Source: Serbeco SA
Les containers de collecte de déchets comme de simples objets inertes ? Incroyable mais vrai : certains regorgent d’électronique, permettant non seulement de mesurer leur niveau de remplissage, mais aussi de prédire le moment optimal pour leur vidange. Serbeco, leader du marché, a concrétisé de nombreuses innovations au service du développement durable. Bertrand Girod, son Directeur Général, nous parle de son entreprise sous l’angle de l’innovation et du défi que constitue la valorisation des déchets – tout ceci dans le but de contribuer à la transition énergétique.
L’innovation au service du développement durable
Bertrand Girod, Directeur Général de Serbeco SA
Après bien des innovations, dont les containers terriers et la gestion électronique des containers, vous venez de présenter votre dernier bébé, le camion grue Econic. De quoi s’agit-il? Quelles en sont les innovations sous-jacentes ?
Le camion Econic est un véhicule hybride muni d’une grue 100% électrique qui facilite les opérations de collecte des déchets. Cette grue permet de soulever 1,4 tonne de charge à une hauteur de 10 mètres. Econic est aussi équipé d’une cabine surélevée qui assure à nos collaborateurs une meilleure sécurité, car ils ont une excellente visibilité sur leurs manœuvres depuis l’intérieur du véhicule. Nous pouvons ainsi réduire les risques d’accidents liés aux sorties hors du camion. La responsabilité sociale est une préoccupation permanente chez Serbeco.
Les innovations dans ce camion sont : le défi technique de construire à la fois une grue électro-hydraulique et une cabine surélevée sur un camion tout en étant raisonnable au niveau des dimensions ; la réduction de l’impact environnemental grâce à l’utilisation de technologies cleantech (énergie électrique et biocarburants), qui a l’avantage de réduire la pollution sonore (puisque le moteur s’arrête lors de la vidange des containers) ainsi que les ’émissions de CO2 et de particules, et de diminuer la consommation d’énergie ; et l’efficience opérationnelle grâce à la gestion électronique centralisée des containers, qui nous permet d’optimiser la planification des vidanges.
Serbeco a inspiré la conception du camion Econic. Comment protégez-vous vos innovations ?
Nous ne sommes pas dans une logique de dépôt de brevets dans des domaines qui ne sont pas forcément notre cœur de métier. Nous définissons nos besoins, qui sont souvent porteurs d’innovation, et nos fournisseurs nous livrent des solutions. Néanmoins, nos contrats prévoient les conditions dans lesquelles nos fournisseurs peuvent réutiliser les inventions nées de nos collaborations. Il ne serait, par exemple, pas imaginable qu’ils vendent à nos concurrents directs des produits co-développés avec nous, au moins pendant un laps de temps défini. C’est la manière dont nous protégeons nos innovations.
On n’imaginait pas que les containers pouvaient abriter de l’électronique. Parlez-nous de votre gestion électronique de ces équipements.
La gestion électronique des containers, que nous appelons Gestion Technique Centralisée (GTC), ne consiste pas uniquement à relever le niveau de remplissage d’un container, mais aussi à évaluer la rapidité avec laquelle ce remplissage se fait afin de planifier les vidanges. Par exemple, un container rempli à 50% peut mettre trois jours pour atteindre la limite de sa capacité dans une agglomération, tandis qu’un autre rempli aussi à 50% mettra encore une semaine avant d’être plein. Nous avons développé des modèles de prévision nous permettant d’optimiser les collectes. Ce système nous a permis de réduire de 25% les flux de mobilité relatifs à la collecte du verre et du PET en ville de Genève.
Camion Grue Econic
Source: Serbeco SA
Qu’en est-il aujourd’hui de votre production de biodiesel ?
Nous avons commencé à utiliser du biodiesel en 2005 dans le souci de réduire notre impact environnemental notamment en émissions de CO2. Dans la première phase, nous utilisions comme matière première le surplus de production suisse de colza. Néanmoins, Cette utilisation entre quelque peu en concurrence avec l’usage alimentaire du colza, et il y a évidemment des problèmes d’alimentation à l’échelle planétaire. Depuis deux ans, nous utilisons uniquement du biodiesel issu d’huiles et de graisses de récupération et venant de notre propre station. Le biodiesel s’inscrit toujours pleinement dans le volet environnemental de notre stratégie et de nos activités.
Vous comptez renforcer votre leadership dans la production des matières premières secondaires en acquérant de nouveaux équipements. Où en êtes-vous dans l’exécution de cette stratégie ?
Nous avons quelques projets en cours visant à une meilleure valorisation, notamment de la biomasse (bois et déchets verts). Nous sommes parmi les initiateurs du projet PôleBio (www.polebio.ch) qui vise à produire de l’électricité, du biogaz et de la chaleur à partir de résidus organiques et de bois, à l’horizon de 3 à 5 ans. Avec PôleBio, nous accompagnons la transition énergétique voulue par le Conseil Fédéral.
Quels sont les prochaines innovations que compte lancer Serbeco ?
Nos prochaines innovations se déclineront sur trois axes : le développement des activités de valorisation, le tri des déchets, et le traitement du plastique.
La cohérence entre les valeurs et les activités, comme gage de pérennité
Quels sont les avantages comparatifs de Serbeco ?
Notre premier avantage comparatif est l’innovation. Notre industrie a encore de nombreux défis devant elle, notamment pour ce qui est de la transition énergétique et de la valorisation des déchets. Nous allons continuer à améliorer notre leadership dans ce domaine.
Notre second avantage comparatif est notre sens de la responsabilité sociale. Au-delà des aspects innovants que recèle le camion Econic, notre souci était d’offrir une cabine sécurisée à nos collaborateurs afin de les protéger des intempéries et des accidents de la route. Nous mettons également à disposition un service de santé en entreprise pour nos collaborateurs. De même, Serbeco soutient plusieurs activités caritatives et participe activement à la réinsertion professionnelle de probationnaires à travers son atelier protégé, et géré en collaboration avec la Fondation des Ateliers FeuxVerts.
Notre troisième avantage comparatif est notre ancrage dans le tissu social et économique local, car nous soutenons plusieurs initiatives locales.
Notre quatrième avantage est la cohérence entre nos valeurs et nos activités, qui nous aide à construire une image que nous pensons inspire respect et confiance. Nous montrons l’exemple en réduisant notre impact environnemental et en valorisant l’huile de récupération pour produire du biodiesel. En plus, nous continuons à réfléchir à divers moyens de réduire encore plus notre impact environnemental, même si parfois les coûts liés, à court terme, pourraient paraître onéreux.
Enfin en tant qu’entreprise familiale, notre capacité à prendre rapidement des décisions nous permets de répondre facilement aux besoins du marché et de nos clients, en développant de nouvelles offres.
Aujourd’hui, vous avez trois gros types de clients : les particuliers, les entreprises et les organismes institutionnels. Comment se répartitvotre chiffre d’affaires entre ces principaux groupes ?
La moitié de notre chiffre d’affaires provient des industries et de la construction, 40% des organismes institutionnels, et le reste (10%) des particuliers.
Malgré le fait que Serbeco soit sur un marché local et de niche, comment comptez-vous assurer la croissance de votre entreprise, vous qui êtes un amateur de la montagne qui incite à aller toujours plus haut ?
Nous sommes dans une optique de développement économique durable, de pérennité. La croissance à tout prix ne fait pas partie de notre ADN, si je puis dire. Nous comptons sur nos valeurs, notre capacité d’innovation et notre qualité de service pour assurer le développement pérenne de Serbeco.
Comment voyez-vous Serbeco dans cinq ans ?
Dans cinq ans, je vois Serbeco comme une entreprise ayant réussi à réduire encore plus son impact environnemental et dont la qualité de service ravit encore plus ses clients et usagers.
Vous êtes devenu Directeur Adjoint de Serbeco en 2010, puis Directeur Général en 2012. Votre père vous a fait passer par les différents métiers de l’entreprise. Adoptez-vous la même politique pour promouvoir vos collaborateurs ?
Pas forcément. Mon parcours au sein de l’entreprise ne fut pas planifié de manière à me faire faire plusieurs métiers. J’ai aidé à tous les postes où le besoin s’était fait ressentir. Par contre, il est vrai que nous favorisons la mobilité au sein de Serbeco.
Comment recrutez-vous vos collaborateurs ?
Nous utilisons plusieurs canaux, y compris les annonces dans la presse et la cooptation. Nous allons aussi utiliser de plus en plus les médias sociaux dans un proche avenir.
Un successeur aguerri ayant fait ses armes dans plusieurs industries
Vous avez commencé chez Serbeco, ensuite avez effectué des missions dans l’ingénierie et l’horlogerie, avant de revenir dans l’entreprise familiale. Ce parcours était-il pensé comme un apprentissage puis une ouverture d’esprit avant de revenir prendre d’importantes responsabilités ?
Mon parcours en dehors de Serbeco m’a effectivement permis de voir comment les choses se faisaient ailleurs, mais aussi de tester mon attachement à l’entreprise. Ceci faisait partie du plan de succession. Après différentes missions dans différentes industries et un cursus de MBA, je me suis senti apte à relever le défi. Le regard extérieur a toujours été important chez Serbeco. Dès 2003, le Comité de Direction se fait assister d’un conseil d’administration composé de plusieurs compétences qui apportent un regard extérieur sur les activités de l’entreprise.
Vous vous décrivez comme étant à la fois enthousiaste et impatient. Comment conciliez-vous ces traits de leader avec votre rôle de manager – ce dernier rôle demandant plus de patience en général ?
J’ai la chance d’être très bien entouré. Du moment que l’on s’inscrit dans une vision globale cohérente, avec un planning bien préparé avec l’équipe de direction, l’impatience peut être facilement gérée. Des problèmes surviennent lorsque l’impatience se double d’un manque de préparation ou de vision. Dans de tels cas, on navigue à vue et on impose du stress inutile à ses collaborateurs. Nous faisons en sorte que cela ne soit pas le cas chez Serbeco.
Il n’est jamais facile de reprendre les rênes d’une entreprise des mains de son père, surtout lorsque celui-ci est toujours actif, en l’occurrence dans le conseil d’administration. Ceci peut-être perçu par certains comme une pression supplémentaire. Comment gérez-vous cette situation ?
J’ai été bien préparé pour cette succession. Je compte sur des équipes solides. Je ne vois pas la présence de mon père au Conseil d’Administration comme étant une pression, mais quelque part comme un capital très important d’expérience et de conseils dans lequel je peux puiser.
“Les matières premières secondaires sont des produits recyclés qui peuvent être réutilisés dans la fabrication de nouveaux matériaux permettant ainsi une économie sensible en terme de ressources et d’énergie puisqu’elles remplacent les matières originelles souvent extraites du milieu naturel. », site internet de Serbeco.