat est... Wilfried N’Sondé !

Le Salon africain rend également hommage aux droits de l'homme en attribuant le Prix Ahmadou Kourouma à Wilfried N’Sondé pour son roman « Un océan, deux mers, trois continents » (Ed. Actes Sud), pour ses valeurs humanistes, symbolisées dans le roman, le jour même où le président français Macron rend hommage aux abolitionnistes de l'esclavage.

« Un océan, deux mers, trois continents » raconte l’histoire d'un prêtre congolais au début du XVIIème siècle, chargé par le roi des Bakongos de devenir ambassadeur au Vatican. Mais, le long voyage vers Rome va passer par le Nouveau Monde et le bateau sur lequel il se prépare à embarquer est chargé d’esclaves. De plus, il affrontera une multitude de péripéties qui vont mettre à mal sa foi en Dieu et en l’Homme. Égalité, fraternité et espérance sont sûrement les mots-clés de ce livre.

Wilfried N’Sondé est né en 1968 à Brazzaville, mais il a fait ses études de sciences politiques à Paris, avant de partir vivre à Berlin pour vingt-cinq ans, puis de retourner dans la Ville Lumière. Professeur de littérature à l’université de Berne pour une brève période, il est aussi musicien et auteur de chansons. Ses romans sont traduits aux États-Unis et en Italie. En 2007, il a été le lauréat du Prix des cinq continents de la francophonie et du Prix Senghor de la création littéraire pour son livre Le cœur des enfants léopards.

Cette année le Salon africain a mis à l’honneur les africains qui s’occupent des droits de l’homme et qui se battent pour l’identité de chaque citoyennes et citoyens du continent africain. Ça a été l'occasion pour donner voix à ces dames et à ces hommes qui racontent l’Afrique et ça a été un privilège d’écouter leurs histoires.

 

Sources :

http://www.salondulivre.ch

https://www.24heures.ch/culture/livres/Salon-du-livre-moins-de-monde-et-moult-prix/story/25148848

https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/un-ocean-deux-mers-trois-continents

 

Photo : Federica Francesca Lobino

 

 

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